« Privilégier les blés de qualité meunière »

Le 14/10/2022 à 12:10 par La rédaction

Lors d'une conférence de Tech&Bio Île-de-France, la filière céréalière régionale s'interroge sur la baisse des prix du blé meunier et le tassement de la demande. Voici plusieurs analyses de la situation.

 

Si la moisson 2022 est qualifiée de bonne en Île-de-France, à l'exception des zones marquées par la grêle, des questions se posent sur l'avenir du marché. « Non, ce n'est pas la fin du bio comme certains l'annoncent, martèle Gilles Renart, expert grains bio au sein du groupe Axereal Bio. Certes, il existe un tassement des ventes mais il est conjoncturel car la tendance observée depuis vingt ans est à la hausse. » La filière francilienne grandes cultures est particulièrement concernée : 42 % des 600 exploitations régionales certifiées bio fin 2021 sont en grandes cultures. Elle voit le marché du blé tendre meunier se contracter : faible progression des utilisations et prix en baisse par rapport à 2021, de l'ordre de 15 à 20 %. « Alors que toutes les charges d'exploitation progressent, le seul prix qui ne suit pas est celui du blé tendre meunier, s'inquiète Bertrand Bâcle, céréalier bio dans l'Orne (et ancien conseiller en grandes cultures bio à la chambre d'agriculture de l'Île-de-France). Dans ces conditions, n'est-il pas plus judicieux de cultiver des blés fourragers dont le rendement est plus élevé de 30 % et le prix très proche du blé meunier ? »

 

Viser la meunerie locale

« Pour la première fois en 2021, l'équilibre du marché s'est inversé, éclaire Gilles Renart. Suite à trois années de conversion sur des surfaces significatives, la production de blé a dépassé la demande d'où un ajustement qui a pesé sur les prix. » En conséquence, les importations ont reculé mais pas autant que souhaité en raison d'engagements contractuels pluriannuels avec des fournisseurs. « D'autre part, dans ce contexte d'offre supérieure à la demande, les meuniers ont logiquement relevé leurs exigences qualitatives d'où des déclassements de lots vers le fourrager. Enfin, l'export s'est fortement développé, essentiellement en blé fourrager vers le Benelux notamment. » Au-delà de ces ajustements, les fondamentaux du marché sont stables selon le spécialiste. « Le local ou national représente 80 à 90 % des ventes de blé tendre, avec une demande en hausse qu'il faut chercher à satisfaire. Pour cela, les producteurs doivent privilégier les variétés de qualité meunière, de type printemps ou alternatif, car celles-ci seront toujours mieux valorisées que les profils tournés vers le rendement. »

 

Moins d'importations à venir

« Le développement de la contractualisation pluriannuelle entre les meuniers et coopératives locales va faire diminuer les importations de blé, pronostique Luc Peinturier, responsable de l'activité bio à la minoterie Moulins Bourgeois, basée à Verdelot en Seine-et-Marne. Le contexte reste porteur pour les blés franciliens car leur différentiel de prix avec les blés importés a fortement diminué. De plus, les meuniers ne souhaitent pas payer des frais de transport prohibitifs pour des produits dont le bilan carbone est mauvais. » Charlotte Glachant, responsable d'équipe au PCTAB complète : « Il faut distinguer deux types de marché en blé tendre. Celui du blé fourrager est national et tiré par les besoins en alimentation animale mais aussi des opportunités à l'exportation. Et celui du blé meunier, davantage local, qui est parvenu à l'équilibre et pour lequel les meuniers ont des exigences de qualité plus élevées. » À court et moyen terme, d'importantes marges de progression existent pour ce dernier, notamment en lien avec la demande de la RHD - restauration hors domicile.

 

Des besoins spécifiques pour la RHD

Tiré par la loi Egalim, ce marché est sous-représenté en bio. Mais la situation évolue : certaines collectivités locales avancent des objectifs très ambitieux, favorables aux produits bio, dont le pain. Par exemple, le nouveau plan alimentation durable 20222027 adopté par Paris en juin 2022 prévoit 75 % de denrées labellisées bio dont 50 % produites à moins de 250 km de la capitale. « Même s'il est très prometteur, le marché de la RHD présente des spécificités qu'il ne faut pas ignorer, prévient Gilles Renart. On y fait davantage appel à des process industriels, beaucoup de pains sont précuits... D'où un besoin en blés à plus forte teneur en protéines, alors que c'est le point faible en bio. À la filière de se mobiliser pour répondre à ce défi, depuis les obtenteurs de semences jusqu'aux producteurs en passant par les coopératives. » Par ailleurs, selon l'expert, l'orientation vers des blés davantage protéinés est de nature à faire baisser les importations.

 

Pas d'inquiétude

« La situation actuelle ne m'inquiète pas, tempère Dominique Collin, céréalier bio à Marolles-en-Brie en Seine-et-Marne, en bio depuis 2003. J'en veux pour preuve que mes collègues et moi-même avons récemment renouvelé des contrats pluriannuels avec des meuniers à des conditions de prix très satisfaisantes. Rien à voir avec ce que nous avons connu au milieu des années 2000. À cette époque, le blé bio se vendait mal et à des prix bas. »

 

Jean-Martial Poupeau