Pionnier de la noix bio en Californie

Le 12/01/2015 à 14:06 par La rédaction

En Californie, dans le cœur de la Central Valley, Dixon Ridge Farms cultive des noyers à perte de vue, sur 164 ha certifiés bio. Pionnier et leader mondial de la noix bio, l’entreprise pratique depuis 25 ans une gestion économe en énergie, autonome et durable de son activité.

Une partie des 164 ha de noyers bénéficie d’irrigation localisée à basse pression et gérée en fonction de l’humidité du sol. Celui-ci est non travaillé et semé d’un mélange d’espèces, fauché à la récolte.
Une partie des 164 ha de noyers bénéficie d’irrigation localisée à basse pression et gérée en fonction de l’humidité du sol. Celui-ci est non travaillé et semé d’un mélange d’espèces, fauché à la récolte.

Au nord-est de San Francisco, à une cinquantaine de kilomètres de Sacramento, le verger de noyers de Dixon Ridge Farms a démarré sa conversion en 1989, pour une certification en 1992. « Mon père, qui a planté ses premiers noyers en 1979, a d’abord réduit l’usage des pesticides par manque de moyens ! Il a essayé de trouver des alternatives, comme l’aide des auxiliaires de culture, et il a été surpris par leur efficacité, raconte Jenny Lester Moffitt, sa fille, devenue directrice du marketing et des ventes. Le cancer de mon grand-père, producteur de prunes en intensif, et frappé d’un lymphome non hodgkinien incurable, a fini par convaincre mes parents de l’urgence à changer de pratique. » Le lien entre cette maladie et le contact avec des pesticides venait en effet d’être établi par les scientifiques.

Jenny Lester Moffitt, directrice du marketing et des ventes.
Jenny Lester Moffitt, directrice du marketing et des ventes.

Une réussite hégémonique

Décidé à sauter le pas pour protéger la santé de sa famille, Russ Lester se sent isolé : à l’époque, les références en culture bio de noyers sont quasi inexistantes. Avec l’aide de chercheurs et d’entomologistes, il tâtonne et teste des pratiques innovantes : « Il faut comprendre que l’important est de favoriser la fertilité et la stabilité des sols ainsi que la biodiversité, pour établir un écosystème capable de s’autoréguler et résistant aux périodes de sécheresse », résume le producteur, fier d’avoir contribué à la crédibilité de la bio américaine.

Le verger, planté à une densité de 70 arbres par hectare, est constitué de variétés anglaises ou perses greffées sur des plants de noyers noirs d’Amérique, adaptés au sol et au climat, mais dont le fruit est moins prisé.
Le verger, planté à une densité de 70 arbres par hectare, est constitué de variétés anglaises ou perses greffées sur des plants de noyers noirs d’Amérique, adaptés au sol et au climat, mais dont le fruit est moins prisé.

Aujourd’hui, Dixon Ridge Farms produit 3,7 t de noix par hectare, mais en achète aussi à l’extérieur. « Après la conversion, on s’est aperçu qu’il n’y avait pas de marché, mais nous tenions à valoriser nos récoltes bio, relate Jenny Lester Moffitt. Alors, nous avons peu à peu investi dans les techniques de séchage, triage, stockage, conditionnement et expédition pour garantir une qualité optimale et conserver la valeur ajoutée. » Au fil des ans, les clients se sont multipliés, aux USA et ensuite à l’export, notamment vers le Canada. « Grâce à nos résultats techniques, nous avons convaincu nos voisins de se convertir aussi, puis d’autres producteurs californiens nous ont suivis. » Ils sont désormais plus de 75 fermes à approvisionner les installations de Dixon Ridge Farms, dont le chiffre d’affaires a atteint 8 M€ en 2013, avec 36 salariés. « Nous allons toujours de l’avant, pour satisfaire les clients, et aussi pour améliorer nos pratiques pour plus de cohérence et de durabilité, en réduisant au maximum l’usage d’intrants autorisés en bio », affirme la fille du fondateur.

Cœur du système, le couvert végétal

Autonome à 100 %, la ferme cultive ses propres plants en pépinières, qui seront ensuite greffés, soit 8 années depuis la semence, avant d’entrer en production.
Autonome à 100 %, la ferme cultive ses propres plants en pépinières, qui seront ensuite greffés, soit 8 années depuis la semence, avant d’entrer en production.

Pour le contrôle des parasites, l’exploitation applique la lutte intégrée biologique, en installant des abris aux oiseaux, chauves-souris et insectes auxiliaires. « Les chauves-souris sont indispensables pour lutter contre le carpocapse, un nuisible très dangereux pour nos récoltes. » Le couvert herbeux, base du système, est maintenu toute l’année, et non tondu pour préserver les punaises et les araignées, nécessaires à l’équilibre de l’écosystème. Ce couvert, composé de différentes espèces de trèfle, vesce, d’avoine, de seigle, d’orge, est très attractif pour les insectes, mais aussi fertilisant, en plus de l’apport de fumier de cheval ou dindes compostés, issus d’élevages bio, apporté aux arbres. « En outre, ce couvert végétal maintient l’humidité et la porosité du sol, ce qui est capital car nous souffrons de la sécheresse. » Les nappes phréatiques sont très basses et, cet été, l’arrosage a dû être stoppé pendant 6 semaines dans certaines parcelles, au détriment des rendements. « Nous devons économiser l’eau qui devient très chère parce qu’il faut puiser très profond. » Le couvert végétal évite l’érosion, donc la perte de fertilité. « Et nos terres captent ainsi la totalité les pluies d’hiver qui ne ruissellent pas, ce qui permet aux nappes de se renflouer », se félicite Jenny Lester Moffitt. Un mulch de coques de noix broyées sert également de paillis autour des arroseurs, pour supprimer la pousse d’herbe à ces endroits. « Grâce à ces techniques extensives, nous conservons nos plantations en bonne santé entre 40 et 50 ans, alors qu’en intensif, les arbres sont arrachés au bout de 30 ans. »

Christine Rivry-Fournier

 

Sacrée énergie !

 
« Notre objectif est de réduire tout gaspillage, notamment énergétique, et de produire des énergies renouvelables non émettrices de gaz à effet de serre, pour une autonomie maximale », insiste fièrement Jenny Lester Moffitt. Tous les stades de la production sont concernés, notamment la transformation, très énergivore :

  • Dans le verger, peu ou pas de travail du sol, et un minimum de fauche ; une irrigation maîtrisée avec des pompes à haute efficacité et un système suspendu à basse pression très économe.
  • En transformation, isolation maximale des congélateurs ; recyclage de l’énergie utilisée pour le séchage.
  • Depuis 2007, un générateur de biogaz alimenté par les coques de noix produit environ 643 000 kWh par an, énergie qui remplace le gaz pour sécher les cerneaux, fournit de l’électricité et chauffe les constructions en hiver. Aux 325 m2 de panneaux photovoltaïques déjà posés vont s’ajouter 9 000 m2 supplémentaires. D’autres projets sont en cours, notamment l’usage de l’huile de noix non comestible comme carburant.