Le monde agricole est sur le qui-vive. Dans ce contexte tendu, la filière bio reste étourdie, avec le goût amer d’être laissée-pour-compte... Si certaines revendications sont communes à toutes les agricultures – retraite, accords de libre-échange, rémunération –, d’autres sont aux antipodes des valeurs défendues par la bio qui bannit pesticides chimiques, engrais de synthèse et OGM. Et qui revendique d’être contrôlée et certifiée.
La ferme France est en crise, due à une poussée inflationniste européenne, provoquant une baisse en gamme du marché. La bio en est victime. Double peine, on assiste en plus à un « retournement du comportement du consommateur », comme le montre le dernier baromètre de l’Agence Bio. Mais comment peut-on faire un burn-out de la transition alimentaire ? Un rejet des injonctions environnementales, de la cuisine, du jardinage ? La société fermerait les yeux sur les pollutions, la perte de la biodiversité, et les aléas climatiques ?
Les soucis de fins de mois et de fin du monde semblent s’entremêler. La situation agricole est certes très compliquée dans un marché mondial libéralisé. On pensait la bio plus à l’abri de ces tumultes. Moins soumise à ces pressions, parce que désormais autosuffisante pour de nombreux produits et privilégiant l’origine France, elle est néanmoins fragilisée. La soutenir devient une urgence absolue. Sans attendre, même si des frémissements de reprise se confirment.
Il faut passer à la vitesse supérieure, avant que certains producteurs – en élevage, en grandes cultures, fruits et légumes – et transformateurs ne se découragent. Ce, après avoir fait d’énormes efforts et d’importants investissements pour la transition agricole, en réponse aux attentes sociétales. Biofil en témoigne dans chacun de ses articles. Et la filière semences, mise en avant dans ce numéro (lire p. 18), le prouve plus que jamais.
La campagne #Bio Reflexe de l’Agence Bio, déclinée dans les territoires, doit monter en puissance, être relayée davantage, mobiliser tous les opérateurs, dont les distributeurs. Et l’application de la loi Egalim, avec les 20 % de bio en restauration hors domicile, doit aussi être une priorité de l’État, avec un contrôle sérieux de son application.
L’aide d’urgence de 90 millions d’euros annoncée par le ministère de l’Agriculture est un effort… à compléter car insuffisant, au regard des 300 millions d’euros de pertes sur un an, estimées par les organismes bio. Si le nouveau plan Ambition Bio 2027 est un signal positif de soutien au long cours, il ne rassurera les filières que si des mesures sont mises en place rapidement. Preuve d’un engagement sincère pour les générations futures.
Relever l’écorégime à 145 €/ha est indispensable pour rémunérer les externalités, sur lesquelles il ne faut cesser de communiquer. Le problème des marges abusives de certains distributeurs, surfant sur les consommateurs captifs, est également à résoudre. Quant au calcul des coûts de production, pour un prix plancher, la bio le fait déjà, via des contrats tripartites, avec tunnels de prix. Mais le système déraille, quand le marché plonge. D’où la nécessité d’améliorer cette démarche, l’adapter, avec un système assurantiel, prenant en compte aussi les aléas climatiques. Gérer cette crise et la dépasser, en gardant le cap sans perdre ses valeurs, implique, pour les bio, de se mobiliser ensemble et de le faire savoir.
Christine Rivry-Fournier