La fertilisation, pour une belle production de qualité, est toujours au coeur de l’itinéraire technique en maraîchage. Les approches s’expérimentent et évoluent. Plusieurs voies sont explorées, plus classiques ou novatrices, pouvant se combiner et se compléter.
« Sur le terrain, nous observons deux grandes tendances : traditionnelle et préservation des sols », signale Dominique Berry, conseiller maraîchage à la chambre d’agriculture du Rhône. D’une part, le maraîchage « classique », ou « maraîchage bio intensif » est basé sur un travail du sol, et des apports. « Cela reste la pratique majoritaire et la plus consolidée », souligne Manu Bué, conseiller en légumes bio au Gab29. Et puis se développent, encore modestement, des pratiques de réduction ou non travail du sol, associées aux mulchs organiques ou implantation dans des couverts couchés ou broyés.
Du bio intensif avec rotations et couverts
Classiquement, basée sur les exports, les ressources du sol et les besoins de la plante, la fertilisation est pilotée par apports d’amendements et d’engrais organiques. « Idéalement, la mise en œuvre se fait en intégrant les cultures maraîchères dans un système de rotations performant, associant des engrais vert », souligne Dominique Berry. C’est une technique éprouvée pour laquelle on observe peu d’évolutions, « si ce n’est l’utilisation plus fréquente d’engrais organiques liquides en goutte à goutte dans les cultures longues sous abris ». Néanmoins dans certaines régions où l’élevage s’est raréfié, diminuant ainsi les ressources en engrais organiques de proximité, « les producteurs plus expérimentés se questionnent sur leur autonomie, par un allongement de la rotation et l’introduction d’une sole en couverts plus ou moins longs, avec prairie fauchée, luzerne, etc., voire d’épandages d’herbe fauchée », témoigne Manu Bué.
Maraîchage sur sol vivant (MSV)
« Plus modestement, on voit se développer du maraîchage avec peu de travail du sol, voire sa suppression », signale Dominique Berry. Cette technique de MSV joue sur l’activité biologique des sols pour augmenter leur fertilité. Ainsi les cultures sont gérées par mulchs organiques et ou implantations dans des couverts couchés ou broyés. « J’ai pour le moment peu de recul sur ces pratiques, pour en tirer des itinéraires fiables, indique le conseiller. Il y a encore beaucoup de résultats aléatoires liés au comportement des matériaux utilisés en mulch, au type de couverts et à la maîtrise technique des maraîchers. » Sur les fermes voulant cultiver sans travail du sol, l’itinéraire est souvent conduit avec un apport très important en début de rotation. « Ce n’est pas toujours un succès. Faim d’azote et limaces, tout comme tassement et refroidissement du sol brident la bonne croissance des plantes », synthétisent les conseillers maraîchage de Nouvelle-Aquitaine. « Préconiser l’apport de 400 tonnes de MO par hectare au démarrage me pose question, complète Emmanuel Plantier de la chambre d’agriculture des Landes, surtout dans un contexte de concurrence forte pour la disponibilité des ressources. » Récemment, le ministère a édité un bilan des disponibilités en matière organique sur le territoire (1).
Optimiser le travail du sol et la fertilité.
Afin de concilier les deux approches, ou plutôt apporter des réponses techniques pour un compromis optimal, les différents techniciens travaillent sur le sujet. « Nous avons un programme d’essais sur longue durée – 2019-2024 – nommé Persyst sur le site Awen Bio, près de Morlaix, signale Manu Bué. Nous testons diverses modalités dont le non-travail du sol, une modalité plus intermédiaire avec travail léger et maximisation des couverts végétaux. » Les résultats sont à venir avec cinq années de recul sur ces divers itinéraires techniques (2).
Arnaud Furet
(1) Rapport commandité par le ministère de l’Agriculture à télécharger sur agriculture.gouv.fr
(2) www.grab.fr/projet-persyst/