Phytothérapie : accompagner la sortie d'hiver

Le 20/04/2022 à 8:47 par La rédaction

La saison commence avant les premiers signes de la reprise du végétal et déjà chaque geste compte pour la qualité finale de la récolte. Pour commencer dans les meilleures conditions, regardons comment accompagner les vignes et leur écosystème par les plantes en sortie d'hiver.

Avant d'arriver au végétal, repartons du sol. C'est de lui que naît l'impulsion du printemps via notamment les racines qui font remonter tous les éléments nutritifs nécessaires aux futurs bourgeons. L'hiver est un moment clé pour aider le sol à se restructurer après la dernière saison où le passage des tracteurs et des machines a sûrement compacté sa surface et où la vie microbiologique a pu en pâtir. Il y a deux moments pour s'occuper de son sol : l'entrée et la sortie d'hiver. L'automne est le moment pour l'application des amendements, pour la mise en place des semis, pour les décompactages d'après saison. Ces interventions jouent sur le temps long des mois froids, sur la minéralisation lente des apports. En sortie d'hiver, nous pouvons impulser une autre dynamique, comme un coup de fouet pour accompagner l'accéléra- tion printanière. À chaque fois, le but est d'amener les meilleures conditions au racinaire pour que les écarts ne s'accentuent pas à chaque millésime, et mènent à des déséquilibres qui se ressentent sur le végétal.

Activer les micro-organismes

Une fois que les températures du sol remontent, c'est le moment d'aider à relancer l'activité microbienne. Dans quels cas cette relance est-elle nécessaire ? Elle l'est sur un sol nu et souvent labouré, là où la vie microbienne est fortement réduite ou dans un sol à la matière organique présente mais inerte, ou encore sur des sols à enherbement « envahissant » dénotant des excès menant à des blocages de certains nutriments.

Booster la communauté microbienne d'un sol, c'est travailler sur plusieurs niveaux en même temps : celui de la bonne structuration du sol, celui des flux d'eau et d'oxygène, celui de la fixation du carbone, mais aussi celui d'une meilleure gestion des nutriments palliant les stress climatiques, potentiel de coulure et déséquilibre nutritionnel.

Miser sur la fermentation

Pour que l'apport des micro-organismes soit directement assimilable dans le sol, il existe plusieurs solutions issues de la fermentation : thé de compost, litière fermentée, extrait fermenté de plantes. Les extraits fermentés de plantes, autrefois appelés « purins » du fait de leur odeur pestilentielle due à une fermentation au contact avec l'air, sont constitués de plantes fermentées dans de l'eau, cette fois en anaérobie puis filtrées. Au final, ce sont des apports microbiens parmi les plus propices du fait de leur composition très riche en vitamines, tanins, oligo- éléments et micro-organismes mais aussi en termes de pH/ redox tout à fait similaire à celui d'un sol en bonne santé (acide-réduit). Pour soutenir cette relance microbiologique, il faut aussi considérer de quoi alimenter l'expansion des micro-organismes fraîchement importés via des amendements organiques. Tout le réseau racinaire permet aussi d'entretenir le maillage complexe des échanges et de soutenir leur développement. Comme tout procédé à partir de substances naturelles, le contexte de l'application joue autant sur sa réussite que le produit en lui-même.

Accompagner la croissance du végétal

Viennent les premières feuilles, la vigne débourre. Pour commencer à pousser, elle puise dans la sève brute stockée dans les bois ou alimentée par les racines et qui lui donne de premières ressources. Si la réserve dans les bois et les racines a été correcte, la vigne n'a pas de difficulté. Si les bois ont mal aoûté du fait d'une canicule ou d'une pression cryptogamique excessive, alors les réserves sont incomplètes. Cela ne signifie pas qu'elles soient insuffisantes, mais elles peuvent à terme créer un déséquilibre significatif nécessitant un effort du végétal pour la relance printanière qui se traduira par une sensibilité accrue pendant la saison aux stress biotiques et abiotiques. La première aide à apporter aux vignes à cette période est de faciliter ou d'intensifier sa photosynthèse. Mettre l'accent sur ce mécanisme, c'est renforcer avantageusement la résistance de la plante et son équilibre nutritionnel pour toute la saison.

