Gestion du pou rouge : « Pas de solution miracle »

Le 30/01/2023 à 9:58 par La rédaction

MiteControl, programme européen sur la lutte contre le pou rouge mobilise Geoffrey Chiron, directeur régional Sud-Est à l'Itavi -­ Institut technique avicole, cunicole et piscicole -, impliqué notamment par des essais en élevage bio.


MiteControl : un programme européen
MiteControl (2018-2023) est un programme de recherche européen Interreg North-West Europe associant la Belgique, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la France. L'Itavi et l'Université Paul-Valéry Montpellier 3 figurent parmi les principaux partenaires français. Tous les types d'élevages de pondeuses sont concernés, dont les bio. Le programme cible la difficulté à détecter les premiers stades d'infestation et leur maîtrise par les éleveurs, en s'appuyant sur différents travaux récents, des moyens innovants et durables, pour diminuer le recours aux produits chimiques de synthèse dans le cadre d'une lutte intégrée. In fine, il s'agit de réduire les pertes économiques de la filière et satisfaire la demande des consommateurs en produits sains.


 

 

[ INTERVIEW ]

Geoffrey Chiron de l’Itavi. (© Chriron)

Biofil : Le pou rouge est-il une problématique toujours bien présente en élevage ?

Geoffrey Chiron : Oui. Les grosses infestations engendrent de l’anémie, abaisse le taux de ponte, augmente le stress chez la volaille et le risque de picage. Les impacts ne se voient pas directement comme ce peut être le cas avec une grosse pathologie. Ses effets peuvent être un peu masqués, avec une chute progressive du taux de ponte, ne signifiant pas qu’il n’y a pas de conséquences lourdes. On a du mal à évaluer le rapport coût-bénéfice des produits utilisés dans la gestion de cet acarien.

À quoi est due sa présence ?
Son introduction peut se faire via différentes voies, les poulettes, la contamination d’un bâtiment à un autre, les camions de transport. 90 % des élevages sont touchés avec les échanges intra-filières. Des études réalisées avec des prélèvements en nids  d’oiseaux sauvages montrent que nous ne sommes pas sur les mêmes sources génétiques. Donc ils ne viennent pas de la faune sauvage mais de l’intérieur de la filière.

C’est si difficile de s’en débarrasser ?
Il est très rare de trouver un élevage sans poux. Ne pas en voir ne veut pas dire qu’il n’est pas présent du tout. On parle plutôt de populations à très bas niveau. Le pou rouge peut se cacher dans les crevasses, les interstices des bâtiments d’élevage, ce qui le protège des pulvérisations de produits. Il est également extrêmement résistant au jeûne, pendant neuf mois, et à l’immersion à l’eau. Nous préconisons de vérifier l’absence de poux lors de la livraison des poulettes, car nous l’avons aussi détecté à ce  stade, bien que moins fréquemment. En cas de positivité, cela implique que l’éleveur de poulettes devrait appliquer un traitement préventif pour éviter de déplacer des populations en plus.

Le programme de recherche MiteControl permet-il d’avancer ?
Notre constat est qu’il n’y a pas de solution miracle. La gestion du pou rouge reste compliquée. L’idée est de ne pas s’appuyer que sur le traitement mais sur une approche de lutte intégrée, c’est-à-dire beaucoup plus globale et préventive, comprenant un bon nettoyage au vide-sanitaire, en ayant des points de vigilance. Nous encourageons les éleveurs à faire des suivis de populations, du monitoring, pour agir au plus tôt. Plusieurs méthodes existent, par l’observation visuelle ou la pose de pièges, assurant  une détection plus fine, mais leur mise en œuvre demande aussi plus de temps. À l’éleveur de choisir ce qui lui convient le mieux. Le but est vraiment de gérer l’infestation en intervenant dès les premières apparitions par des traitements localisés. Je me  souviens d’un bâtiment où le nettoyage était très bien fait mais des poux sont ressortis d’un moteur d’ouverture et de fermeture des nids. Dans ce cas, il a été possible de traiter de manière très ciblée. En revanche, si le niveau d’infestation devient plus élevé,  certains traitements locaux s’avèrent relativement limités.

