La 38e édition du Sival – Salon des cultures spécialisées –, tenue à Angers du 14 au 16 janvier, reste incontournable aux agriculteurs bio – maraîchers, arboriculteurs, et viticulteurs – en recherche de solutions performantes. Avec 25 000 visiteurs – venus des quatre coins de France, des pays limitrophes et plus loin, au total 63 nationalités –, et 713 exposants, l’édition 2025 reflète le dynamisme de ces filières spécialisées de fruits et légumes, et ce, malgré les difficultés climatiques et économiques. Le salon accorde chaque année une large place aux productions bio, et aux organismes de développement, sur un stand collectif.
Une offre bio performante
« Le Sival est reconnu pour sa proposition d’une offre performante, accueillant de nombreux exposants présentant des produits, matériels, solutions utiles à l’agriculture bio, rappelle les organisateurs. Des conférences présentent aussi les dernières innovations et les meilleures pratiques dans le secteur bio. » Si l’investissement en matériels s’est ralenti, le secteur des semences et plants bio enregistre une reprise des ventes bio, en lien avec un regain de consommation, notamment en magasins spécialisés et vente directe. En fertilisants, biostimulants, biocontrôle, l’offre continue à innover, tout comme en irrigation optimisée, en cultures sous abris… (lire Biofil 157 et 158).
Une conférence filières
Dans un contexte compliqué pour les filières bio – malmenées car dérangeantes –, la conférence intitulée « Défis et opportunités pour l’agriculture biologique : comment penser le futur de la bio ? », tenue le 14 janvier, apporte un éclairage sur les perspectives de la bio, de l’amont à l’aval. Organisée par les Interbio régionales – Pays de la Loire, Centre et Bretagne –, elle vise à se projeter dans l’avenir, en répondant à trois défis : sécuriser les marchés, assurer les conversions et les transmissions et répondre au défi climatique. « Il nous faut élargir nos débouchés et diversifier pour partager et donc réduire les risques », exprime Nicolas Oran, maraîcher à Corné en Maine-et-Loire, sur 15 à 20 ha de légumes en système diversifié, et également trésorier de Bio Loire Océan, association de commercialisation de fruits et légumes bio. « Ce sont les plus spécialisés qui ont le plus souffert », admet le maraîcher angevin.
Sortie de crise
Pour Nicolas Oran, les déconversions émanent surtout de producteurs venus récemment vers la bio, appâtés par les promesses du marché. « À l’échelle de notre exploitation, pendant la crise, notre volume d’activité a été maintenu, mais les curseurs ont bougé, les parts de marché se sont modifiées, explique le producteur. La vente directe a augmenté, les achats des gros magasins ont baissé, mais ceux des plus petits points de vente ont augmenté. » Cette agilité à s’adapter, c’est aussi la stratégie de Bio Loire Océan, forte de 45 adhérents (5 M€ de CA) pour capter le maximum de valeur ajoutée, et assurer des débouchés à ses adhérents. « Nous mettons en culture ce que l’on est capable de vendre, et en privilégiant la diversité des productions et des circuits de commercialisation. »
Vendre pour produire
Chez Agrial-Priméale, coopérative expéditrice de légumes, « on a intérêt à développer le marché bio pour accompagner nos producteurs, explique Morgane Robert, coordinatrice optimisation et développement. Ce, en mettant en avant nos produits auprès des GMS, et on espère aussi que la restauration collective sera un levier de croissance. Mais à l’export en bio, on n’est pas compétitif. » Chez Priméale, la bio représente moins de 5 % des 450 000 t de légumes vendus par an, et s’est déployée notamment avec de nouveaux producteurs, dans le Nord et les Landes. 70 % des volumes partent en GMS, le reste en industrie. La gamme bio comprend une dizaine de produits, dont la carotte en majorité, représentant 10 % des volumes globaux de ce légume. « On a dû stopper certaines cultures bio – courge, pommes de terre, potimarron – par manque de rentabilité ou de rotations dans les magasins », regrette la responsable. « Notre devise reste vendre pour produire. » Priméale espère aussi pouvoir réduire les coûts de production, donc les prix en investissant dans des outils de désherbage automatisés performants.
