Passages en HD des potagères : la liste s'allonge et le système évolue

Le 17/05/2024 à 9:28 par Christine Rivry-Fournier


Près d'une trentaine d'espèces ou types variétaux sont aujourd'hui hors dérogation (HD), c'est-à-dire à utiliser obligatoirement en bio. Mais de nombreuses restent encore en statut dérogatoire possible, comme l'oignon, le haricot, la mâche, le chou-fleur et désormais le radis rond rouge.

Lucien Laizé, multiplicateur de potagères, et représentant de la Fnams au comité d’experts de section semences potagères fines du Cnab. (©CRF)

En 2023, le chou cabu, la laitue, le poireau hybride, la carotte nantaise orange, et certains types de tomates population sont passés en hors dérogations (HD). En 2024, la liste se renforce avec les courgettes cylindrique jaune, blanche, striée et à fruit rond, venant compléter la cylindrique verte déjà en HD depuis 2019 pour le plein champ et 2022 pour la culture sous abris. Autre passage, la laitue jeune pousse et le poivron court carré. La betterave potagère sera en HD en juillet prochain, ainsi que la tomate côtelée rouge et couleur F1. En 2025, les navets, panais et certaines tomates hybrides enchaîneront. Nouveauté 2024 : le radis rond rouge est retourné au statut DP ­ dérogation possible ­, en raison des difficultés à le multiplier pour répondre aux besoins.

Vers des dérogations temporaires

« En radis rond rouge, la situation est inextricable, explique Lucien Laizé, multiplicateur de potagères, installé en 2012 dans le Maine-et-Loire, et représentant la Fnams au comité d'experts de section semences potagères fines du Cnab. Ce légume crucifère est passé en hors dérogation il y a quinze ans, alors que le marché était insignifiant. Face à la hausse de la demande, les multiplicateurs n'ont pas pu suivre, d'autant plus que sa production est compliquée, risquée et onéreuse, car il faut semer une graine pour un radis. Et les demandes de dérogations exceptionnelles augmentaient. » Le radis rond rouge est donc revenu en dérogation possible, comme toute l'espèce radis. Cette décision intervient alors que le règlement européen de l'agriculture bio fait évoluer le système dérogatoire. Depuis début 2024, celui-ci ne peut plus être progressif, comme cela s'est produit pour le poireau, la carotte ou le radis rond rouge. « Maintenant, c'est tout ou rien », résume Lucien Laizé. « Mais c'est impensable de revenir en arrière pour l'espèce globale, donc cette nouvelle approche du cahier des charges nécessite de segmenter au maximum les typologies », précise l'expert consultatif du groupe semences. Cette démarche réclame un consensus au sein de la section semences potagères du Cnab.

L'évolution du système en 2024 passera donc par l'instauration de dérogations temporaires à la place des dérogations exceptionnelles. Ces dernières seront réservées aux essais à petite échelle, à la recherche et à la conservation des variétés. Les espèces ou types variétaux dont les disponibilités sont insuffisantes pourront retourner en DP pour six mois maximum. Leur statut pourra être mis à jour sur proposition du groupe expert de l'Inao. La révision sera effectuée en début de campagne et en situation de blocage. « Cela réduit le travail des consultants en supprimant les dérogations exceptionnelles obtenues au cas par cas à partir de l'avis du groupe d'experts », explique l'Inao. Cependant, catégoriser les espèces, pour ne pas les sortir entièrement du statut HD, n'est pas évident. « C'est un gros travail, précise Mireille Lavie-Juste, productrice de légumes bio dans les Landes et responsable de la section semences potagères fines au Cnab. Il va falloir lister tous les problèmes rencontrés, et à partir de critères spécifiques, créer des catégories. » Ces nouvelles dérogations temporaires autoriseront l'achat de semences non traitées après récolte, validé par les organismes certificateurs, et contrôlée a posteriori.

Les passages à faire

Pourtant, pour les espèces beaucoup moins complexes à multiplier, le passage en hors dérogation ne devrait pas attendre. Lucien Laizé plaide par exemple pour y ajouter le haricot. « Sa culture de porte-graines est maîtrisée, mais les semenciers freinent, pour des questions de rentabilité par rapport aux semences non traitées après récolte », pointe-t-il. Face à une situation économique devenue tendue à cause de la réduction des contrats, Lucien Laizé s'accroche : « J'ai choisi une spécialisation en production de semences bio pour être le plus pointu possible, en variétés population et hybrides, explique-t-il, ayant converti progressivement l'exploitation familiale de 20 ha. Il faut que ça reparte car nous puisons dans nos trésoreries. » Fournisseur de plusieurs maisons semencières, il multiplie une trentaine d'espèces sur 6 ha, en plein champ et sous abris.

Christine Rivry-Fournier

En savoir + : semences-biologiques.org