Hervé Longy, animateur national du réseau Formabio : « Rendre plus visible l'offre de formations bio »

Le 11/07/2022 à 9:42 par La rédaction

Le réseau de l'enseignement agricole, public et privé, à orientation agriculture biologique reconnu par l'État, continue à structurer la formation bio. Mais paradoxe, il subit aussi la concurrence des autres agricultures, issues de l'agroécologie. Formabio veille au grain.

Biofil : Comment évoluent les offres de formation fléchées bio ?

Hervé Longy : Dans l'enseignement agricole public et privé, sous l'égide de la DGER ­ Direction générale de l'enseignement et de la recherche ­, l'offre s'est bien développée depuis une dizaine d'années, et elle est importante. Il existe aujourd'hui 130 formations fléchées bio. De nombreux élèves sont formés chaque année à ce mode de production. Pour mentionner cette spécialisation bio, l'agrément de la Draaf ­ direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ­ est obligatoire, et il faut que Formabio donne un avis, après consultation du dossier. L'objectif est de s'assurer que l'enseignement bio est conforme aux attentes et applique les référentiels, selon les procédures précisées dans la note ministérielle du 11 juin 2020. Or seulement 69 formations l'ont fait à ce jour, et sont donc agréées. Une soixantaine n'ont pas encore entrepris la démarche, ou sont en cours. C'est important d'accélérer ces formalités pour rendre plus visible et efficace l'offre de formations bio (1).

Pourquoi ce retard d'agrément ?

Nous n'avons pas fait assez de pression pour ces renouvellements, dont les demandes tardent un peu à venir. Ce, pour deux raisons : d'abord, le plan EPA2 ­ Enseigner à produire autrement 20202024 ­ qui vise à accélérer et amplifier la transition agroécologique (2), introduit la bio dans tous les diplômes, qui sont aujourd'hui en cours de rénovation, du CAP au BTS. La nouveauté porte sur le décloisonnement des disciplines, avec une approche systémique et des problématiques nouvelles sont abordées, comme le bienêtre animal, la biodiversité, l'agroforesterie... Tous les cursus agricoles devront donc proposer un peu d'enseignement bio dans leurs référentiels, ce qui est une vraie avancée. Mais le risque est d'atténuer en contrepartie les besoins en formations spécialisées bio. C'est dommage car des formations biologique plus poussées sont nécessaires aussi si on veut développer une agriculture biologique performante. Cela dit, l'autre raison expliquant ce freinage dans les demandes d'agréments et de renouvellement vient du recul récent, depuis l'an dernier environ, du nombre de candidats.

Comment s'explique ce recul ?

Les formations bio répondent à un besoin du marché. Depuis dix ans, elles sont portées par la croissance dynamique des conversions en lait, viandes, grandes cultures, arboriculture, viticulture et aussi par les fortes demandes d'installations, notamment en maraîchage. Le repli actuel et les interrogations sur l'avenir rendent les candidats un peu plus frileux. Mais il faut continuer à préparer les jeunes ou les adultes en reconversion professionnelle, aux évolutions agricoles et sociétales de demain. De nombreuses fermes bio vont rechercher des acquéreurs dans les années à venir, d'où la nécessité de formations bio solides et multiples, adaptées aux attentes. L'enseignement agricole doit y répondre avec pédagogie.

Les fermes des lycées agricoles se tournent de plus en plus vers la bio ?

Oui, deux tiers des exploitations des EPL ­ établissements d'enseignement agricole public ­ ont tout ou une partie de leurs activités en bio. 27 % de leurs terres et 75 % des ateliers technologiques sont certifiés bio. L'objectif de 30 % de surfaces en bio en 2025 du EPA 2 sera facile à atteindre, voire à dépasser. Ce plan prévoit en outre que dans trois ans, toutes les fermes des établissements aient au moins un de leurs ateliers en bio. C'est important pour montrer aux élèves les différents systèmes, les sensibiliser aux techniques alternatives sans engrais et phyto de synthèse. Certaines exploitations sont très investies sur leur territoire, écoulant leurs produits en magasins de vente directe, comme au lycée du Valentin dans la Drôme, ou livrant aussi à la restauration collective, en phase avec des objectifs de la loi Egalim d'introduire au moins 20 % de produits bio dans les cantines. Citons pour exemples les EPLEFPA de Montauban qui accueillera un rendez-vous Tech&Bio en juin 2022, et celui d'Ondes en Occitanie.

Ces établissements participent à l'essor de la bio ?

Bien entendu, ils cherchent à améliorer les itinéraires techniques et à trouver des solutions aux difficultés en menant de nombreuses expérimentations. Et ce, en partenariat avec les structures de recherche et de développement locales, régionales ou nationales, valorisant ainsi nos formations. La bio véhicule aussi une image de service à l'environnement qu'elle doit affiner pour améliorer son impact auprès des jeunes, et de la société. Gagner en autonomie et limiter l'usage des intrants même en bio sont des objectifs, par exemple au niveau du cuivre. Nous participons ainsi au programme Resab qui prouve que les doses peuvent être encore réduites. Autant d'actions impliquées dans des démarches de progrès.

La façon dont la bio est désormais introduite dans la refonte des diplômes est-elle satisfaisante ?

