Sébastien Blache est arboriculteur à Montélier, dans la Drôme. Il a introduit dans ses vergers des moutons, poules et dindons, dont la viande et les oeufs sont commercialisés. La nourriture des animaux est 100 % issue de la ferme.
Chez Sébastien Blache, on croise dans les vergers des animaux plus ou moins courants : moutons, poules, mais aussi dindons. Sur ses 40 hectares, le producteur cultive des fruitiers sur 3 ha : pommes, pêches, abricots, prunes, kiwis et figues. Sur le reste des surfaces, 22 ha sont en grandes cultures, et les 15 ha restant en prairies. Depuis quelques années, Sébastien Blache a introduit des animaux, qui constituent aujourd'hui des ateliers à part entière. Les moutons génèrent un chiffre d'affaires entre 15 000 et 20 000 selon les années, et les poules entre 10 000 et 15 000 . Côté productions végétales, les grandes cultures pèsent entre 40 000 et 60 000 et les vergers 35 000 . La valorisation des coproduits de grandes cultures est l'une des raisons qui l'ont poussé à devenir aussi éleveur. « On transforme à la ferme. C'est intéressant pour nourrir les agneaux et les poules, explique le producteur. On n'élève que ce qu'on peut nourrir, en jouant vraiment sur la complémentarité cultures et élevages. »
Il commence en 2008 avec des brebis, dont le nombre atteint aujourd'hui 120 mères : 45 Solognote, 45 Noire du Velay, et 30 Shropshire. Ce sont elles qui pâturent les vergers de pommes et poires. « Les Noire du Velay et les Solognote, elles écorcent, donc ne vont jamais dans les vergers », justifie Sébastien Blache.
Pas de cuivre avec les brebis
Si les Shropshire s'attaquent peu aux arbres, « la race n'est pas vraiment rustique, et sa prolifi cité est assez faible », pointe le producteur, témoignant notamment de soucis à l'agnelage et de mouches. « Si je ne devais qu'élever des brebis, je n'aurais pas des Shropshire. » Pas question de les mettre sous les pêchers, en raison des traitements au cuivre contre la cloque. « En pomme, on avait décidé de gérer la tavelure uniquement avec le soufre. Finalement, on a tout arrêté et cela fonctionne. On ne fait que de la carpovirusine. » Dans les vergers de pépins, en gobelets, deux parcs clôturés par des filets électrifiés accueillent les Shropshire. Le producteur n'a jamais constaté de dégâts dus aux brebis, qui y pâturent avec leurs agneaux trois fois dans l'année : en décembrejanvier, juin-juillet et octobre-novembre. Elles restent environ un mois dans chaque parc, et un peu moins à l'automne, selon la pousse de l'herbe.
Problèmes de strongles
Le pâturage est en pointillé en raison de problèmes de parasitisme. « Deux mois de pause entre deux périodes sont nécessaires contre les strongles, justifie Sébastien Blache. Le risque est de perdre des agneaux et des mères, c'est un vrai souci. Pour avoir de l'herbe rase, il faut passer souvent, ce qui n'est pas vraiment compatible avec la gestion du parasitisme. » S'il constate un arrêt des dégâts de campagnols quand les brebis pâturent, « dès qu'on les enlève à cause des strongles, les campagnols reviennent ». Hors renouvellement, les agneaux sont abattus à quatre mois et vendus en direct, à l'exception des femelles Shropshire, commercialisées pour la reproduction, avec une meilleure valorisation. Les brebis pâturent aussi les cultures dérobées d'été. Depuis 2016, le producteur s'est doté en sus de poules. « Il nous restait des coproduits, nous les avons prises par opportunité. » Initialement, il s'agissait d'ISA brown. Elles sont aujourd'hui 180 d'une dizaine de races différentes (Australorp, Sussex, Wyandotte, etc.), croisées. « Ce sont des pondeuses correctes. Elles pondent moins que des hybrides mais c'est un choix d'agriculture paysanne. » La ration des poules est issue à 100 % de la ferme, grâce aux grandes cultures, et en particulier aux coproduits de leur transformation. « Notre objectif est d'être autonomes. »
Poules : clôtures électrifiées de 1,10 m de haut
Les poules pâturent les vergers de fruits à noyaux. « On ne veut pas les mettre dans les pommiers et les poiriers car leur impact est trop important. Même si on déplace le poulailler mobile tous les quinze jours, la zone pâturée par les poules est très perturbée : on dirait de la terre battue. » En pratique, Sébastien Blache est équipé de quatre poulaillers mobiles d'une capacité de 50 poules, où celles-ci sont enfermées la nuit à cause des renards. « Même si en ce moment, à cause de la grippe aviaire, on est obligés de les laisser enfermées tout le temps », regrette le producteur. Les clôtures sont en filets électrifiés spécial volaille, d'1,10 m de haut. « On doit les gérer parfaitement, car on a le loup. » Des chiens de protection, des Bergers d'Anatolie, viennent compléter le dispositif. Les parcs et les poulaillers sont déplacés tous les quinze jours. « Les trois parcs, installés côte à côte, mesurent 50 m par 12 m. Ils englobent entre une et deux rangées d'arbres, plantées à 9 m. Les poules ne font pas des kilomètres : au début, on les mettait dans un hectare, et elles restaient autour du poulailler. »
Un gros plus financier
Les oeufs sont vendus en direct, et les coqs valorisés en poulets de chair. Les ateliers élevages sont aussi une assurance. « Cette année, avec les vergers gelés, on n'a pas sauvé grand-chose. On était bien contents d'avoir 15 000 d'oeufs qui rentrent », reconnaît Sébastien Blache. Les derniers arrivés sur la ferme sont des dindons sauvages, aujourd'hui au nombre de six. « On les a laissés au début dans les vergers de pommes et poires en semi-liberté, maintenant on a fait des parcs. Ils maintiennent une présence de gros animaux, c'est positif pour réduire les populations de campagnols. » L'espèce étant sauvage, il a fallu commencer par les apprivoiser. « L'aventure continue, même si elle est compliquée par la prédation de renards au printemps », fait part le producteur. En parallèle de ces dindons de verger, Sébastien Blache en a élevé une quarantaine à part, vendus en dindes de Noël. L'arboriculteur se félicite des atouts apportés par les animaux sur la ferme. « Mais il faut réfléchir aussi élevage et pas seulement arboriculture. C'est un vrai métier », analyse l'arboriculteur-éleveur.
Marion Coisne
Une lignée de brebis pour les verger
« Les Shropshire sont une race anglaise, compliquée à importer et encore plus avec le Brexit », fait part Sébastien Blache. Face à ce constat, le producteur s'est lancé dans la sélection de cette race adaptée en verger, car s'attaquant peu aux fruitiers. « On choisit les reproducteurs en particulier selon cette aptitude. Ce travail de sélection sur la lignée mâle sera vraiment intéressant, on va pouvoir avoir des brebis françaises vraiment destinées à l'arboriculture. » Sébastien Blache a déjà commencé à vendre ses agnelles pour la reproduction.