Face à la perte de longévité des vergers de framboisiers de la variété Meeker, accentuée par le changement climatique, les producteurs de Rhône et Loire reprennent en main la sélection et multiplication des plants. Ils espèrent une meilleure résilience de leurs vergers de demain.
Cette démarche réalisée à l’initiative du GIEE Petits fruits « Fruits en Terre » (1) est présentée lors du colloque national des 4 et 5 novembre 2024. « Sur la variété Meeker, majoritairement plantée sur notre territoire, nous avons constaté une perte de rendement importante menant souvent au renouvellement précoce du verger de framboisiers, parfois dès trois années de production, introduit Mathilde Inglot, la productrice rapporteuse du projet. À l’opposé, certains vieux vergers, âgés de quinze ans, continuent de produire. » Le schéma classique de multiplication passe par une phase in vitro afin d’éliminer toute virose. Or les plants se retrouvent déconnectés du sol, du terroir où ils vont être produits. Cela fragilise leur capacité à s’adapter aux changements induits par l’évolution du climat, ce qu’a priori, arrivent à faire les plus vieux plants. « Nos formations avec Hervé Coves sont entrées en résonance avec ce constat », poursuit la productrice. « 85 % de l’expression du code génétique est conditionnée par le comportement et donc l’apprentissage », souligne le conseiller cité, évoquant les travaux de Claudine Junien, experte en génétique et épigénétique. « De là à en déduire que pour plus de résilience, nous devons « éduquer » nos cultures », il n’y a qu’un pas que le GIEE franchit en 2021 en partenariat avec le lycée de Montravel.
Une multiplication in situ
L’idée principale est, à la fois, de favoriser la symbiose mycorhizienne locale tout en contraignant les jeunes plants dès leur premier âge. Pour ce faire, les producteurs du groupe ont fourni des drageons racinés issus des parcelles anciennes, qui réagissent le mieux aux à-coups climatiques. Puis ils ont prélevé également des échantillons de terre sur ces parcelles riches en mycorhizes pour praliner les drageons destinés à la multiplication. Le but attendu est de favoriser des jeunes plants déjà bien armés avec un entourage mycorhizien favorable. « Nous avons confié cette tâche au lycée de Montravel, notre partenaire technique sur le projet, détaille Mathilde Inglot. Sa mission est de mettre en place la phase de multiplication avec un maximum d’attention et de suivi. Ces jeunes plants sont ensuite « élevés à la dure » comme nous le suggérait Hervé Coves. » Sans les béquilles de l’irrigation et de la fertilisation, ils doivent se débrouiller avec le cortège mycorhizien local pour s’ancrer fermement dans ce terroir. Puis les plants ont été redistribués dans les fermes du projet.
Des résultats encore balbutiants
En 2024, sur cinq fermes, les plantations issues de la multiplication participative sont comparées avec des plantations de plants in vitro. « Les premiers résultats nous donnent des résultats équivalents pour nos plants par rapport à ceux du commerce dans deux fermes contre trois cas où les plants classiques ont des performances supérieures, annonce Pauline Bonhomme d’AgriBio 69-42, animatrice du GIEE. Il ne faut pas pour autant se décourager et voir la tenue dans le temps, un des points phares du projet. » Continuer à observer cette première fournée de plants et aussi les plantations des années suivantes est estimé nécessaire. « Dans l’effervescence du projet, nous avons voulu, la première année, fournir des plants à toutes les fermes, sans être forcément prêts », souligne Mathilde Inglot. Moins de plants ont été multipliés ensuite, mais de plus gros lots ont été restitués sur un nombre de fermes restreint. L’objectif est d’obtenir une comparaison plus fiable entre ces plants locaux par rapport à ceux issus de la multiplication in vitro.
Arnaud Furet
(1) GIEE « Adaptation et gestion agroécologique en petits fruits de pleine terre pour sécuriser l’autonomie des fermes dans un contexte de changement climatique » animé par Pauline Bonhomme, AgriBio Rhône et Loire.
Réussir les démarches collectives
La reprise en main par les producteurs de la base de leur outil de production ainsi que le travail collaboratif avec l’enseignement-recherche est à souligner. Cette démarche montre le chemin à suivre, comme l’ont souligné Marc-André Selosse, agronome du Museum National d’Histoire Naturelle ou Iñaki Garcia de Cortazar-Atauri de l’Inrae : « Pour faire face au changement climatique, le blocage n’est pas technique mais la réponse tient dans la réussite de démarches collectives ».