Lutte contre le mildiou : Ensemble, à la recherche de solutions

Le 08/04/2010 à 13:15 par La Rédaction

Face au problème quasi récurrent d’attaque de mildiou rencontré en viticulture bio, un groupe de travail a vu le jour début 2009, sous l’impulsion de la Coordination agrobiologique des Pays-de-la-Loire (Cab). “Les Bio Pratiquent” visent à échanger et réfléchir à des solutions techniques.

“Les récoltes 2009 s’annoncent plutôt bien”, estime Jacques Carroger, viticulteur bio, situé “à cheval” sur la Loire-Atlantique (Muscadet) et le Maine-et-Loire (Anjou). Cette année, pas de catastrophe due aux maladies. Un soulagement. Pour autant, en bio, la vigilance et l’observation dans les vignes restent des préceptes de bases, d’autant plus que le mildiou devient un problème quasi récurrent, en particulier dans le Muscadet. En 2009, la pression semble néanmoins plus faible qu’en 2007 et 2008 (qui a connu aussi le gel).

Pour ces viticulteurs, la difficulté est de trouver des informations techniques conformes à leurs attentes – autrement qu’en calquant la démarche conventionnelle qui, à une maladie, propose un traitement. Il leur fallait autre chose, basée sur l’échange de savoirs et d’expériences. La Cab des Pays-de-la-Loire a proposé la création d’un groupe de travail, afin de les aider à gérer leur vignoble, et notamment à le défendre contre ces attaques, tout en respectant les normes du cahier des charges pour les doses de cuivre et de soufre.

Des programmes adaptés

“Un enherbement naturel maîtrisé permet de régénérer les sols qui en ont besoin, explique Daniel Noël, de Vini Vitis Bio. La notion de “vignes propres” est un blocage qu’il faut sauter.”
“Un enherbement naturel maîtrisé permet de régénérer les sols qui en ont besoin, explique Daniel Noël, de Vini Vitis Bio. La notion de “vignes propres” est un blocage qu’il faut sauter.”

“En 2007 et 2008, nous avions déjà lancé des formations techniques menées par Daniel Noël de la société Vini Vitis Bio, ainsi qu’une mutualisation des pratiques, en tenant compte des problématiques des différents secteurs géographiques régionaux, explique Sébastien Bonduau, animateur à la Cab. De nombreuses visites de parcelles ont été réalisées autour de différents thèmes : gestion du mildiou, travail du sol ou encore traitements alternatifs. Ces expériences nous ont permis d’élaborer un programme structuré pour l’année 2009.” Quatre journées d’échanges sont prévues sur l’année (voir programme complet en encadré) de début avril à décembre. Deux groupes ont été constitués, l’un pour l’Anjou et l’autre pour le Muscadet, regroupant chacun une douzaine de producteurs. “C’est indispensable car chaque vignoble a ses spécificités et ses terroirs, explique Gwénaëlle Gaignard, intervenante technique de ces journées. Comme les cépages – Chenin pour l’Anjou et Melon de Bourgogne pour le Muscadet –, bon nombre d’éléments diffèrent : densité de plantations, hauteur de souches, palissages, terrains ou climatologie. Côté maladies, on observe des différences très nettes selon les secteurs géographiques, en Anjou comme en Muscadet, en particulier au niveau des pressions mildiou.”

La gestion des maladies n’est pas l’unique sujet abordé. “Elle prédomine car les producteurs sont en alerte permanente, mais on regarde toujours une exploitation dans sa globalité, précise la formatrice. Santé et vie du sol, matériels utilisés, qualité des pulvérisations…”

