Devenir un éleveur bio : Faire sa “conversion psychologique”

Le 29/10/2010 à 8:49 par La Rédaction


Quelles sont les clés de la réussite d’une conversion en élevage bio ? Le Space a permis d’en savoir plus, lors d’une rencontre initiée par Brio (Bio des Régions Interprofessionnellement Organisées). Deux producteurs de lait et porc, un représentant des Fermiers de Loué et un technicien d’Agrobio- Conseil ont témoigné.

“Nous réfléchissons actuellement à la mise en œuvre d’un programme de recherche sur les pertes en cuisson des viandes”, explique Jean-François Deglorie, animateur de la commision bio d’Interbev

La poussée des conversions se confirme avec un bond de 23,7 % de 2008 à 2009, soit la plus forte hausse enregistrée depuis 1995. En 2010, durant les sept premiers mois, 2 698 nouvelles exploitations bio ont été recensées : plus que jamais, l’accompagnement est nécessaire, car cette transition s’avère délicate tant sur le plan économique que technique. Parmi les clés d’une conversion réussie, les participants au débat ont unanimement reconnu l’importance de la “conversion psychologique” de l’éleveur. “Il faut accepter une nouvelle façon de travailler. J’ai commencé à me faire à l’idée de ne pas réaliser tout mon quota si mes objectifs économiques sont atteints, chose impensable en conventionnel, explique François Rouland, éleveur laitier au Locheur dans le Calvados, en conversion depuis le 15 mai 2010. Il faut aussi accepter de se sentir un peu isolé au niveau des connaissances et vis-à-vis du voisinage qui observe nos nouvelles pratiques et ne manque pas de nous signaler nos échecs.”

De bonnes habitudes

Michel Quéré, technicien chez Agrobio-Conseil, la structure de conseil d’Agrobio 35, le confirme : “Il est important de déterminer ce que peut produire son système en fonction de ses propres conditions pédoclimatiques et pas forcément d’aller chercher les derniers litres de lait ou les quintaux. L’éleveur doit avant tout viser la performance économique, quitte à produire moins. Aussi, il faut tendre vers un maximum d’autonomie. Car, comme la conversion se traduit généralement par une baisse du chiffre d’affaires, il faut absolument pouvoir la compenser par la réduction des intrants. Concrètement, pour obtenir un revenu suffisant, l’objectif est de parvenir à un ratio de 45 à 50 % pour le rapport EBE/chiffre d’affaires. Une fois la conversion passée, ces “bonnes habitudes” seront payantes”. La réussite passe aussi par un accompagnement individuel fort : “Lors des rencontres préalables à la conversion, on cherche à faire réfléchir les agriculteurs, alimenter leur réflexion, la structurer et aussi leur proposer des actions concrètes. Il est important d’éviter le syndrome du “beau document” qui dort dans un tiroir !”, analyse Michel Quéré.

Ne pas rester seul

 Avec davantage de recul – sa conversion date de 2001 – Dominique Illien, éleveur de porcs à Kervignac dans le Morbihan, juge important de savoir s’entourer, avant la conversion, mais aussi pendant. “J’ai bénéficié d’un appui important de la part du Gab, notamment lors de visites d’élevage, et aussi d’Erca Bio, le groupement de producteurs bio auquel j’adhère. Il est nécessaire de garder le sens des réalités, maîtriser la technique au quotidien comme la pesée des porcs, avoir le souci permanent de la qualité des aliments. Garder une bonne dose de curiosité et être ouvert sur l’extérieur, participer à des réunions, des formations, accueillir des jeunes en projet, des écoles, sont également des points importants pour ne pas rester isolé.” Marque emblématique en Maine-Anjou, les Fermiers de Loué connaissent aussi une forte vague de conversions tant en volailles de chair qu’en oeufs (75 de leurs 1000 adhérents sont en bio). “Tout nouvel éleveur bénéficie d’une formation et d’un suivi technique renforcé. Nous avons une équipe dédiée, avec un vétérinaire et douze techniciens conseils qui visitent en permanence les élevages. Notre système de “parrainage” permet à chaque éleveur en conversion d’être épaulé par un collègue plus confirmé”, explique Pascal Vaugarny, attaché de direction aux Fermiers de Loué. Autre point important : faire évoluer ses techniques. “Alors qu’en conventionnel, je pratique le non-labour depuis dix ans, je m’interroge sur la suite à donner depuis que je suis en conversion”, souligne François Rouland. “Nous incitons les nouveaux éleveurs bio à implanter des prairies à flores variées ou de la luzerne, bien moins sensibles aux conditions climatiques défavorables comme la sécheresse. L’autonomie en fourrages est plus facile à obtenir”, détaille Michel Quéré.

Jean-Martial Poupeau