Marché de niche, l’algue bio reste portée par ses forts atouts nutritionnels et cosmétiques. La Bretagne, via le Finistère, demeure l’une des zones phare en matière de récolte et de transformation.
Eté 2014. Répondant à l’invitation d’Initiative Bio Bretagne, une vingtaine de personnes ont revêtu bottes et cirés pour parcourir l’estran de Lilia-Plouguerneau (29). Ce « bout de terre » est en effet l’une des 5 zones de récolte autorisées en Finistère. Dans ce département, environ 4000 tonnes sont ramassées à pied chaque année, dont 10 % certifiées bio. En Bretagne, 79 récoltants professionnels prélèvent entre 6000 et 7000 tonnes par an.
Parmi les algues brunes, les fucales composent les deux-tiers des récoltes. Suivent le kombu breton et le kombu royal. Les algues vertes, comme la laitue de mer, et les algues rouges (dulse, nori, pioca…) composent le reste des quantités ramassées. En fonction du type d’algue, la récolte se fait en bateau (pour les algues poussant en mer), à pied ou en tracteur (pour celles de rive).
Bio en pleine nature ?
Comment certifier le caractère biologique de plantes qui poussent à l’état sauvage dans des espaces ouverts comme l’estran ou la pleine mer ? C’est là toute la difficulté, non moins dépassée puisque la certification bio est possible depuis 2010 (1), respectant les principes suivants : -bonne gestion des ressources naturelles ; bonne pratique des récoltants ; bonne qualité de l’eau : bon état écologique et chimique (suivant le classement de la Directive Cadre sur l’eau (DCE) et les zones conchylicoles A ou B).
Le programme Algmarbio, coordonné par Initiative Bio Bretagne, ainsi que le Guide des bonnes pratiques, adopté par le syndicat des récoltants professionnels d’algues de rives de Bretagne (SRPARB), accompagnent la mise sur le terrain de ces principes. Cela consiste, par exemple, au moment de couper l’Ascophyllum, à laisser au moins 30 cm de cette algue brune sur site. En effet, les récoltants ne prélèvent que 70 % de la biomasse. En outre, en dehors des laminaires et du lichen, les algues ne doivent pas être arrachées mais coupées. Des zones de jachères sont aussi mises en place en fonction de la ressource et les dates d’ouverture des zones sont fixées par l’Ifremer.
La qualité de l’eau
Ramasser des algues dans une eau saine est une évidence. Toutefois, le syndicat des récoltants d’algues s’insurge contre l’amalgame fait avec la qualité d’eau nécessaire aux huîtres et moules. « Obliger à une qualité d’eau équivalente à celles prescrite pour les espaces conchylicoles n’a aucun sens, se récrie l’algoculteur finistérien, André Berthou car les moules sont des mollusques filtreurs qui concentrent diverses pollutions, notamment la bactérie Escherichia coli. Ce n’est pas du tout le cas des algues ».
Des emplois très spécifiques
Algues Service, Aqua B, Tonnerre de Brest, Algoplus, Bioprotec… l’usage des algues est aussi varié que le nombre de transformateurs. Dans le périmètre de Brest, l’entreprise Penn Ar Bed compte parmi les pionnières. Elle salarie quelques 150 récoltants d’algues une partie de l’année, mais collecte une faible quantité d’algues bio, la demande se situant « surtout en alimentation humaine, explique Alain Madec, le dirigeant de Penn Ar Bed. Or, nous approvisionnons plutôt l’industrie de l’alimentation animale, de la pharmacie et de la cosmétique ». Les algues bio se retrouvent essentiellement dans les engrais agricoles fabriqués par Penn Ar Bed. « A l’instar du lobby phytosanitaire qui fait tout pour limiter le développement des engrais à base de plante, l’industrie pharmaceutique, par la multiplication des Autorisations de mise sur le marché (AMM), entrave le développement du marché de l’algue », se plaint l’entrepreneur qui en veut pour preuve l’abandon de certaines algues, leur commercialisation étant devenue quasi impossible.
Gaëlle Poyade
(1) Règlement européen bio 710/2009.
(*) Photos d'algues issues du Guide de bonnes pratiques – récolte des algues de rive (Algmarbio - Initiative Bio Bretagne).
Cultiver des algues ?
De même que l’aquaculture et la pisciculture semblent être des solutions à l’épuisement des ressources marines, de même l’algoculture pourrait préserver certains écosystèmes marins ou littoraux. Cependant, bien peu d’algues se prêtent à cette domestication. En Finistère, le wakamé a été cultivé pendant une petite dizaine d’années sur l’île d’Ouessant et au Guilvinec, alimentant les secteurs de la pharmacie et de la cosmétique. Hélas, classée selon l’Union européenne parmi les 100 végétaux les plus invasifs, le wakamé a été sanctionné en 2012 par un avis scientifique défavorable. Aujourd’hui, on ne compte plus que quatre algoculteurs, dont André Berthou qui en récolte en bio dans le Finistère Sud.
La saccharina lattissima et la criste marine peuvent aussi être cultivées. Reste à trouver un modèle économique viable.