DOSSIER Conversions
Dans toutes les productions, la bio gagne du terrain. Les chiffres 2016 parlent d’eux-mêmes : 21 nouvelles fermes bio par jour, 480 000 hectares en conversion dont 265 000 engagés dans l’année. Et ça continue en 2017. À l’heure où la bio se popularise et attire des profils nouveaux d’agriculteurs, la profession doit redoubler d’efforts pour ne voir aucune conversion lui échapper ou échouer. Fournir un appui financier, technico-économique pré et post-conversion, accompagner les volets administratifs, réglementaires, mettre les acteurs en réseau… le champ de travail est vaste. Les moyens mis en œuvre sont-ils à la hauteur des besoins ?
Des diagnostics plus poussés
La vague de conversions oblige à revisiter et remodeler l’accompagnement. À l’image du nouveau dispositif mis en place dans l’Indre, le but est de mieux coller aux besoins du porteur de projet. “On l’organise aujourd’hui en deux parties et sur 2,5 jours, détaille Aline Boursault du Groupe de développement des agriculteurs biologiques de l’Indre (GDAB36). On propose un entretien préalable général pour orienter la personne en lui dessinant un plan d’action personnalisé.” Il s’agit soit d’une étude technico-économique, d’une rencontre avec d’autres paysans, ou d’une réunion collective… “Ce bilan améliore notre stratégie d’accompagnement.” Puis, si le porteur de projet se dirige vers une étude de conversion, on lui indique une visite sur place et un approfondissement des modalités de conversion. “Pour les céréaliers par exemple, on fait un prévisionnel de rotation sur cinq ans. On le décline dans un prévisionnel économique sur cette période, selon deux hypothèses : aux prix hauts et aux prix bas”, poursuit Aline Boursault.
Pass’bio Conversion en Bretagne
C’est certainement un des dispositifs les plus travaillés. En 2012, le Conseil régional de Bretagne lance le Pass’bio Conversion pour “stimuler et accompagner les installations et conversions à l’agriculture biologique”. Après avoir bénéficié du Pass’bio Diagnostic – la première phase du Pass’bio Conversion –, le porteur de projet doit atteindre plusieurs compétences: maîtriser le dimensionnement technique et économique du futur système de production bio, identifier les changements et adaptations à effectuer, connaître les filières d’approvisionnement en bio, les démarches administratives, les débouchés, les prix de vente ainsi que les éléments nécessitant un suivi pendant la conversion. Côté pratique, ce diagnostic est plafonné à un temps d’intervention de trois jours, soit 1 350 euros HT aidé à hauteur de 80 % (90 % pour les JA). “Il offre une vue globale pointue sur la procédure de conversion”, selon Caroline Avril d’Agrobio Conseil, habilitée à réaliser ce type d’accompagnement. “Seule l’étude des cas complexes où il y a plusieurs ateliers d’élevage ou lors de regroupement d’exploitations peut manquer de précision faute de temps.”
Risque d’un suivi superficiel
C’est durant toute la phase de conversion que l’accompagnement montre ses limites. “Suite au diagnostic de conversion, on préconise aux agriculteurs de modifier tel aspect du système, mais sans l’épauler vers ce changement”, déplore Aurélie Billon de BioBourgogne. “Il faudrait les suivre sur le long terme, soit de deux à cinq ans pour les aider à mettre en place un système solide”, ajoute-t-elle. Aline Boursault fait le même constat : “je dispose d’une demi-journée de suivi sur toute la période de conversion. Il me faudrait au moins une demi-journée par année de conversion pour ne pas s’en tenir qu’à un coup de téléphone annuel…”. Faute de moyens humains et financiers surtout pendant cette forte vague de conversion, les structures se tournent vers le collectif, sous forme, bien souvent, de journées techniques sur les fermes. Elles se reposent aussi sur les rencontres et formations à destination de leurs adhérents. “Dans les faits, on retrouve beaucoup d’agriculteurs en conversion dans les événements qu’on anime”, mentionne Aline Boursault.
Cécile Marcus