Le colloque « Dégâts d'oiseaux aux cultures, quelles solutions ? », organisé à Paris le 24 novembre par Terres Inovia et ses partenaires, dresse l'état des lieux des solutions disponibles. Il livre également des perspectives pour répondre aux nombreuses attentes des agriculteurs.
«Sur maïs et tournesol, 15 à 20 années d'essais en microparcelles de produits de biocontrôle à allégation répulsive - comme la caféine, lithothamne, tanin, vinaigre, huiles essentielles, moutarde, etc. - révèlent leur inefficacité en enrobage de semences en cas de forte pression oiseaux, résume Jean-Baptiste Thibord, ingénieur spécialisé dans la protection des cultures contre les ravageurs chez Arvalis. Un effet est observé seulement lorsque la pression est intermédiaire. » Ces conclusions confirment les retours de nombreux agriculteurs, déçus quant à l'efficacité de ces produits.
Les solutions agronomiques
Une première approche consiste à utiliser des plantes de service, en particulier l'orge et la féverole. Ces dernières sont semées à l'automne ou en fin d'hiver, puis détruites avant, lors ou après le semis du tournesol. Ce sont des essais Terres Inovia et ses partenaires de 2016 à 2018 et Scot/Prevot de la chambre d'agriculture des Pays de la Loire de 2018 à 2020. L'objectif est de masquer les graines et plants de tournesol. Séduisante au premier abord, la technique n'est cependant pas transposable en l'état en bio car la destruction mécanique du couvert - seul moyen utilisable en bio -, par rouleau ou binage, est insuffisante, d'où une concurrence du couvert sur l'oléagineux. Un second volet, dit « agrainage dissuasif », vise à cantonner les oiseaux sur des bandes de 360 m2 de pois ou soja semés à haute densité (160 g/m2) positionnées en pourtour des parcelles de tournesol (projet Prevot en lien avec Limagrain). L'objectif est d'attirer les corvidés et les détourner de l'oléagineux. « Les résultats sont décevants, commente Christophe Sausse, chargé de mission sur les dégâts d'oiseaux à Terres Inovia, cheville ouvrière du colloque. On observe quelques effets attendus mais aussi des effets contre-productifs ». JeanBaptiste Thibord nuance : « Sur maïs, les essais menés avec des graines de blé, orge, pois, millet, sont encourageants. Ce levier mérite d'être exploré. »
Laser effaroucheur
La technologie développée par la société AgriProTech consiste à combiner un effarouchement sonore au déplacement d'un faisceau laser, géné- ralement de couleur verte, à proximité des oiseaux. Les oiseaux, ne parvenant pas à identifier la nature de la menace que représente le faisceau lumineux, quittent la zone. Deux produits sont disponibles : la version manuelle, le modèle LighTrac, sans dispositif sonore, et la version autonome, le modèle LazerTrac. « Actuellement, la règlementation autorise leur utilisation en bâtiment ou de nuit seulement mais pas au champ pour des raisons de sécurité du public, indique Mélina Gourvennec, responsable commercial. Le laser est en effet dangereux pour l'oeil humain. Néanmoins, nous travaillons pour faire évoluer la législation qui date de 2012. »
Jean-Martial Poupeau
(Lire l'ensemble du dossier dans Biofil 145)
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Projet C3PO : reconnaissance, comptage et alerte
Financé par l'institut Carnot Plant2Pro, le projet C3PO est développé depuis trois ans. Il vise tout d'abord à l'identification optique et au comptage des oiseaux au champ. Grâce aux images prises par des caméras montées sur des miniordinateurs, des algorithmes complexes d'analyse d'image caractérisent la présence de telle ou telle espèce d'oiseau dans une parcelle agricole. « La reconnaissance est bonne lorsque la luminosité est suffisante et homogène, en l'absence de branches, ou en présence de corvidés et oiseaux situés à faible distance de la caméra, indique Corentin Barbu, chargé de recherche à l'UMR Agronomie Inrae - AgroParisTechUniversité Paris-Saclay, partie prenante du projet. Néanmoins, même si de gros progrès ont été enregistrés depuis le début de l'expérimentation, l'algorithme n'est pas aussi performant que l'oeil humain. Nous devons encore améliorer la reconnaissance optique dans les situations plus difficiles comme en présence d'oiseaux lointains, de buée ou de gouttes de pluie. » Dans un second temps, l'objectif est de coupler la reconnaissance optique des oiseaux à un moyen d'alerte de l'agriculteur par téléphonie mobile ainsi qu'un dispositif d'effarouchement.