Contrats en GMS
La question du prix reste récurrente. « Le consommateur est contraint par un budget, mais il peut faire des choix, rappelle Nicolas Oran. Plus on privilégie un circuit court, et un produit brut, plus le prix sera intéressant. » Jeff Mahintac, directeur fruits, légumes, fleurs et plantes de Coopérative U, avec 1 700 points de vente d’indépendants, admet avoir réduit les commandes face aux baisses de la consommation. « Les fruits se portent bien mais les légumes souffrent plus » , précise-t-il. En 2024, les ventes sont au niveau de 2020. « On fait ce qu’on peut pour continuer à investir sur le bio, d’autant plus que les jeunes de la génération Z y sont plus sensibles, et ce sont les consommateurs de demain. » La marque distributeur U Bio est renforcée, en développant en priorité ceux origine France. Les produits phare sont la pomme et la pomme de terre, mais la gamme est large, allant jusqu’à la clémentine corse. Celle-ci bénéficie par exemple d’un contrat filière est un engagement sur cinq ans, basée sur la transparence sur les variations des coûts de production. Des contrats MMD sont également proposés.
Marges et coûts
La question de la marge reste sensible. « Les marges en taux sur les produits bio sont inférieures à celles en taux des conventionnels… mais en valeur, elles sont supérieures car le produit bio est payé plus cher à la base », explique Jeff Mahintac. Mais difficile de réduire les marges , « car j’ai 4 % de casse sur un produit conventionnel, et 12 % sur les produits bio ». L’emballage pose aussi question, mais pour Coopérative U, ce n’est pas un frein pour les produits bio.
Côté restauration collective, Sophie Sauvourel, directrice générale Papillotte et Compagnie, fournit 14 000 repas par jour sur les 21 communes d’Angers Loire Métropole, passant de 11 % en 2016 à 40 %, visant 50 % de produits bio en 2030, trajectoire tracée par les élus. « L’objectif est de garder des tarifs de repas accessibles à tous », affirme Sophie Sauvourel. Pour maîtriser et absorber le surcoût, la structure a repris ses achats en gestion directe, et aussi en s’engageant dans la réduction du gaspillage alimentaire, qui a chuté de 56 % en cinq ans.
Préparer le futur
Et l’avenir de la bio ? Les objectifs Egalim de 20 % de bio sont-ils réalisables ? Idem pour l’Ambition française chiffrée de 21 % de bio pour 2030, (d’ailleurs remise en cause par les sénateurs début février), est-ce plausible ? Les intervenants sont unanimes. « Cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais c’est une trajectoire à suivre. Mais il faut du bio local » , assure Sophie Sauvourel. Pour Nicolas Oran, « Il est nécessaire d’accompagner les producteurs, privilégier les petites-moyennes structures agricoles, sécuriser les projets, stimuler la consommation en circuits courts, créer du lien, promouvoir les outils de transformation en collectif… ». Conserver localement la valeur ajoutée est une priorité. « Les projets doivent être mutualisés, pour co-construire ensemble les projets bio », insiste Marie Jo Hamard, présidente de la commission transition écologique du Maine-et-Loire. Et faire cohabiter les différents modèles, circuits courts, longs, coopératifs, etc. « Il n’y a pas de plafond de verre, les générations futures sont davantage portées sur des produits sains et bio, car plus sensibles à l’environnement », estime Jeff Mahintac. « La santé environnementale est essentielle pour la santé humaine, confirme Fanny Lemaire, président d’Interbio Pays de la Loire. Il nous faut tous être colibris pour promouvoir la bio. »
Christine Rivry