Prenez-en de la graine… bio bien sûr

Le 01/04/2021 à 15:48 par La rédaction

[Edito du Biofil 134 - mars-avril 2021]
 
Tout commence avec la semence, et en agriculture bio, celle-ci doit forcément être certifiée bio, comme l’oblige la réglementation. Or depuis des années, faute de quantités suffisantes disponibles, la semence bio restait un sujet plutôt tabou. Certes, grâce aux dérogations, la filière végétale bio a pu se déployer, aussi à partir de graines issues de cultures conventionnelles, et non traitées après récolte. Mais forcément, cette tolérance a retardé l’investissement de certaines firmes semencières.
2021 est un tournant, et la mobilisation en faveur des semences bio se fait (presque) tous azimuts. Cette accélération réjouissante n’a pas éclos par miracle. Elle a germé pendant de longues années de recherches, et d’investissements d’obtenteurs et de semenciers pionniers, couplés à la volonté d’agriculteurs et d’agricultrices d’implanter en priorité, voire uniquement, du matériel végétal bio, pour être cohérents de la graine à l’assiette. Ce, en puisant entre autres dans les variétés anciennes et locales, et en prônant aussi la sélection participative.
Contre vents et marées – et Biofil est bien placé depuis plus de vingt ans pour en témoigner –, ces avant-gardistes, tous passionnés par ce challenge en faveur de la santé de la planète, ont travaillé dur pour prouver que les semences bio, c’était possible. Pas facile pourtant, à sélectionner, obtenir, multiplier, mais réalisable, en respectant les normes strictes de qualité. La preuve. À force de déboires et de réussites, les techniques et le savoir-faire se sont affinés, même si rien n’est jamais gagné, notamment avec le changement climatique.
En 2020, les surfaces de porte-graines bio en France font un bond de 28 % par rapport à 2019 (lire p. 4). Et même si elles ne représentent encore que 4,5 % des surfaces totales de production de semences nationale, cette croissance est très encourageante. L’enjeu est de répondre à une demande en plein boom de semences bio diversifiées et adaptées aux conditions de production bio et locales, en limitant les importations. Et c’est urgent car le clap de fin des possibilités de dérogations imposé par la réglementation européenne tombe en 2036. Et l’échéance sera plus courte pour de nombreuses espèces, sachant que beaucoup sont déjà en hors-dérogation. Aujourd’hui, les ruptures de disponibilités en variétés bio nuisent à la filière.
L’appel est lancé. Cette filière bio a besoin de producteurs de porte-graines, toutes espèces confondues et dans toutes les régions, et réclame des formations technico-économiques efficaces ainsi que des contractualisations pour réduire les parts de risques. Élu il y a trois ans président de la Fnams, Fédération nationale des producteurs-multiplicateurs de semences, Thomas Bourgeois prend lui aussi, sur son exploitation dans l’Oise, le virage de la bio. Lors de l’édition digitale de Village semences, du 9 au 13 mars, il évoque ce nouveau défi, répondant aux attentes sociétales. Devenu Semae, l’ex-Gnis fait également sa mue, en s’ouvrant notamment à la biodiversité. Dans ce numéro, Biofil fait le tour de toutes ces évolutions. Alors prenez-en de la graine !
 
Christine Rivry-Fournier