L'agroforesterie au service des Ppam

Le 30/09/2022 à 8:34 par La rédaction

Comme les autres espèces, les plantes à parfum, aromatiques et médicinales sont et seront impactées par le réchauffement du climat. Plusieurs projets de recherche explorent des pistes pour construire des systèmes plus résilients, notamment en agroforesterie.

 

Benjamin Lemaire, ingénieur à l'Iteipmai (1), et Pierre Battail, conseiller spécialisé Ppam à la chambre d'agriculture de la Drôme font le même constat : la cécidomie a causé beaucoup de dégâts cette année sur lavande et lavandin. Une situation « préoccupante », juge le second, et que les deux spécialistes imputent possiblement au changement climatique. Le développement de ce ravageur, comme d'autres, ainsi que la menace d'en voir apparaître de nouveaux, ne sont qu'une des conséquences de l'évolution du climat. Les sécheresses et épisodes de fortes chaleurs impactent les rendements, l'eau fait défaut, et le gel, des dégâts. « On assiste à des épisodes de gels tardifs sur lavande et lavandin, en particulier en altitude dans la Drôme et le Vaucluse, en zones de production historiques, relate Pierre Battail. Avec des hivers doux, les plantes redémarrent, et le gel arrive dessus. »

Le conseiller cite aussi des décalages de maturité, avec des dates de récolte venant se télescoper, entraînant des problèmes logistiques, et de disponibilité de matériel. L'hélichryse et la lavande sont notamment concernées. « Sur lavande, lavandin, quand toutes les parcelles sont à récolter en même temps, c'est compliqué pour les producteurs et pour la distillerie », abonde Benjamin Lemaire. L'expert de l'Iteipmai note aussi des durées de vie raccourcies sur des parcelles peu ou pas irriguées, et « un dépérissement en lavanderaies qui s'accentue en conditions de stress hydrique ».

Manque de références techniques

Alors que faire ? Plusieurs projets de recherche sont en cours, notamment en agroforesterie. Associer arbres et Ppam est traditionnel dans certaines régions. « On implante de la lavande entre des chênes truffiers par exemple, le temps que les arbres poussent », illustre Benjamin Lemaire. Les bénéfices attendus de l'association entre les espèces sont pluriels : tamponner les températures extrêmes, ombrage, hausse de la biodiversité, lutte contre l'érosion, etc. Mais les références techniques manquent pour les producteurs. C'est pourquoi le projet Arbraromatix (2019-2021) s'est penché sur les enjeux et attentes de la filière en la matière. Il est à l'origine de Ppam Ppam ­ Projet de recherche participatif en agroforesterie méditerranéenne plantes à parfums, aromatiques et médicinales ­, piloté par Agroof et appuyé notamment par l'Iteipmai.

Association d'espèces dans Ppam Ppam

Trois parcelles agroforestières âgées du pourtour méditerranéen, en bio, vont être étudiées. Plusieurs cas de figure seront suivis : amandiers et sarriette associés depuis 2012 (chez Catherine Legrand, installée à Marsillagues-Attuech), verveine-mélissethym-romarin et des oliviers de plus de 25 ans, ensemble depuis 2019, et une association thym et amandiers, plantés en 2017. « On va regarder le développement des aromatiques selon la distance aux arbres, la tension hydrique du sol, le rayonnement, la biodiversité..., énumère Ambroise Martin-Chave, chargé d'études biodiversité chez Agroof. Ainsi que la performance technico-économique de ces systèmes. » Car si les avantages sont séduisants, ils restent à objectiver. Y a-t-il un risque de compétition pour l'accès à l'eau ? L'ombrage influence-t-il positivement ou non la Ppam ? Quel impact pour la teneur en huiles essentielles ?

Tilleuls et romarins dans la Drôme

D'autres projets sont en cours pour répondre à ces questions. Avec le soutien de la région et du département, la ferme expérimentale Ardema, pilotée par la chambre, à Mévouillon (Drôme), plante des tilleuls et romarins en décembre 2021. « La distance entre les rangs de tilleuls est de 7 m, avec au milieu, deux rangs de romarin », explique Pierre Battail, responsable de la ferme. Les arbres sont à 2,7 m des aromatiques, eux-mêmes espacés d'1,6 m. Le dispositif est aussi implanté chez un producteur du département, avec du thym, et au lycée horticole de Romans sur Isère. « L'idée est de mener une autre culture en attendant que les tilleuls entrent en production, indique Pierre Battail. En maintenant les tilleuls bas, quand ils seront adultes, on verra ce qu'on peut faire, si on peut diminuer les coûts de récolte, pourquoi pas en mécanisant. »

Couverts non concluants

Outre l'agroforesterie, l'Iteipmai a travaillé sur l'impact de couverts végétaux dans l'inter-rang sur le stress hydrique des lavandes et lavandins, dans le cadre du projet Recital, qui est terminé. Bilan : pas de différence significative avec ou sans couverts. « D'autres travaux sont à imaginer », ajoute Benjamin Lemaire, évoquant la création variétale. « Le problème, c'est que le changement climatique va très très vite. Les cultures peuvent supporter un stress ponctuel, mais pas l'accumulation de stress rapprochés, qui a un impact. »

 

Marion Coisne

(1) Institut technique des plantes aromatiques, médicinales et à parfum.