Contributions positives de la bio : l’Itab renforce les preuves scientifiques

Le 14/06/2024 à 15:07 par Christine Rivry-Fournier


Quels sont les atouts de la bio comparée aux pratiques conventionnelles ? La question est récurrente et plus que jamais urgente à mieux cerner. L’Itab – Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologique – l’étudie de très près, et le 10 juin dernier, les résultats d’un travail de titan approfondi est présenté au ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires – MTECT –, à Paris.

« En 2016, l’Itab, en collaboration avec des chercheurs de l’Inra, a réalisé une première analyse inédite, commanditée par le ministère de l’Agriculture, rappelle Natacha Sautereau, coordinatrice du pôle Durabilité et Transition à l’Itab. Nous avons évalué les externalités de l’agriculture biologique au regard de la littérature scientifique, et essayé de les quantifier et de les chiffrer économiquement. » Huit ans plus tard, face aux crises écologiques, à la montée des préoccupations environnementales et sanitaires, aux controverses, et au travail sur l’affichage environnemental, le MTECT confie à l’Itab avec l’appui de chercheurs de l’Inrae et de l’Inserm, l’actualisation de ces conclusions. Ce, en prenant en compte de nouvelles publications scientifiques portant sur de multiples dimensions : santé humaine, climat, biodiversité, sol.

Natacha Sautereau (© CRF)

800 articles scientifiques analysés

Comment évaluer ces externalités positives, mais aussi négatives, de la bio, face à l’agriculture intensive, et non prises en compte par le marché ? « Les principales conclusions de 2016, établies notamment avec Marc Benoît, chercheur à l’Inrae, montraient beaucoup d’impacts positifs et aussi des points d’interrogations, notamment sur les gaz à effets de serre au kilo produit versus rapporté à la surface, et la moindre productivité », rappelle Natacha Sautereau.

De 2016 à 2024, de nouvelles études scientifiques sont venues consolider et affiner toutes les approches, à base de publications affichant une croissance de 47 %, pour 800 travaux analysés au total. Cette tâche est menée par une équipe de l’Itab, sous la houlette de son directeur Eric Pillet, et composée également de Eva Lacarce, Bastien Dallaporta, Rodolphe Vidal, et Fanny Cisowski. « La réduction des externalités négatives et l’accroissement des externalités positives représentent un enjeu, de manière générale pour l’agriculture, mais surtout pour la collectivité, ce qui peut justifier un soutien financier de la société », résume Natacha Sautereau. Dans l’attente de la livraison du rapport complet, et du replay de la présentation de ce travail, en voici le résumé, et les notes de synthèses concernant le sol, la biodiversité, le climat et la santé humaine. « Les preuves scientifiques connues sont renforcées sur de nombreux aspects », appuie l’équipe de l’Itab.

Sol : de multiples externalités positives

Parmi les principaux résultats mis en avant, certains très parlants concernent le sol. L’expertise scientifique collective de l’Inrae-Ifremer sur les « Impacts des produits phytopharmaceutiques – ppp - sur la biodiversité et les services écosystémiques » montre que toutes les matrices environnementales sont contaminées par les ppp : l’eau, le sol, l’air. En Europe, les sols le sont largement, de 80 à 98 %, par des résidus de ppp et leurs métabolites. « L’agriculture bio, en limitant considérablement les ppp, abaisse significativement les niveaux de contamination des sols cultivés », précise Eva Lacarce. Les résidus de pesticides sont inférieurs de 30 % à 55 % avec des teneurs moindres en bio de 70 % à 90 %. « La bio, par ses pratiques restreint donc, aujourd’hui et pour l’avenir, la contamination des sols par des toxiques, que ce soit sur les terres cultivées en bio, mais aussi sur les espaces non cultivés. »

Une autre étude montre que la qualité des eaux souterraines vis-à-vis des ppp est, elle aussi, significativement dégradée entre 2010 et 2018, malgré la mise en place de périmètres de protection. Le cuivre est également responsable . « Mais si la bio, autorisant l’usage du cuivre, participe, avec l’agriculture conventionnelle, à cet impact, spécialement dans les zones viticoles, elle contribue de facto beaucoup moins à la pollution de l’eau en employant peu de ppp », précise l’étude.

En s’interdisant les engrais azotés de synthèse et les extractions acides des phosphates miniers, et en liant au territoire l’alimentation des animaux, la bio limite les apports de nutriments dans les sols. « D’où un modèle de production abaissant les pertes en nitrate de 30 à 60 % par rapport aux pratiques conventionnelles en grandes cultures », appuie Eva Lacarce.

Cependant, malgré les apports azotés globalement moindres, le mode de production bio peut parfois amener à une lixiviation accrue des nitrates, notamment au moment des retournements de luzernières. Cela dit, en bio, les indicateurs de la biologie des sols sont améliorés dans 70 % des cas par rapport aux pratiques conventionnelles. « Cela concerne l’abondance, la diversité, ou les fonctions assurées par les organismes vivants, et de façon nette pour les microorganismes, et ce, malgré le travail du sol », conclut l’étude. Les sols bio contiennent 35 % en plus de matières organiques : « C’est possible grâce aux pratiques qui favorisent les apports de fertilisants organiques, la restitution des résidus de récoltes au sol, des rotations plus longues, diversifiées, avec des prairies, des couverts intermédiaires, et l’utilisation des légumineuses », rappelle Eva Lacarce.

C.R-F