Quels moyens vous semblent les plus efficaces ?
Les poudres de silice nous ont apporté les meilleurs résultats dans notre étude avec une apparition plus tardive des poux. Mais toutes ne sont pas autorisées en bio. Et il faut tenir compte des précautions d’usage par rapport à la santé humaine car elles  peuvent engendrer des problèmes respiratoires. Leur principe est d’attaquer la cuticule des acariens – petite peau – par une action abrasive. Elles sont mélangées avec de l’eau et badigeonnées sur le matériel, ce qui se prête bien au vide-sanitaire. Il est  possible de le faire en cours de lot en présence des animaux. Cela peut s’avérer plus compliqué et nécessite du temps car un nettoyage préalable est nécessaire avant l’application du produit. Un prestataire peut s’en charger, mais le coût est plus élevé.

Quels sont les autres produits auxquels on peut faire référence ?
Il y a les prédateurs naturels de poux ou les additifs alimentaires aux effets répulsifs. Toutes ces méthodes peuvent être utilisées de manière préventive ou curative. On intervient par étapes, en mode préventif en début de bande et en fonction de l’apparition des poux, on peut augmenter le lâcher de prédateurs ou la fréquence des doses d’additifs selon les produits.

Et si la prévention ne suffit pas ?
Un certain nombre d’éleveurs utilisent des insecticides. C’est le cas de l’Exzolt par exemple (1). Un premier traitement diminue drastiquement la population, puis un second, deux semaines plus tard, le temps que les œufs éclosent. Nous le préconisons en  dernier recours, dans une logique de réduction de la lutte chimique, un des principes de la lutte intégrée.

Quelles perspectives donner aux éleveurs bio ?
Dans MiteControl, nous avons essayé de prendre en compte et associer différents travaux mais nous n’avons pas complètement réussi à maîtriser les populations de poux rouges dans les élevages suivis. Un outil de détection automatisée la nuit est à l’étude pour intervenir précocement. Car une agitation des poules à ce moment-là peut être corrélée à une infestation. Nous insistons sur l’importance du nettoyage-désinfection. C’est vraiment un levier sur lequel les éleveurs peuvent agir pour faire baisser les  populations. Dans le cadre du projet, des fiches techniques téléchargeables ont été réalisées, sur le pou rouge en général, le monitoring et la prévention.

 

Propos recueillis par Frédéric Ripoche

(1) Cahier des charges bio européen : l’utilisation d’un antiparasitaire allopathique chimique de synthèse doit être justifiée par une prescription vétérinaire complétée d’un diagnostic et/ou analyse indiquant la présence de parasites.

 


Petit mais costaud

agrégat poux rouge
© Roy L.

Le pou rouge prolifère à grande vitesse dans les élevages si on n’y prend pas garde. Acarien, parasite externe hématophage, il se nourrit de sang surtout la nuit sur les volailles, impactant fortement leur bien-être et leurs performances zootechniques.
« Le nombre d’individus est presque impossible à établir du fait de ses habitudes de vie, distantes de l’hôte, précise Lise Roy, écologue et maître de conférences à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3. Comme il s’immisce en grands groupes dans des interstices divers et nombreux, on ne peut compter que la partie émergée de l’iceberg de la population.

Des études estiment qu’en cas d’infestation moyenne, le nombre d’acariens varie environ de 25 000 à 50 000 par poule et peut atteindre 500 000 lors d’infestations plus élevées. » Sur la photo, on observe un agrégat typique, constitué d’acariens de différents stades, de la digestion du repas de sang, passant du rouge vif au noir puis prenant des teintes hétérogènes, poivre et sel.

Les poux sont accompagnés d’œufs pondus en vrac.

À éviter notamment la présence de croûtes de fientes sèches dans les litières, zones d’infestation possible.


 

Lire l'ensemble du dossier "Pondeuses : gestion du pou rouge et du picage" dans le Biofil 145.