La prairie permanente contribue à diminuer les coûts de production et favorise l’autonomie alimentaire. Les prairies semées doivent-elles l’imiter ? Comment les gérer au mieux dans un contexte d’aléas climatiques.
INTERVIEW : Gage d’autonomie, de résilience et d’économie, la prairie est une clé de voûte en élevage bio, surtout lorsqu’elle est permanente. C’est ce que confirme Loïc Madeline, coordinateur d’Optialibio, programme de recherche sur l’autonomie et la résistance aux aléas climatiques des systèmes alimentaires en bovins bio.
Comment voyez-vous l’état des prairies cette année ?
On a de l’herbe dans l’Ouest mais avec un mois de juin très sec, je pense que ceux qui ont implanté des prairies en avril ont eu des déconvenues. Il y a eu beaucoup de jours échaudants, soit à plus de 25 °C, donc sans production de biomasse. C’est évident que sur une année comme celle-ci, on voit une différence nette avec les couverts permanents ou au moins, avec ceux bénéficiant d’une ou deux années d’exploitation.
Quelle est cette différence ?
La prairie permanente a une histoire. On connaît son potentiel. Elle n’a pas tous les risques de la prairie temporaire : risque à l’implantation, fonte aux semis, sélection à l’intérieur du couvert, disparition de certaines espèces, piétinement, etc. En temporaire, c’est l’inconnu en première année et une déconvenue technique ou climatique peut être très douloureuse et signifier un re-semis. De plus, les premières saisons, les inter-rangs sont visibles après chaque récolte. Les couverts permanents occupent mieux l’espace avec une grande diversité d’espèces qui leur permet de mieux résister. Une bonne couverture du sol limite l’évaporation.
Il faut donc miser sur ces couverts ?
Oui, quand on en a. Car tous les systèmes basés sur de la prairie permanente sont souvent très efficients économiquement et moins sensibles aux variations de climat. Mais dans les zones labourables, on est parfois tenté de re-semer des prairies naturelles en couverts plus productifs. Je préconise donc de laisser vieillir les prairies temporaires bien installées, avec une diversité floristique intéressante et une production efficace. Dans un objectif d’élevage, elles peuvent durer au moins cinq ans. On observe aujourd’hui un phénomène d’allongement de leur durée de vie. Cela est dû aux coûts d’implantation élevés au regard des risques la première année d’exploitation. Les décalages d’assolement entre les parcelles ou îlots évitent aussi de semer toutes les prairies en même temps pour consacrer 20 à 30 % des surfaces à des cultures à double finalité : avoine-pois ou des implantations sous couvert de céréales.
Propos recueillis par Frédéric Ripoche