Création variétale en espèces potagères : c’est parti pour l’hétérogénéité !

Le 10/03/2023 à 15:42 par La rédaction

Une dizaine de nouvelles variétés potagères populations sont en demande d'inscription en bio dans le catalogue français. Cette dynamique est liée à la nouvelle réglementation européenne bio autorisant plus d'hétérogénéité. Le point lors du séminaire de la section potagères de l'ASF.

Depuis le 1er janvier 2022, date d'entrée en application du nouveau règlement européen bio 2018/848, la mise sur le marché de deux nouveaux matériels de reproduction végétale est autorisée : les variétés adaptées à la production bio et le matériel hétérogène biologique.

Très attendue, cette évolution marquante répond à une demande des filières bio. Lors d'un séminaire de l'ASF ­ Association des sélectionneurs français ­, tenu en octobre à la station Geves de Brion en Anjou, sélectionneurs et instituts techniques ont fait le tour de tous ces changements, des contraintes techniques rencontrées, de leurs attentes et perspectives. 

« Depuis les années cinquante, la variété est un produit technologique, conçu par des professionnels de la semence, pour une agriculture industrielle et soutenue par les intrants, rappelle Mathieu Conseil, chef de projet légumes à l'Itab. Cela a entraîné une recherche d'homogénéité et de maîtrise des techniques culturales. » Conforme aux critères DHS ­ distinction, homogénéité, stabilité­, les variétés développées depuis lors ont accompagné la standardisation des légumes, avec une perte de la biodiversité cultivée et également du savoir-faire des agriculteurs, devenus dépendants. Les semences issues de lignées ou d'hybrides deviennent chères, et sont difficiles à produire en bio.

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Très attendue, cette évolution marquante
répond à une demande des filières bio. (©Geves)

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De fortes attentes

Le défi est de répondre à la diversité des systèmes bio, en surfaces et en circuits de vente. Les besoins sont multiples, et varient selon les profils. Ils nécessitent des variétés classiques pour les circuits longs et aussi diversifiées, de terroir, ancrées localement, adaptables, de bonnes qualités gustative et nutritionnelle.

Les attentes sont fortes également en variétés rustiques et résilientes : concurrentes aux adventices, tolérantes aux bioagresseurs et aux stress abiotiques. Autre critère, être adaptées à une fertilisation organique et à de bas niveaux d'intrants ainsi qu'aux pratiques agronomiques bio avec des associations et moins de travail du sol. « Autant de besoins pour l'instant qui ont des réponses partielles, pointe Mathieu Conseil. L'offre de semences bio évolue, mais il reste beaucoup de lacunes pour sécuriser les producteurs. »

Le système dérogatoire autorisant l'utilisation de semences conventionnelles non traitées s'arrête en 2036. Si la liste des espèces dérogeables se réduit pour inciter les alternatives bio, « la gamme variétale est jugée aujourd'hui mal adaptée, et les variétés de références ne sont pas disponibles en bio, liste l'expert. De plus, les qualités des lots de semences sont variables, les enrobées quasi-absentes, et le coût du matériel végétal élevé. »

Un nouveau cadre plus rassurant

Malgré l'implication de certains obtenteurs et semenciers très motivés étoffant leurs gammes, les programmes de recherche et la sélection participative de producteurs, la filière paraît pénalisée. Les problématiques bio peinent à être prises en compte. L'introduction des critères d'hétérogénéité dans la réglementation bio modifie enfin la donne, mais il faut se l'approprier. Sa mise en place se fait progressivement. Lieu de concertation autour des questions variétés-semences pour le compte du ministère de l'Agriculture, la Cisab ­ commission intersection du CTPS (1) dédiée à l'agriculture bio ­ travaille sur ce dossier.

« Sa mission est de favoriser la prise en compte de la bio lors des décisions d'inscription pour disposer de variétés adaptées à la bio en France », rappelle Marie-Hélène Bernicot, son animatrice. Ces ouvertures réglementaires offrent de nouvelles opportunités : « Elles suscitent un fort intérêt, des demandes d'informations, et également, elles fournissent un cadre plus sécurisant, une assurance pour conforter les démarches de sélection en agriculture bio », précise Pascal Coquin, secrétaire technique de la section légumières.

Déjà, 13 variétés populations ­ sélectionnées en conditions bio ­ viennent de demander leur inscription au catalogue national : 4 en betterave rouge et jaune, 1 en chou romanesco, 1 en chou brocoli ainsi que 7 en carotte. Une première en France, alors que les obtenteurs allemands, plus en avance sur ce sujet, n'ont pas franchi le pas.

Expérimentation temporaire

Les modalités de dérogation pour les variétés bio sont précisées dans la directive d’exécution du règlement UE 2022/1648 de la Commission du 23 septembre 2022 : « Les normes d’homogénéité définies dans les protocoles et principes directeurs DHS existants de l’OCVV (2) et de l’UPOV (3) ne sont pas adaptées aux variétés biologiques destinées à la production biologique, lesquelles sont caractérisées par une grande diversité génétique et phénotypique. Il est donc nécessaire d’offrir la possibilité de s’écarter des protocoles d’examen DHS existants », indique le texte, et ce, pour démarrer une expérimentation temporaire dès juillet 2023.

Si les règles de distinction et la stabilité ne sont pas modifiées, celles sur l’homogénéité sont assouplies : l’examen des caractères est moins strict, et le niveau d’homogénéité à l’intérieur de la variété doit être semblable à celui des variétés populations connues comparables dans l’Union européenne. « En France, le catalogue des variétés légumières comporte 2 800 variétés au total, dont 450 anciennes et populations datant pour leur majorité d’avant les années cinquante, souligne Pascal Coquin. Les premiers examens sur ces nouvelles variétés en demande d’inscription montrent que leur niveau d’hétérogénéité n’est pas plus élevé que celui des populations déjà inscrites. »

Pour démarrer, l’expérimentation temporaire d’une durée de sept ans exempte de certains critères deux espèces en test, la carotte et le chou-rave. « En légumes, les producteurs semblent néanmoins vouloir de l’homogénéité en maturité et en aspect à la récolte, donc celle-ci reste présente. Ce, à l’inverse par exemple des céréales en vente directe, broyées pour la transformation », souligne Pascal Coquin.

En revanche, l’hétérogénéité est recherchée en intra-variétale sur des caractères agronomiques, pour mieux encaisser les aléas climatiques ou les variations de caractéristiques de sol. Si elles sont acceptées, ces 13 nouvelles variétés devraient être disponibles en 2024. Et d’autres sont dans les tiroirs.

Matériel hétérogène : ce n’est pas une variété

Autorisé depuis le 1er janvier 2022, doté d'une très forte hétérogénéité et produit en bio, ce matériel n'est pas une variété. Sa particularité est de ne pas être stable, donc d'évoluer dans le temps. Il n'a pas besoin d'inscription, mais d'une simple notification sans limitation de durée après étude d'un dossier par le Geves. À ce jour, aucune demande n'a été faite en France.

Christine Rivry-Fournier

(1) CTPS : Comité technique permanent de la sélection.

(2) OCVV : Office communautaire des variétés végétales.

(3) UPOV : Union internationale pour la protection des obtentions.