Au 1er juin, 16 800 cas confirmés dans 63 pays et 116 morts : le comptage, au jour le jour, des ravages de la grippe A H1N1 peut effrayer. Certes, la majorité des cas ne sont que bénins. Mais difficile de savoir comment cette épidémie va évoluer. Pourtant, on est tenté de relativiser…
En France, le tabac tue davantage tous les ans. Pire, le sida ou les maladies liées à la malnutrition et à la pauvreté sont bien plus foudroyants.
On se demande d’ailleurs pourquoi cette grippe, à l’origine porcine, puis mexicaine, a vite été débaptisée pour prendre le nom de grippe A ? Peut-être pour dissimuler que les premiers cas ont été détectés dans un petit village du Mexique, La Gloria, dans l’État de Veracruz. Des affections respiratoires étranges y ont été signalées ces derniers mois. Les autorités ont été alertées en vain. Ici, tout le monde est convaincu que leur maladie est liée à la pollution provoquée par la grande ferme porcine récemment installée par Granja Carroll, une filiale de la société américaine Smithfield Foods, le plus grand producteur de porcs mondial. Cette filiale élève 1 million de porcs par an. Selon les témoignages, les conditions d’élevage y sont infectes : réservoirs à ciel ouvert pour les excréments et urines, conteneurs où sont entreposées les carcasses couvertes de mouches, odeurs de charogne sur des kilomètres alentour.
Mais le sujet reste tabou. Ce n’est pas faute d’être informé sur les dangers de ces élevages intensifs.
Les recherches ont montré que, pour les pandémies de grippe en général, la proximité d’élevages intensifs de porcs et de volailles augmente les risques de recombinaison virale et l’émergence de nouvelles souches virulentes de grippe. En Indonésie par exemple, on sait que les porcs vivant près d’un élevage de volailles ont des taux importants d’infection au H5N1, la variante mortelle de la grippe aviaire. En fait, cette nouvelle souche de grippe porcine est un cocktail génétique de plusieurs souches de virus de grippe, qui associe la porcine, l’aviaire et l’humaine.
Ce n’est pas la première fois, sans doute pas la dernière, que les agro-industriels dissimulent des épisodes de maladies infectieuses, mettant ainsi des vies en péril. Au risque de provoquer une hécatombe. En Roumanie, il y a quelques années, le même Smith-field a interdit aux autorités locales d’entrer dans ses élevages porcins, après les plaintes des résidents à propos de l’odeur pestilentielle provenant des centaines de charognes de porcs laissées à pourrir pendant plusieurs jours.
Véritables bombes à retardement pour les épidémies mondiales, les élevages agro-industriels sont à bannir. Mais ils permettent de produire de la viande à bas prix, pour de gros profits. Des profits qui bénéficient aussi à l’industrie pharmaceutique qui se frotte les mains. Il semblerait que la crise sanitaire vienne au secours de la crise économique ! À quand des élevages bio partout dans le monde ?
Christine Rivry-Fournier
Achetez le Biofil N°64, Mai-juin 2009