Favoriser l’échange

“Nous voulions une dynamique collective et participative”, résume Sébastien Bonduau, à la Cab. “La partie technique est apportée par un spécialiste mais on discute aussi entre nous, décrit Patrick Thomas, viticulteur bio angevin, sur une douzaine d’ha, qui teste notamment un enherbement naturel maîtrisé sur 30 ares. S’informer, confronter nos acquis et voir ce qu’on peut en retenir, c’est l’objectif de ces rencontres. J’ai beaucoup appris sur les différentes sortes de cuivres par exemple. Car nous refusons les plans de traitements systématiques.” Daniel Noël confirme : “nous ne faisons pas d’assistanat, assure-t-il. Ce serait indigne. Nous sommes dans une démarche de prévention. En revanche, je constate que les produits utilisés sont bien souvent mal connus. Le cuivre, par exemple, ne fonctionne que s’il est réparti correctement et cela, avant la pluie. Le lessivage permettra de l’activer”. Formateur en bio en France et à l’étranger pour le compte de Vini Vitis Bio, le Girondin Daniel Noël a préféré passer la main à un formateur local. “Mieux vaut avoir un référent sur le terrain en permanence, comme Gwénaëlle”, préciset- il. Gwénaëlle Gaignard, ex-chargée de mission au Civam Bio de l’Aude, pendant 4 ans, pour le développement de la viticulture biologique est formatrice en viticulture au lycée agricole de Montreuil Bellay (49). Elle a pris le relais des “Bio Pratiquent”. “Avec Daniel, nous harmonisons nos méthodes, précise-telle. Pour les producteurs, les attentes sont multiples : ne plus être seuls, pouvoir communiquer et apprendre. À travers cela, il s’agit de faire du bon raisin en bio et de pouvoir en vivre.”

Un tremplin pour passer en bio

“Le groupe est ouvert aux conventionnels souhaitant passer en bio, en attente de soutiens techniques, assure la formatrice. “Les Bio Pratiquent” peuvent leur offrir un tremplin et un cadre plus sécurisant. Nous sommes là pour améliorer les pratiques afin qu’elles soient plus faciles à mettre en œuvre. Nous devons donner aux viticulteurs l’envie de faire du bio, sans mettre en péril leur exploitation.” Plusieurs producteurs non encore certifiés adhèrent aux rencontres, comme Marc Pesnot, viticulteur dans le vignoble du Muscadet, qui s’inscrit dans une démarche de fabrication de vin dit “naturel” depuis le début des années 2000. Face à une campagne 2007 difficile en raison du mildiou, le producteur s’était résolu à utiliser un produit de synthèse. “Les Bio Pratiquent” lui apporte beaucoup. “J’apprends à maîtriser le cuivre, explique- t-il. On commence avec de faibles doses, couplées avec des décoctions de plantes, ortie, fougère ou prêle. Je n’avais pas cette expérience. Je constate aussi l’efficacité des huiles essentielles : citrus au pouvoir asséchant et lavandin réduisant la présence du papillon cochylis. Pour moi, ces rencontres sont admirables. Je ne me sens plus isolé dans mon coin. C’est très important de pouvoir échanger.” Pour Jacques Carroger (1), initiateur des “Bio Pratiquent”, le programme 2009 est prometteur. “Ceux qui participent aux rencontres ont une meilleure gestion du mildiou par une approche globale”, constate-t-il. “La dynamique en Pays-de-la- Loire est très intéressante et elle fait école, assure de son côté Daniel Noël. L’Association des Vignerons Agrobiologistes de Provence, l’Avap, s’en inspire en formant un technicien en région Paca, en sachant que le département du Var a également connu une apparition massive de mildiou.” À la fin de l’année 2009, “les Bio Pratiquent” feront le bilan de la saison, afin de préparer celle de 2010.

Frédéric Ripoche

Article paru dans Biofil n°65

À visiter : www.biopaysdelaloire.fr

(1) Plusieurs tests sont réalisés chez ce producteur : lutte contre l’esca, le mildiou et essai de bio-herbicides.

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Les Bio Pratiques en détails

- 4 réunions d’échanges “bout de parcelle” par secteur géographique : mutualisation des connaissances, observation… Visite d’exploitation. Apport technique de Gwénaëlle Gaignard.

- Une journée régionale “bilan de campagne” : le point sur le millésime passé, conclusions, échanges, résultats observés… Établissement du programme de campagne suivant avec des experts de la filière.

- Une visite individuelle : Gwénaëlle Gaignard visite chaque exploitation et prend connaissance de l’ensemble de son environnement.

- Réception d’une note Vini Vitis bio : entre 20 et 25 notes par an, contenant des informations d’avertissements spécifiques aux secteurs géographiques concernés. - Assistance téléphonique : en cas de force majeure, possibilité de recevoir des infos techniques par téléphone.

- Plate-forme technique régionale : découverte des protocoles et résultats des actions en cours lors des échanges “bout de parcelle”.

- Formations thématiques : faire ses propres plants, approche de la vinification, oenotourisme, marketing… Coût sur une saison : 100 euros TTC (adhérent Cab)/ 200 euros (hors adhésion Cab).

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