Tous les diplômes doivent être rénovés d'ici 2025, en prenant en compte l'agroécologie. Cela concerne 500 à 600 cursus. La moitié est réalisée, le processus est lent, car il intègre le métier jusqu'au diplôme. La façon dont le mode de production bio est abordé reste superficielle. Indispensable, le fléchage sur la bio correspond aussi à une forte demande des filières, en chefs de cultures, en salariés de fermes maraîchères, arboricoles ou viticoles, ou d'ateliers de transformation, etc., qui manquent de main-d'oeuvre qualifiée. Et aussi en conseillers, contrôleurs... Mais actuellement la bio est vraiment challengée par le zéro pesticide et les sans OGM-sans antibiotiques, ou l'agriculture de conservation... Elle a besoin d'une meilleure visibilité en termes de formation. Il faut mettre en avant ses atouts.

Que faire pour obtenir l'agrément ?

Les établissements doivent contacter l'animateur de Formabio, c'est-à-dire moi-même. Je les épaule sur la procédure à suivre pour avoir cette attestation, ou son renouvellement qui doit se faire tous les trois ans, et je donne un avis sur leurs programmes. Ensuite, la Draaf apporte son feu vert. Les critères demandés sont l'implication de l'équipe et la conceptualisation de la maquette éducative. Les BTS ­ brevet de technicien supérieur ­ et les BPREA ­ brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole ­ affichent le plus fort taux d'agréments bio. C'est plus compliqué pour les CS ­ certificats de spécialisation ­, car le centre de formation doit lui-même être agréé, en présentant un support pédagogique en lien avec la bio. D'où des réticences de certains de lancer les démarches de renouvellement, notamment en Ppam.

Que pensez-vous des initiatives privées comme celle du campus Hectar de Xavier Niel ?

Je suis très réservé sur cette initiative privée, qui sait faire parler d'elle. Nous ne l'avons pas attendue pour proposer des formations complètes et diplômantes, adaptées aux besoins bio partout en France, pour toutes les productions. Et ce, avec des enseignants et des formateurs compétents et investis et en lien avec le terrain et les producteurs chez qui stagiaires ou apprentis, approfondissent leurs connaissances et se confrontent au réel !

Propos recueillis par Christelle Rivy-Fournier

(1) Les formations Formabio actualisées sont à retrouver dans l'annuaire p. 77
(2) Ce plan implique l'ensemble des acteurs de l'enseignement agricole technique et supérieur, public et privé, aux niveaux national, régional et local.

 


Formabio : un réseau dédié à l'enseignement de la bio en France

Formabio est le réseau de l'agriculture biologique dans l'enseignement agricole. Son but est d'accompagner les établissements de formation agricole dans la mise en oeuvre d'actions pour développer la bio : formations à orientation agriculture bio, production AB dans les exploitations des établissements, innovation et expérimentation avec des partenaires du territoire. Son animateur, Hervé Longy représente aussi l'agriculture bio dans le collectif Réso'them, qui accompagne la transition écologique.

Produire autrement pour les transitions et l'agroécologie : un 2e plan en cours

L'objectif de la DGER ­ Direction générale de l'enseignement et de la recherche ­ est de donner un nouvel élan à l'enseignement agricole afin d'être plus attractif pour les jeunes : lien entre l'homme et le vivant, aller-retour entre approche systémique et observation fine, gestion des incertitudes, engagement individuel et collectif, insertion dans les territoires, etc. Le but est d'inventer un nouveau modèle écologique, en sortant du glyphosate, pour atteindre les objectifs d'Egalim, réduire les émissions de gaz à effet de serre, et « s'inscrire dans une trajectoire de développement ambitieux de l'agriculture biologique », précisait le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume le 30 janvier 2020. La machine est en route, mais cela prend du temps.

Lien avec la recherche : apporter des ressources pertinentes aux enseignants

« La recherche évolue en permanence, notre rôle est d'être aussi la plaque tournante entre la recherche et l'enseignement agricole, de valoriser les résultats, et de proposer des ressources actualisées aux enseignants, résume Julien Leroy, chargé de mission pour Formabio. Il s'agit aussi d'amener les établissements, directeurs ou salariés à réfléchir sur la transition écologique et les changements de système vers la bio, et lever les blocages. »

À travers le projet Resab ­ Réduction des phytosanitaires par des pratiques issues de la bio, 2022-2025 ­, porté par le centre d'enseignement technique de la Bergerie Nationale de Rambouillet, Formabio s'implique encore davantage pour faire évoluer l'agriculture. L'objectif est de montrer la plus- value de la bio, que le bénéficerisque est meilleur mais sans rien imposer. Trois axes ­ arbo, grandes cultures, productions laitières ­ sont ciblés, et 15 établissements y participent. « L'enseignement agricole doit présenter toutes les formes d'agriculture actuelles et travailler sur les meilleures pratiques », rappelle Julien Leroy. Du côté des élèves aussi, le défi est de les faire réfl échir sur les notions de performances, « et de leur faire prendre conscience des services rendus par la bio. » Autre projet de recherche dans lequel Formabio s'investit est Mmbio ­ Micro fermes maraîchères en bio ­ 2019-2022 prolongé d'un an, et porté par l'Itab. « Le but est de proposer des contenus pédagogiques adaptés, en lien avec les acteurs des territoires. »

Un nouveau site internet pour Formabio : plus interactif

Le site internet de Formabio vient d'être refondu pour le rendre plus clair et fonctionnel. Les établissements peuvent ainsi réactualiser leurs informations en termes d'actualités, de formations et d'évolution de leurs exploitations agricoles. Les apprenants ont ainsi accès à tous les cursus bio diplômants disponibles en France métropolitaine et en territoires d'outre-mer : capa, bac pro, BPREA, BTS, CS, BPH ­ bonnes pratiques d'hygiène ­, et ce, dans tous les secteurs d'activité agricoles.À consulter : reseau-formabio.educagri.fr