Robot avec pince pour arracher les adventices, herse étrille électrifiée... Tour d’horizon de quelques innovations high-tech et low-tech en matière de désherbage, adaptées aux cultures bio. Bien qu’intéressantes, les coûts sont pour certaines non négligeables.
De nombreuses entreprises développent des innovations, avec des progrès notables permis ces dernières années par des nouvelles technologies : géolocalisation, robotique, intelligence artificielle, reconnaissance d’adventices par caméra, etc. Stéphane Volant, à la FRCuma Ouest, s’est penché sur le sujet dans le cadre du projet Azimut, lancé en 2022. « L’un des premiers outils, le GPS RTK apporte une précision centimétrique, rappelle le chargé de mission. La technologie est présente depuis quinze ans, mais elle reste encore peu répandue ». La raison, selon lui : son appropriation, et le coût de l’abonnement.
Du RTK collaboratif
Sur ce dernier point, le réseau collaboratif CentipedeRTK pourrait être une réponse. « C’est un RTK libre, chacun peut devenir émetteur du signal », résume Stéphane Volant. Démarré en 2019, son objectif est d’offrir une couverture complète du territoire métropolitain avec des bases GNSS (1) ouvertes et disponibles pour toute personne se trouvant dans la zone de couverture. « Le réseau est étendu par des instituts publics, des particuliers, des acteurs privés comme les agriculteurs ou d’autres partenaires publics », explique le site du projet, qui répertorie les bases (2). D’autre part, Stéphane Volant rappelle le développement de la détection visuelle, rendant certaines bineuses capables de désherber sur le rang. Parmi les nouveautés, l’outil d’Ullmanna, bine avec des pinces se fermant et s’ouvrant. « Il est fonctionnel, indique Nicolas Weber, responsable de programme légumes au Sileban, station d’expérimentation dans la Manche. Il s’attelle sur un tracteur, et peut s’utiliser jusqu’à 5 km/h. En revanche, il faut des espaces minimums entre les rangs. » Exit donc les carottes. En revanche, les tests ont été concluants sur céleri et poireau.
Bineuse et robot à pinces
Ullmanna explique sur son site Internet que la machine fonctionne à l’aide des caméras, avec un système de flash pour travailler la nuit, et une IA calcule la masse racinaire de la culture pour faire les réglages. « Son intérêt réside dans la vitesse d’avancement, analyse Nicolas Weber, et dans sa capacité à passer à un stade de culture plus avancé. » Le spécialiste des légumes au Sileban a aussi vu fonctionner le modèle d’Odd.Bot, qui arrache les adventices par préhension, et pourrait être vendu en France en 2025. L’entreprise néerlandaise a présenté Maverick, son robot de désherbage en Normandie fin juin, à l’occasion d’une journée de démonstration organisée par le Sileban et Carottes de France. Quasiment « de la taille d’une Twingo », précise Nicolas Weber, le robot est entièrement autonome, et peut être équipé de deux ou trois bras pour attraper les adventices et les retirer du sol. Un algorithme alimenté par des caméras permet de les reconnaître au milieu des légumes. Il régule ensuite la vitesse d’avancement du robot et actionne le bras de désherbage. « Celui-ci forme une pince qui effectue une rotation pour saisir l’adventice en arrachant les racines », rapporte Nicolas Weber.
Reconnaître de nouvelles adventices
Maverick affiche un débit de 2 ha/jour, soit une rotation en 10 jours sur 20 ha. Son coût de 110 000 € HT comprend deux batteries pour assurer un fonctionnement en continu. Le robot opère dès qu’il détecte le premier rang de la culture et il s’arrête seul en fi n de la parcelle. L’intervention du producteur consiste à changer la batterie en milieu de journée. Pour limiter le nombre d’actions du robot et augmenter le débit de chantier, seul le rang ou le haut de la butte est analysé par les caméras. Le reste de la parcelle est voué à être biné classiquement par le producteur. Le robot est capable d’apprendre à reconnaître de nouvelles adventices. « Au bout de quelques jours, il arrachait le souchet, alors qu’il ne connaissait pas », témoigne Nicolas Weber. Autre atout, appréciable en cas d’années très humides : « Le robot fait 400 kg, il peut rentrer dans les parcelles avant les tracteurs », ajoute Nicolas Weber.