L'ortie, clé en début de saison

Une des plantes pour nous aider à y parvenir est l'ortie, clé dans la nutrition et la croissance. L'ortie est le modèle de l'organisation et de l'activité photosynthétique : alternant ses feuilles oblongues et dentées, tout en elle est symétrique et chlorophyllien. Elle contient les ressources nécessaires à toute photosynthèse végétale : le fer, le manganèse et le magnésium essentiels à la création et au fonctionnement de la chlorophylle. C'est aussi un apport nutritionnel incomparable : d'un côté, elle fournit quasi tous les nutriments nécessaires au développement foliaire et de l'autre, elle crée des ponts entre la nutrition et l'élimination des déchets. En effet, l'ortie est aussi la plante qui épure et organise son milieu, poussant dans les zones de déchets organiques, elle trie et engendre les conditions d'un nouvel équilibre. Sous forme d'extrait fermenté ou d'infusion, l'ortie accompagne le début et la fin de saison des vignes. Nous la laisserons de côté pendant le climax végétatif pour éviter de créer un microclimat propice aux pathogènes.

Atténuer les froids tardifs et les gelées des vignes

La sortie d'hiver est de plus en plus précoce mais cela n'empêche pas des refroidissements tardifs possibles jusqu'aux saints de glace. Ainsi, les premiers débourrements peuvent encore griller lors d'un gel printanier. Ce risque s'étend aujourd'hui à quasi toutes les régions viticoles et pose même par endroits la question d'un changement climatique durable. L'utilisation seule de produits pour prévenir les gelées a peu de chances de tenir ses promesses. Pour maintenir un microclimat autour des jeunes pousses, les outils matériels (gaines chauffantes) ou un écosystème temporisant les températures (arbustes, haies, arbres) restent les moyens les plus probants pour tenter de sauver la récolte. En complément de cela, après un fort refroidissement climatique, le soin par les plantes fournit une aide précieuse pour aider le végétal à se reconstruire.

Incontournable valériane

La plante clé du refroidissement reste la valériane. Cette dernière est reconnue pour créer un léger voile de chaleur atténuant les écarts de température autour des vignes mais surtout elle a une action déstressante sur le végétal. Sa fleur riche en phosphore porte en elle le principe de l'initiation florale qui est d'une grande aide dans les périodes froides mais aussi pendant tout le début de saison. Cette initiation aura encore un effet sur les bois de l'année suivante dans les bourgeons. La clé de la phytothérapie dans les contextes de stress est de lisser les déséquilibres sur le long terme, tout au long d'une saison et pas seulement au moment du choc. Il ne s'agit pas d'un effet immédiat mais de clés aidant le végétal à le surmonter et à reconstituer les bases solides de son développement. n

(1) Structure d'accompagnement de la transition agroécologique viticole.

Justine Vichard - Pacte Végétal (1)


La consoude, alliée pour le sol

La consoude est une plante à forte dominante végétale. En milieu favorable, elle pousse jusqu'au gigantisme et ses feuilles peuvent atteindre la taille d'un avant-bras. Sa granulométrie, rêche, et sa texture, riche et épaisse, la rendent semblable à un tissu presque animal d'où un de ses surnoms, « langue de vache ». La consoude est une plante très reliée à la terre. Elle s'y ancre grâce à un racinaire puissant pouvant descendre jusqu'à 1,80 m sous le sol. Elle a aussi une affinité avec l'eau et aime se développer dans des milieux très humides. D'ailleurs, « terre-eau » définit très bien la consoude car, ajoutée à un compost, elle devient un activateur de décomposition performant et disparaît sans laisser de trace, totalement absorbée.

· Boost de l'activité microbienne du sol : la consoude impulse une dynamique de multiplication de la microfaune d'un sol. Grâce au boost d'activité microbienne, elle décompose mieux et rend accessible la matière organique. Cette relance des micro-organismes améliore le travail de transformation et de digestion des sols. · Rééquilibrage pH/redox des sols : en outre, l'apport de consoude dans les sols a une influence sur le milieu électromagnétique. Elle rebalance vers une atmosphère plus réduite et moins alcaline qui est le milieu naturel pour le développement des plantes.

· Enracinement et baisse de la coulure : l'utilisation de la consoude sous forme d'extrait fermenté en début de saison participe à un meilleur enracinement (surtout d'un plantier). De plus, une utilisation un peu plus tardive dans la saison, mobilise aussi les ressources dans le sol comme le bore et le potassium et amoindrit les risques de coulure des cépages sensibles.

Dosage en application au sol : 12 L/ ha appliqué seul ou 8 L/ha appliqué en complément d'un autre extrait fermenté. Pulvériser en grosses gouttes pour conserver la réduction de la préparation.

Extrait de « La phytothérapie appliquée aux vignes, expliquée par les plantes », Justine Vichard, Pacte Végétal, 2021.