Limiter la pénibilité : une gamme d’outils maraîchers en test

Le 11/07/2024 à 14:28 par La rédaction

La station expérimentale d’Auray, dans le Morbihan, déjà a la pointe sur l’étude de la pénibilité, teste actuellement une palette élargie de matériels, avec une approche affinée, pour aider les maraîchers à s’équiper. Les travaux portent aussi sur l’aspect économique, et l’aménagement de bâtiments.

« Sur les dix facteurs de risque définis par le Code du travail, les maraîchers sont concernés par sept, rappelait le 16 janvier Maët Le Lan, responsable de la station expérimentale en maraîchage d’Auray, à la chambre d’agriculture de Bretagne, lors d’une conférence au Sival. Neuf maraîchers sur dix souffrent de TMS – troubles musculo-squelettiques ».

Face à ces constats, la station travaille depuis 2014 sur la réduction de la pénibilité, notamment en testant les innovations disponibles (lire Biofil 128 – mars-avril 2020). Le dernier projet en date s’appelle Assistant (2023-2026), et il a été construit de façon à répondre aux limites des travaux précédents. Il va notamment fonctionner à l’opération culturale et non à la culture, tester plus d’outils, multiplier les mises en situation, travailler sur la charge mentale et tenter de chiffrer le coût accordé à la pénibilité.

Les équipes ont choisi de se focaliser sur les tâches jugées les plus pénibles : plantation, désherbage et arrachage des oignons et des échalotes, récolte des haricots et des courgettes, désherbage des carottes, et plantation, désherbage et récolte des fraises.

 

Sept outils à la loupe

Pour le moment, sept outils sont étudiés, à Auray et sur la station Planète Légumes, dans le Haut-Rhin : le robot Oz de Naïo, le cobot Toutilo, l’enjambeur Romanesco, le chariot Ergo de Coserwa, l’exosquelette d’Exoviti, et l’automoteur CAT8 et la motobineuse électrique Mobelec de chez Elatec. « On a élargi la gamme, cela permet d’avoir différents prix », explique Maët Le Lan.

Pour analyser la pénibilité associée à l’utilisation de chacun, « nous avons travaillé avec une combinaison connectée, qui génère un avatar 3D », précise la responsable de la station d’Auray. Développée par TMS Studio, celle-ci est équipée de 17 capteurs de mouvements positionnés sur l’ensemble du corps. Les utilisateurs répondent aussi à la fin à un questionnaire, et des interviews sont menées. « Nous les recueillons désormais de façon séparée, faisant remonter par exemple que les lits de désherbage n’étaient pas forcément adaptés à la poitrine des femmes. » Des travaux vont aussi être réalisés avec des lunettes connectées, pour évaluer la charge mentale.

Le projet va aboutir à la rédaction de fiches « Retour d’expériences », évolutives, pour aider les producteurs dans le choix des outils. « On va essayer de vulgariser au maximum, appuie la responsable de la station. La trame est faite, elles sortiront à la fin du projet, en 2026. » Photos à l’appui, ces fiches listeront les caractéristiques générales de l’outil, les opérations culturales testées sur la station, les perspectives d’utilisations futures, les pannes ou problèmes rencontrés, avec une appréciation globale de l’outil par les utilisateurs de la station. Des vidéos seront aussi disponibles. « Il n’y a pas de bon ou de mauvais outil, pose Maët le Lan. Ce qui est un avantage pour moi sera peut-être un inconvénient dans votre exploitation. » Tout dépend des cultures, des gabarits des utilisateurs, des budgets…

 

Une nouvelle brouette avec batterie au lithium chez Elatec

La nouvelle brouette d’Elatec affiche une autonomie d’une journée de travail ou plus.

Depuis mi-février, Elatec propose une nouvelle brouette maraîchère électrique mono-roue, avec une batterie au lithium, plus performante « et beaucoup moins lourde et contraignante qu’une batterie plomb », met en avant le fabricant. Elle se recharge en 2 heures et 30min, et son autonomie est d’une journée de travail ou plus, selon les conditions d’utilisation. Sa vitesse est de 0 à 4 km/h, avec une gâchette d’accélérateur proportionnelle. En fonction du kit de traverses choisi, il est possible de mettre deux caisses dans la longueur (brouette étroite, 4 traverses 42 cm) ou trois caisses dans la largeur (brouette large, 6 traverses 62 cm). L’écartement des bras et des pieds est réglable, ainsi que la hauteur des bras (sur trois positions). La charge utile est de 80 kg. Côté prix, le constructeur affiche en ligne 1 950 € HT. Elatec a aussi sorti le Mobelec –motobineuse électrique pour le maraîchage et les jeunes ppam – que la station d’Auray a testé. « On l’a acheté, il se prête bien à de petits chantiers, il ne fait pas de bruit, il est léger », commente Maët Le Lan.

Pour mieux appréhender la pénibilité, des combinaisons avec capteurs intégrés sont utilisées.

Des options utiles

À partir des échanges avec les utilisateurs, la responsable de station s’est rendu compte de l’intérêt des options : porte-gobelet, glacière pour garder la bouteille au froid… « Cela apporte du confort au salarié. Ce sont tout sauf des gadgets », appuie Maët Le Lan. L’autre volet du projet, et non le moindre, concerne le chiffrage de la pénibilité.

Une étude économique est menée par un groupe de travail avec la MSA. Et parce que la pénibilité ne s’arrête pas à l’entrée du hangar, la station d’Auray travaille sur l’aménagement des bâtiments, avec la MSA Bretagne, dans le cadre de l’évolution de ses propres locaux. Le bâtiment devrait sortir de terre en juillet 2026. « L’idée, c’est notamment de réduire le nombre de fois où un légume est porté, précise Maët Le Lan. Chez un maraîcher, une ergonome a mesuré qu’une botte de radis avait été soulevée une vingtaine de fois. »

 

Marion Coisne

 

Le robot Trektor, aussi qualitatif qu’un tracteur thermique

La consommation de carburant est en moyenne inférieure de 30 %

La chambre d’agriculture des Pays de la Loire a testé le robot Trektor entre 2020 et 2022, dans le cadre du projet Trektor Expe’, en maraîchage et viticulture. Les résultats sont présentés au Sival 2024. L’objectif était d’analyser les performances du tracteur autonome hybride, associant électrique et thermique, et de les comparer à un tracteur thermique. Outre sa bonne autonomie, Maxime Chabalier, conseiller à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, note qu’« il peut utiliser des outils déjà présents sur l’exploitation ». Différents paramètres ont été étudiés : vitesse, réglage des outils, point de patinage... Bilan : « On a réussi à avoir un travail agronomique de qualité, équivalent à un tracteur thermique pour une même caractéristique de puissance », résume le conseiller. Côté carburant, la consommation du Trektor est de 30 % inférieure. Attention, le robot ne peut travailler seul : réglementairement, il faut un humain à proximité, nécessitant de s’organiser pour faire des tâches en parallèle. Maxime Chabalier voit au Trektor un autre intérêt : orienter d’autres salariés vers des travaux d’entretien du sol, citant en viticulture l’exemple d’un maître de chai ne voulant pas conduire de tracteur, mais qui s’est mis au robot.