De nombreuses études le prouvent : les résultats technico-économiques des systèmes bovins laitiers bio n’ont rien à envier à ceux de leurs homologues en conventionnel ; malgré un rendement plus faible par vache, ils sont souvent meilleurs. La recherche d’autonomie alimentaire et la valorisation optimale de l’herbe sont les clés de la réussite.
Le travail mené par les réseaux d’élevage de Basse-Normandie apporte des informations précieuses sur l’efficacité des systèmes bio, et les aspects qui sont perfectibles. Une étude technico-économique vient tout juste d’être réactualisée pour coller au plus près au contexte actuel, en tenant compte des évolutions du prix des intrants et du lait. Elle présente 3 “cas types” de producteurs de lait bio : ces exemples ont été élaborés à partir des résultats d’un échantillon de 15 fermes normandes suivies pendant 4 à 5 ans par le dispositif “Réseaux d’élevage pour le conseil et la prospection”. “Spécialisées, mixtes ou diversifiées, elles sont représentatives d’une diversité de façons de produire, adaptées aux contraintes des différentes zones géographiques où elles sont localisées”, précise Jérôme Pavie, de l’Institut de l’élevage. Ces résultats peuvent être extrapolables aux autres régions françaises car ces 3 modèles reflètent des pratiques bio que l’on retrouve partout, sauf en région de montagne où les conditions sont particulières.
Rapport EBE/produit excellent
“Globalement, les résultats technico-économiques sont très satisfaisants”, résume Jérôme Pavie (voir tableau). Pour les 3 cas types de l’étude, la part de l’Excédent brut d’exploitation (EBE) par rapport au produit est exceptionnelle, c’est-à-dire supérieure à 50 %. “C’est un résultat courant en bio, contrairement au conventionnel. Certaines exploitations peuvent même atteindre un rapport allant jusqu’à 65 %.” En système standard, la moyenne du ratio EBE-produit se situe entre 30 et 40 %. Les raisons des bons résultats obtenus par les bio ? “Même si le volume de lait produit est inférieur au conventionnel pour qui atteindre 6 000 l par vache est aisé grâce notamment à l’achat de concentrés, en bio, les charges opérationnelles, et notamment le coût de l’aliment, sont plus faibles.” Certes, chez certains, des investissements en matériel, notamment en séchage en grange, solaire ou non, peuvent peser sur les résultats économiques pendant la durée de l’amortissement et du remboursement des emprunts. Cependant, à terme, ils vont encore améliorer l’efficacité économique de ces structures en assurant davantage d’autonomie alimentaire et en améliorant la qualité de la ration de base.
Atteindre une cohérence
“Lors des conversions, les producteurs s’inquiètent surtout de l’aspect sanitaire. Mais il apparaît très vite que le plus difficile à maîtriser reste la gestion du nouveau système alimentaire et fourrager, de la réalisation des stocks à la qualité de la ration offerte. La disponibilité en stocks, la productivité des prairies, la complémentation et la qualité des fourrages sont souvent plus problématiques les 1ères années que la gestion sanitaire du troupeau”, admet Jérôme Pavie. Cela nécessite un suivi rigoureux du pâturage pour maintenir la productivité de l’herbe et sa qualité tant pâturée que stockée, de renouveler certaines prairies et de privilégier des associations graminées-légumineuses équilibrées et entretenues. La qualité des fourrages, foin, ensilage d’herbe ou maïs, est également un levier d’amélioration des performances. “Les difficultés rencontrées sur ce plan expliquent en partie les sous-réalisations de quotas. Mais atteindre son quota n’est pas forcément indispensable pour améliorer ses résultats technico-économiques. L’importance est de parvenir à une cohérence entre l’économie et la gestion alimentaire, de raisonner sur une approche globale et non sur des performances techniques par poste.” En cas de déficit énergétique pouvant mettre en difficulté la production laitière, que ce soit en qualité ou en volume, il est parfois nécessaire de revoir son assolement et la place des céréales, pour éviter les achats trop importants de concentrés. Du côté de la gestion sanitaire, les frais en vétérinaire sont nettement inférieurs à ceux du conventionnel. Selon une autre étude du Réseau, qui compare cette fois bio et conventionnels, ces coûts sont même divisés par deux en bio. La fréquence des maladies infectieuses, boiteries et même mammites, est plus faible. “Les cas de mammites, dont les causes sont multifactorielles, sont parfois dus tout simplement à la qualité de la litière qui n’est pas assez abondante, car en bio, la paille est rare donc chère.” Parmi les autres raisons, on trouve aussi les hésitations à réformer les vaches à cellules par un manque de génisses de renouvellement. Les précautions d’hygiène élémentaire (nettoyage des mamelles, machines contrôlées) sont bien sûr indispensables ; en curatif, l’usage de produits alternatifs, notamment à base de plantes, s’est généralisé, bien que l’approche classique, par traitement allopathique, reste autorisée, tout en étant limitée.
