Acteur territorial gersois, la coopérative Gersycoop investit 7 millions d’euros dans un silo de 10 200 tonnes dédié au bio, situé à Fleurance et opérationnel dès le début de la campagne 2022. L’objectif est d’accompagner le déploiement des surfaces bio, et de mieux valoriser la collecte.
Née en 2008 et basée à Mirande, Gersycoop est détenue par 1 000 agriculteurs gersois, dont 180 producteurs convertis à la bio. Au sein de la coopérative, les cultures bio de céréales et oléoprotéagineux représentent aujourd’hui 8 000 hectares, soit 20 % de la sole totale des adhérents. Les surfaces bio ont doublé en trois ans. « Après cette forte croissance, elles se sont stabilisées cette année, explique Damien Leca, directeur général du groupe Gersycoop. Notre coopérative ancrée dans le territoire s’engage à soutenir ce mode de production en plein essor, en dépit des aléas conjoncturels. Nous voulons valoriser les pratiques alternatives, agroécologie et agriculture bio. » La collecte issue de cultures bio progresse pour atteindre 11 000 tonnes en 2022 – dont 2 000 tonnes en C2, contre 9 000 tonnes en 2021. « En cette année sèche et compliquée, malgré un recul des volumes par rapport aux prévisions, on observe que les rendements en bio ont moins souffert », note le directeur général.
Un investissement indispensable
Déjà équipée d’un silo de 5 000 tonnes destiné à la bio et basé à Berdoues, au sud d’Auch, Gersycoop a vu sa capacité de stockage bio devenir vite trop limitée, alors même qu’elle a multiplié les points de collecte. Face aux prévisions, en 2019, elle décide d’investir dans une nouvelle installation, avec séchage et tri, consacrée aux récoltes bio. Implanté dans le nord du Gers, le projet est devenu opérationnel en juin dernier pour la nouvelle campagne. « Cet investissement était indispensable pour valoriser au mieux nos productions très diversifiées en bio avec une vingtaine d’espèces différentes, et accompagner leurs développements chez nos adhérents », souligne le directeur. En plus des espèces plus classiques – blé, orge, triticale, seigle, soja, maïs, pois, etc. –, d’autres comme le lin, le sarrasin, le chia sont nouvelles dans les assolements. Deux techniciens dédiés au bio suivent et conseillent les adhérents sur les itinéraires techniques de conversion et de diversifications.
Une multiplicité d’espèces
Pour s’adapter à cette multiplicité de graines, dont certaines collectées à faibles volumes et améliorer la gestion des allotements, il fallait un outil adapté. Le projet se porte sur un silo d’une capacité de 10 200 tonnes, constitué de 16 cellules de 400 t, 16 autres de 200 t, et 6 de 100 t. « Il prévoit aussi des systèmes de tri perfectionnés, plus qualitatifs, avec un triage optique. »
directeur général du
groupe Gersycoop. (©Gersycoop)
La gestion des insectes est améliorée également grâce à un procédé d’inertage. L’investissement, de 7 millions d’euros, a obtenu un financement du Fonds Avenir Bio à hauteur de 635 000 euros dans le cadre du plan de relance. Pour l’Agence Bio qui gère ce fonds, « ses points forts sont les partenariats solides de l’amont à l’aval, l’impact important généré sur la filière, ainsi que l’engagement d’une partie de la production en commerce équitable avec un référentiel fiable ».
Le Gers : leader des départements bio français
Dans ce premier département bio de France dont 26 % des surfaces sont menées avec ce mode de production en 2021 par 30 % des exploitations, la vague des conversions a été très soutenue ces dernières années. Le Gers compte désormais plus de 70 000 hectares en grandes cultures, soit la moitié de la surface totale en bio, évaluée à 116 561 ha, une hausse de 13 % vs 2020. Les surfaces fourragères arrivent en seconde position, avec 34 729 ha et 1 483 fermes. En élevage de ruminants, les ovins dominent, représentant 38 % de cette espèce dans le département, suivi des bovins allaitants. La filière volailles aussi est importante, et toujours en progression en 2021. Mais en pondeuses comme en poulets de chair, l’impact de la grippe aviaire perturbe cette croissance.