Des Oz d’occasion
Plus petit et plus connu, le robot Oz a fêté ses dix ans cette année. Matthias Carrière, directeur commercial de Naïo Technologies, fait état de 300 exemplaires en fonctionnement dans le monde, dont une centaine en France, pour la moitié chez des maraîchers bio. L’arrivée du guidage RTK et de la possibilité de semer a boosté l’intérêt des producteurs. « On robotise l’itinéraire technique », résume Matthias Carrière. 35 outils sont désormais disponibles. Côté coût, les prix vont de 30 000 à 40 000 € selon l’équipement, ou 15 000 à 20 000 € en occasion, un marché s’étant développé. Autre innovation, à défaut de robot, il est désormais possible d’installer un module sur un tracteur pour le rendre autonome : c’est par exemple la promesse de la technologie Iquus de GPX Solutions.
Carto’Mat recense les outils de désherbage
Lancé il y a quatre ans, Carto’Mat référence sur un portail en ligne (1) les outils disponibles : bineuses, roto-étrilles, herses étrilles, etc., chez les producteurs, les ETA et les Cuma (en lien avec myCumaLink). « L’objectif est de trouver un outil pour le tester, avoir un retour d’expérience, ou le faire tourner chez soi, explique Clara Gueguen, chargée de mission structuration de fi lières et grandes cultures à la Frab Bretagne. Une importante mise à jour des outils a été réalisée l’été 2024. » L’Auvergne-Rhône-Alpes a aussi rejoint la Bretagne pour les régions couvertes par ce service. Au total, 500 matériels sont aujourd’hui recensés.
(1) https://desherbage-meca.carte.bio/
Une herse étrille électrifiée
En outil attelé, le Sileban a aussi fait tourner Nucrop. Pensé initialement pour le défanage électrique des pommes de terre, ce matériel pourrait trouver un autre usage en désherbage de carottes. Pour ce faire, les panneaux utilisés sur pommes de terre sont remplacés par une herse étrille électrifiée possédant trois lignes de dents pour assurer un recouvrement total entre les dents. Une solution de magnésie est pulvérisée sur les planches grâce à une cuve à l’avant du tracteur pour augmenter la conductivité. Lors d’une journée de démonstration du 5 juin dernier dans les Landes, l’outil est présenté sur une parcelle bio des fermes Larrère destinée à un futur semis de carottes. Xavier Bourgeois, en charge des démonstrations de Nucrop, au volant du tracteur, assure qu’en un passage, il peut obtenir le même résultat sur dicotylédones que trois passages de désherbeur thermique. Une bande réalisée la veille a servi à analyser l’efficacité du Nucrop. Présentes à raison de 11,3 unités par m² avant électrification, les dicotylédones ont complètement disparu après le passage de l’outil. À l’inverse, l’électrification semble moins efficace sur graminées. En défanage de pommes de terre, le coût de passage du Nucrop est chiff ré à 225 €/ha. Xavier Bourgeois estime qu’en désherbage, la consommation de carburant est bien moindre du fait de la masse végétative plus faible, d’où un coût prévu moins élevé. En pratique, sur le terrain, toutes ces technologies sont encore peu répandues, et concernent plutôt de grandes exploitations. En maraîchage diversifié, « on est toujours sur les même outils », témoigne Nicolas Herbeth chez Bio Grand Est. Ce qui n’empêche pas les améliorations. Terrateck a lancé il y a quelques mois la gamme de sarcloirs à main Nifty, « développée pour rendre les opérations de désherbage manuel plus ergonomiques en y ajoutant de la précision ».
Marion Coisne et Tanguy Dhelin
(1) Global Navigation Satellite System
(2) https://docs.centipede.fr/