Le rendez-vous des Culturales, les 14 et 15 juin dans l’Essonne, se penche aussi sur la bio, et ses perspectives, autour d’un pôle bio et lors d’une conférence dédiée. Si la bio est bel et bien en crise, elle dispose de nombreux atouts comme l’ont plaidé les intervenants.
Pour Éric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue de l’agriculture et de l’alimentation, le prix reste le premier frein à la consommation, et ce d’autant plus que la période est inflationniste. L’expert observe, depuis 2018, une certaine désacralisation de la bio dans la société, conduisant à une attitude de défiance vis-à-vis des produits bio. « L’esprit critique des consommateurs s’est affûté, avec une remise en cause de la bio, exacerbée par les médias. Certains découvrent des traitements autorisés en bio, ou qu’on importe des produits bio parfois de très loin. » Enfin, la multiplication des labels promettant du mieux en matière environnementale ou alimentaire comme « Haute Valeur Environnementale » ou « Zéro Pesticide » déboussole le consommateur, qui « ne sait plus à quel saint se vouer », ironise le sociologue.
Répondre à de nouvelles attentes
« Le cahier des charges bio s’avère trop restrictif par rapport aux nouvelles attentes des consommateurs », poursuit-il. Des progrès en matière de bien-être animal sont attendus, ainsi que des démarches plus équitables. Pourtant, rien n’est perdu : « La baisse du marché bio représente un trou d’air mais en aucun cas le début de son déclin, analyse le sociologue. Environ un tiers de la population est déjà engagé dans une forme de transition alimentaire, avec moins de consommation de viande, plus de bio… Le problème est que le pouvoir d’achat d’une fraction importante des consommateurs ne correspond pas à leur vouloir d’achat. » Selon Éric Birlouez, la bio bénéficie toujours de réelles perspectives à condition que les acteurs du marché communiquent sur ce qu’elle est réellement. « Le marché du bio n’est pas mort, loin de là, il reste une priorité stratégique pour Carrefour, martèle Amélie Arnould, chef de projets Marchés et filières bio. Notre enseigne reste le premier vendeur d’aliments bio en France, avec plusieurs dizaines de filières et 1 200 références en marque propre contre 600 en 2018. La mise en marché de nouveaux produits bio se poursuit, testés à la fois en interne et avec un panel de consommateurs. La bio a beaucoup de choses à raconter : il y a des agriculteurs derrière chacun de nos produits ! »
« Muscler la communication »
« Le cahier des charges bio dans sa version française est l’un des plus exigeants en Europe, rappelle Benoît Verger, polyculteur-éleveur bio dans le Cher depuis 2010 et président d’Axereal Bio. Depuis une dizaine d’années, on s’est reposés sur nos lauriers en délaissant la communication sur les vertus de la bio. Il faut à présent la renforcer en mobilisant les budgets alloués récemment à l’Agence Bio et ne pas uniquement la confier aux distributeurs. » Amélie Arnould de Carrefour abonde : « Il est capital de rappeler à tous que la bio est le mode de production agricole le plus contrôlé en France, mais aussi le plus vertueux en matière d’environnement et qu’il bénéficie d’un label officiel » . Éric Birlouez insiste : « Parmi les acteurs de la communication sur la bio, l’agriculteur est particulièrement légitime. On le voit notamment lors des visites de fermes dont la caisse de résonance est extraordinaire quand elles sont relayées par les réseaux sociaux ».
Éduquer les enfants
« Il faut éduquer le public en lui rappelant qu’une alimentation de qualité a un prix, à rebours de l’idée de vouloir vendre toujours moins cher des produits alimentaires », propose le sociologue. « L’éducation des consommateurs à l’alimentation, en particulier celle des enfants est capitale pour développer la bio, complète Benoît Verger. Dans les cantines où la bio est présente, les enfants savent par exemple que les pommes bio ont parfois un aspect moins engageant que celles du conventionnel mais ils trouvent cela normal. » La promotion des produits bio et locaux en restauration hors domicile passe aussi par la formation des cuisiniers, comme le fait Bio Centre depuis 2018 . « C’est un moyen efficace de contrer certains préjugés en montrant par exemple qu’on peut établir un repas bio pour moins de 2 euros par convive », complète le président d’Axereal Bio. « L’objectif de 20 % de produits bio en restauration hors domicile fixé par la loi Egalim constitue un formidable relais de croissance pour stimuler la bio française, conclut Benoît Verger . Mais avec 7 % seulement, nous sommes loin du compte. »
Jean-Martial Poupeau
En savoir + : consulter les posters du pôle bio des Culturales ici