Performances environnementales
La suppression annoncée des quotas ne doit pas entraîner de modification dans la stratégie des systèmes bio. Si les conventionnels optent pour l’intensification, avec l’objectif de produire toujours plus pour conserver leur revenu dans un contexte de baisse de prix, les bio ont intérêt à continuer à rechercher une cohérence entre résultats économiques et autonomie. “En bio aussi, produire plus ne signifie pas forcément gagner plus. L’agrandissement peut être une solution mais il faut y regarder de très près.” Ces 3 cas types le montrent : les systèmes fourragers sont très performants, “non seulement sur le plan économique et de la durabilité, car au prix actuel du lait, ils permettent une installation sans apport de capitaux propres et l’assurance d’une très bonne rémunération de la main-d’œuvre, mais aussi au niveau environnemental.” Les deux principaux postes énergivores restent les carburants et l’électricité, qu’il est possible de réduire, dans l’atelier lait par exemple, en éliminant toutes les sources de gaspillage, en installant un chauffe-eau solaire ou un récupérateur de chaleur ou un pré-refroidisseur.
C. R.-F.
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UN PRIX DECONNECTE DU CONVENTIONNEL
L’étude de l’Institut de l’élevage se base sur une prime bio moyenne de 80 €/1000 l, alors qu’elle peut dépasser actuellement les 100 € et même atteindre pour certaines laiteries 140 €/1000l sur certains mois. Le différentiel de prix s’accroît nettement entre bio et conventionnel. Dans un contexte où les cours mondiaux sont orientés à la baisse, – une tendance qui devrait s’accentuer avec la suppression des quotas et la hausse de la production qui va en découler –, les bio cherchent à se déconnecter du marché conventionnel (le prix du lait non bio est passé sous la barre des 300 €/1 000 l pour un 32 de TP et 38 de TB). “Cette stratégie tout à fait justifiée et cohérente dans le contexte actuel peut cependant être risquée en cas de retournement de situation sur le marché du lait bio, car il n’y aura plus de filet de sécurité”, analyse Jérôme Pavie. D’après les prévisions, la forte progression de la demande bio devrait absorber sans problème les volumes supplémentaires à venir des nouvelles conversions en cours, sécurisant les débouchés au-delà des deux prochaines années.
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NON AU “PRODUIRE PLUS”, OUI AU “PRODUIRE MIEUX”
La Fédération nationale des Civam, en lien avec le réseau d’agriculture durable et WWF vient de publier “Produire autonome et économe, un enjeu décisif pour la production laitière”. L’étude compare les systèmes français durables soutenus par la FDCivam depuis 20 ans, dont une majorité de bio, à ceux, de plus en plus intensifs, d’Europe du Nord, danois et hollandais, qui sont montrés comme modèles au motif qu’ils ont une meilleure productivité du travail… Elle met en évidence les performances économiques, environnementales et sociétales des pratiques durables adaptées aux grands défis actuels et futurs. Produire autonome et économe, c’est bon pour l’environnement, le revenu, l’emploi : un enjeu décisif en production laitière, publié par la FNCivam avec la contribution du réseau d’agriculture durable et le soutien du WWF-France, fév. 2009, 28 p., 5 €, www.civam.org
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