Un débouché en aliments pour animaux de compagnie
Si une partie des grains est destinée à l’alimentation humaine, la nutrition animale est également un débouché important. Environ 10 % des volumes sont dédiés à Gasco, filiale de Gersycoop en fabrication d’aliments pour animaux de compagnie. L’usine, installée à Mirande, confectionne des produits pour la basse-cour – poules, coqs, canards, faisans, paons, oies, pigeons –, les oiseaux, les lapins. Élaborant environ 23 000 tonnes d’aliments tous confondus, distribués notamment en jardinerie, elle a orienté une partie de sa gamme vers la bio depuis 2011. « Nous avons voulu construire un modèle qui repose sur un circuit court, valorisant des céréales produites par nos adhérents sur notre territoire, affi rme le fabricant. Nous favorisons une agriculture de conser-vation des sols et participons au déve-loppement de l’agriculture biologique. » Couplée avec la démarche Bleu-Blanc-Cœur, une nouvelle marque Biobiorico est née en 2021.
Ces références viennent d’être labellisées Biopartenaire, démarche de commerce équitable responsable, qui via un cahier des charges, contractualise sur trois ans minimum avec les apporteurs-adhérents de la coopérative, pour notamment leur assurer une juste rémunération durable. Ces références ont fait leur entrée dans le réseau spécialisé bio, notamment dans le réseau Biocoop.
Agribio Union : répondre aux besoins de stockage
Leader de la collecte de grandes cultures bio sur un potentiel de 60 000 ha, Agribio Union est un acteur historique depuis 1999, rassemblant six coopératives (1) en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Très implantée dans le Gers, l’Union dispose déjà d’un silo bio à Barcelonne-du-Gers de 15 000 t en place depuis 2018, situé à la frontière avec les Landes. « Notre capacité de stockage dans la zone ouest devenait trop faible, nous avons décidé d’en construire un nouveau dans le nord d’Auch, à Roquelaure, zone regroupant de nombreux adhérents en bio », explique Stéphane Vanrenterghem, directeur général d’Agribio Union. Effectuée sur 17 départements auprès de 1 250 producteurs, sa collecte globale atteint les 100 000 t, même si elle est un peu plus basse en 2022, avoisinant les 90 000 t en raison de la sécheresse. « Avec ce nouveau silo en construction, l’Union va bénéficier de quatre sites en propriété, pour 60 000 t de stockage dédié à l’alimentation humaine, à laquelle s’ajoutent 50 000 t en location, plutôt pour l’alimentation animale », explique le directeur-général. Les deux autres silos sont implantés à Salvagnac dans le Tarn, et Monbahus en Lot-et-Garonne.
Quatre cellules d’inertage
D’une capacité de 15 000 t avec 17 cellules, le silo de Roquelaure devrait être opérationnel au printemps. « Nous l’avons voulu très efficient, avec un procédé d’inertage à l’azote efficace pour lutter contre les ravageurs indésirables au stockage, notamment les bruches des lentilles », détaille Stéphane Vanrenter-ghem. L’installation compte quatre cellules étanches de 250 t chacune pour se prémunir des risques – en progression en raison de la hausse des températures – de mites alimentaires, punaises ou de charançon du blé, aux stades d’insectes, de larves et d’œufs. « Jusqu’à présent, ces opérations, notamment pour les légumineuses, étaient sous-traitées, avec du dioxyde de carbone, mais celui-ci n’est plus recommandé. » Pour Agribio Union, cet investissement de 700 000 euros est un choix stratégique pour gagner également en indépendance. Côté triage, des outils performants classiques complètent le site, « mais l’important reste aussi la qualité du travail ». D’un coût de 7,3 millions d’euros, le nouveau silo reçoit l’appui du fonds Avenir Bio de l’Agence Bio à hauteur de 700 000 euros et un co-financement de 650 000 euros de la région Occitanie. Les partenaires, dont Biolintec, Moulin de Rivières, Eki-bio, Moulin Souffl et et Nutrition et Santé, s’engagent aussi autour de ce projet, sur des contrats pluriannuels pour une structuration solide de la filière bio. « Si 2023 va être plus compliquée, nous travaillons sur une trajectoire durable de la bio recentrée sur la production nationale », soutient Stéphane Vanrenterghem.
(1) Alliance Occitane, Acteo, Euralis, Maïsadour, Alcor et Coop Agri Bio.
Christine Rivry-Fournier