Associer élevage et cultures fruitières nécessite d'aménager les vergers, pour prévenir les dégâts, et éviter que les animaux s'échappent, ou se fassent attaquer, voire voler.
«Mon frère a dû aller chercher les brebis qui s'étaient échappées entre Noël et le Nouvel An », grimace Joël Boistault, arboriculteur entre Nantes et Angers. Ses clôtures mobiles, deux fils électriques à environ 60 cm du sol avec piquets en plastique, suffisent la majeure partie du temps, sauf quand un chien effraye les animaux. Dans le Tarn et Garonne, au Gaec MaryCé à Cazes-Mondenard, Cédric Faydi a opté pour un filet électrifié de 1,10 m de haut avec douze rangées de fils. En biodynamie, le producteur introduit, en 2017, 80 poules sur deux parcours d'un hectare chacun : un de kiwis et un de pruniers. Sa ferme compte au total cinq hectares de pruniers et deux hectares de kiwis. En 2019, les poules sont rejointes par trois brebis, deux Caussenardes et une Suffolk, bientôt remplacées par des Charmoise, « car elles prospectaient trop haut », justifie le producteur. Aujourd'hui, ses vergers comptent un bélier et deux brebis. Les animaux peuvent s'abriter dans un bâtiment mobile de 20 m² (4 m x 5 m), déplacé une fois par an. Celui-ci fait la jonction entre les deux parcours, le troupeau permutant entre les deux. Le grillage électrique suffit à garder poules et brebis dans leurs zones, « et à empêcher le renard d'y entrer », ajoute Cédric Faydi. S'il voit des buses, celles-ci ne posent pas de problèmes. « Le coq protège les poules », estime l'arboriculteur, qui a choisi des poules fermières, avec différentes espèces. « Au début, on avait essayé de mettre des pondeuses de réforme, mais elles restaient autour du bâtiment. »
6 000 pour 80 poules et 3 brebis
Au total, pour les animaux, les clôtures et le bâtiment, l'investissement s'est monté à 6 000 . « En face, le gain est d'utiliser moins de produits contre les ravageurs comme le carpocapse, et l'entretien du sol », analyse Cédric Faydi. Clôtures, abri et abreuvoirs représentent l'investissement de base. L'autoconstruction peut être une alternative. L'Atelier paysan (1) a mis au point un poulailler mobile simple de 42 m², et un autre accueillant jusqu'à 250 poules pondeuses baptisé PDG 250. Une mangeoire palox, servant à la fois de mangeoire et de stockage d'aliments est aussi disponible, pour réduire la manutention de grains. Joël Boistault, dans le Maine-et-Loire, a aménagé une petite bétaillère, servant à abriter et à transporter les animaux. Pour l'essai à Fontvieille (Bouches-du-Rhône) avec 40 poules dans le cadre du projet Dépasse, un Technigîte, fabriqué par Plein Air Concept, a été installé. En forme de dôme, ce modèle, disponible à partir de 2 217 , est prévu pour accueillir 50 poules.
Gare aux rapaces
Chez l'arboriculteur de Fontvieille, les rapaces ont été problématiques. « La prédation était énorme, relate AnneLaure Dossin. En moyenne, les buses tuaient une poule par semaine. » Et le premier lot avait été décimé par le renard, malgré un filet électrifié. Résultat, les poules, stressées, restaient dans un tiers de la parcelle, sans s'éloigner plus. Un dispositif anti-buses fait maison a été construit, sur les conseils de la LPO. Il consiste à tirer des fils en parallèle en hauteur, auxquels ont été accrochés des morceaux de rubalise et des barquettes en alu pour la visibilité. « Cela ne fonctionne que si les fils sont suffisamment serrés, précise Anne-Laure Dossin. L'écart entre deux doit être inférieur à leur envergure, soit un mètre. » L'installation est très chronophage, sans compter que les fils doivent régulièrement être remplacés.
Protéger les jeunes vergers
Autre point de vigilance : les arbres doivent être protégés du risque de consommation de branches, en particulier avec les moutons. Le projet Brebis-Link (2018-2020), dans son Guide du partenariat à destination des éleveurs et exploitants de surfaces additionnelles (2), précise que les jeunes vergers, en dessous de 7-8 ans, ne sont pas adaptés, à cause du risque de frottement et de consommation de branches basses, en dessous d'un mètre cinquante. Plusieurs protections sont évoquées : un tuteur en acacia avec un grillage type ursus, un enclos en bois tripode avec ursus, un tuteur avec un Tubex, ou encore tout simplement une clôture électrique. L'installation d'un fil électrique en bas des fruitiers est la piste la plus prometteuse du projet Ecorce pour le moment (lire article suivant). Quant aux installations d'irrigation, les systèmes de goutte-à-goutte ou de micro-aspersion suspendus à plus d'un mètre du sol, ils ne posent pas de soucis.
Marion Coisne
(1) latelierpaysan.org
(2) Disponible en ligne : dordogne.chambre-agriculture.fr
Éviter les parcelles isolées
Les animaux ne sont pas les seuls prédateurs : à Noves, dans les Bouches-du-Rhône, un essai chez un arboriculteur pour mesurer l'impact des poules sur le carpocapse a dû être abandonné. « On a eu des vols réguliers de poules, et finalement, tout le matériel a été embarqué », déplore Anne-Laure Dossin. La chargée de mission conseille d'éviter d'introduire des animaux dans des parcelles isolées.