Le CTIFL de Balandran étudie depuis 2021 l'effet, sur la fertilité des parcelles, de différentes techniques de réduction de travail du sol, associées ou non à l'apport de matière organique. Retours sur les premiers résultats.
« Nous avons comparé trois modalités sur une culture de melon en 2021 et en 2022, introduit Juliette Pellat, en charge du maraîchage bio au CTIFL de Balandran, lors d'une journée de présentation des essais du centre en juin 2023. En 2022, nous avons finalement privilégié la variété Arkade en non traité, car nous avons eu énormément de fentes avec Djazzeo en 2021, apportant un rendement commercial quasiment nul. » En 2023, les tests se réalisent sur chou-fleur. « Une espèce plus vigoureuse, ayant un fort enracinement, et se plantant plus tard en saison. »
Travail du sol plus ou moins réduit
Les expérimentateurs comparent des rangs labourés à la charrue, à 25-30 cm de profondeur, avec la technique du strip-till. Cette dernière est mise en place grâce à un Herbasol modifié, possédant une dent sur le rang de plantation et descendant profond (20-25 cm). La dernière modalité est le passage d'un Actisol en surface à moins de 10 cm de profondeur. « Pour chacune de ces situations, nous avons un témoin n'ayant pas reçu d'amendement organique, et une modalité avec apport d'un compost de déchets verts, à 30 t/ha, à l'automne, enfoui. » Juliette Pellat regrette qu'en 2021, le compost reçu soit en poudre. « Mais en 2022, il contenait plus de morceaux, et était plus structurant. » Des engrais verts pois fourrager, radis oléifère et vesce d'hiver sont semés sur la parcelle d'expérimentation fin octobre et détruits fin mars, avant le travail du sol. « Comme nous travaillons sur le sol, avec des effets à long terme, les techniques sont réalisées sur les mêmes lignes, pour garder les antécédents des travaux. »
Nombreux critères suivis
Plusieurs mesures sont réalisées chaque année pour chaque modalité : suivi phytosanitaire, vigueur, adventices, temps de travail, etc. Et plus particulièrement pour le sol, les expérimentateurs suivent de nombreux critères : des tests bêches avant et après la culture, aident par exemple à définir la qualité de la structure du sol. « Nous n'avons pas perçu de différences dans les tests sur les rangs labourés et passés au strip-till, décrit Juliette Pellat. Mais nous savons que deux années ne sont pas suffisantes. En revanche, le test était impossible à réaliser sur l'option Actisol, tellement le sol était dur. » Des observations de vers de terre sont aussi prévues. « Mais nous n'avons pas de résultats, car comme nous faisons les mesures en été à la fin de la culture, les vers de terre descendent profondément dans le sol et nous ne les trouvons pas. »
Structure et infiltration
Le slake-test immersion de mottes de terre plusieurs fois dans l'eau et observation de leur dégradation , réalisé en juillet à la fin de la récolte des melons, donne des indices de stabilité du sol. Les résultats ne sont pas significativement différents en fonction des modalités. « On observe une moins bonne structure lorsque les sols ont été labourés, avec compost ou non, mais ce n'est qu'une tendance pour le moment. » Les tests d'infiltrométrie, mis en place en juillet, consistent à verser un volume d'eau connu dans un cylindre rempli d'un échantillon du sol et à compter le temps d'infiltration de l'eau. « Cela renseigne sur la porosité du sol et sa capacité à infiltrer l'eau. » Il est remarqué que le liquide pénètre moins bien sur les sols travaillés à l'Actisol. La modalité labour associé au compost présente le meilleur temps. « Donc globalement, un sol un peu plus travaillé, en labour ou strip-till, infiltrerait mieux l'eau. Mais ce sont des résultats à confirmer avec d'autres essais. »
Décomposition de matière organique
L'équipe du CTIFL observe aussi le taux de décomposition moyen de la matière organique des sols de chaque situation. « Nous regardons le pourcentage de décomposition, en pesant des sachets de thé, avant et après enfouissement. Et nous observons la dégradation de la matière. » Les expérimentateurs prennent à la fois du thé vert et du rooibos. « Le thé vert est une matière plus facilement dégradable que le rooibos, plus ligneux. La combinaison des données de dégradation des deux types de thé aide à connaître le niveau de minéralisation du sol et la stabilité de la matière organique liés aux bactéries et champignons du sol. » Aucune différence significative n'est décelée entre l'ensemble des techniques : l'activité biologique du sol ne semble donc pas affectée par une des situations, même si une tendance montre une moins bonne dégradabilité lorsque le sol est labouré. « Mais nous avons aussi eu des difficultés avec la méthode car les sachets étaient biodégradables. Pour cela nous les avons laissés seulement 12 jours sous terre en juin pour être sûrs de les retrouver. »
Des rendements distincts
Quant aux rendements commerciaux, aucune différence n'est notée pour les récoltes de melons précoces, mais à la fin de la saison, les chiffres sont significativement différents selon les modalités. « Le meilleur rendement s'obtient lorsque le sol est labouré avec l'apport de compost 49,9 t/ha, puis vient le strip-till avec 41,2 t/ha. » La modalité Actisol présente un moins bon rendement, surtout lorsqu'il y a eu apport de matière organique à l'automne (40,2 t/ha). « Après deux ans d'essais, nous remarquons que la réduction du travail du sol a tendance à diminuer la productivité. »
Continuer les essais
L'équipe du CTIFL a besoin de plus de temps pour approfondir ces résultats. « Nous savons aussi que des modalités présentant des résultats négatifs les premières années peuvent en montrer des positifs plusieurs saisons plus tard. Et les données ne seraient pas les mêmes avec d'autres sols aux compositions différentes. » Les expérimentations continuent donc les prochaines années avec d'autres cultures.
Frédérique Rose
Micro-organismes et enzymes
Charlotte Berthelot, une collègue de Juliette Pellat au CTIFL de Carquefou, réalise au laboratoire des analyses de diversité de micro-organismes dans le sol (indice de diversité de Shannon). « Pour le moment toutes les courbes se superposent. Mais deux ans d'essais ne sont pas suffisants pour avoir ce genre d'informations, donc nous continuons chaque année les prélèvements pour envoyer des échantillons. » En revanche, les expérimentateurs mettent en évidence une réduction de l'activité de la phosphatase enzyme du sol rendant le phosphore assimilable par les plantes sur les modalités Actisol.