« Restauration collective : face à l’inflation, les filières bio locales sont une solution »

Le 17/11/2023 à 12:55 par La rédaction


Vincent Rozé, agriculteur et président de Mangez Bio Isère. (©CRF)

Co-fondateur en 2000 de la ferme collective de Sainte-Luce en Isère, l’agriculteur Vincent Rozé s’est vite investi dans la restauration collective. Créée en 2005, Mangez Bio Isère s’est peu à peu structurée pour répondre à une demande croissante, devenant une Scic – Société coopérative d’intérêt collectif – en 2015, forte d’une vingtaine de salariés aujourd’hui. « Et la marge de progression est très forte, pour répondre aux objectifs d’Egalim, au moins 20 % de bio, alors qu’on est en moyenne nationale à 7 % » , rappelle Vincent Rozé, président de Manger Bio Isère lors du salon Tech&Bio, le 21 septembre à Bourg-Lès-Valence dans la Drôme. 100 producteurs et transformateurs isérois ont ainsi livré, en 2022, 1 400 tonnes de produits bio et locaux.

Dans un communiqué diffusé début octobre et signé par de nombreux acteurs du département, Mangez Bio Isère alerte cependant sur le risque de voir la commande publique se réduire, en raison de l’inflation. « Pourtant les filières bio et locales résistent bien et pour de bonnes raisons, moins de transport pour les circuits courts, moins d’emballage et moins d’intrants soumis à une très forte inflation, rappelle le président. Ainsi les producteurs locaux de la Mangez Bio Isère ont pu maîtriser l’évolution tarifaire à 5 % en moyenne, alors que l’inflation en 2022 était de 12 %. »

 

Maîtriser tous les coûts avant tout

Bonne nouvelle, certaines collectivités ont pris de l’avance sur Egalim. C’est le cas de l’Isère où les achats du Conseil départemental atteignent 43 % de produits locaux et 38 % de bio, dont 70 % sont issus de producteurs et transformateurs locaux, et visent un total de 100 %. « Notre force est de faire partie aussi d’un réseau national, avec 21 plateformes bio locales territorialisées, 80 % de l’offre issues de ferme, soit 1 200 producteurs et transformateurs, mais on achète aussi à des grossistes pour proposer une gamme complète », explique Vincent Rozé.

Au total, plus de 3 000 sites de restauration collective français sont servis par le réseau Manger Bio : « Nous sommes très impliqués en cantines scolaires, petite enfance, mais le secteur du médico-social s’ouvre, ainsi que la restauration d’entreprise, tout comme les armées qui lancent cette année des appels d’offres pour appliquer la loi Egalim ». En 2022, le chiffre d’affaires est de 41,7 millions d’euros, en hausse de 20,3 % vs 2021. La restauration commerciale reste plus timide. « Nous sommes performants, réactifs, on maîtrise des coûts, surtout ceux liés à la logistique, de tous les kilomètres, de la sortie de ferme jusqu’à la livraison. La gestion des appels d’offres est mutualisée au sein des plateformes. »

 

Une opportunité pour les territoires

Dans un secteur très diversifié avec de multiples acteurs, entre restauration autogérée ou concédée, liaison froide, ou chaude, petits collèges ou autres structures, à chaque fois, l’approche est spécifique. « Malgré les budgets serrés, on arrive toujours à positionner un produit, en misant sur l’intérêt du cuisinier, et aussi du décideur, qui a une forte influence sur le choix, détaille Vincent Rozé. Il y a très rarement des retours en arrière, quand un établissement commence à cuisiner en bio. Nous faisons entre 15 et 25 % de croissance chaque année. » Mangez Bio Isère est persuadée que la crise actuelle peut se révéler une opportunité pour aller plus loin et plus vite dans la transition alimentaire. « Il faut intensifier la collaboration entre acteurs d’un même territoire et développer la solidarité à l’échelle locale », affirme le président de la Scic. L’Observatoire de la Restauration Durable le montre : les établissements intégrant 20 % de produits bio locaux ont un coût matières premières équivalent à ceux dont ce pourcentage est infime. Les clés sont connues et efficaces : moins de gaspillage alimentaire, plus de protéines végétales, meilleure gestion des budgets, accompagnement d’acteurs spécialisés dans la transition alimentaire pour le changement des pratiques en cuisine… Et les atouts pour le territoire sont nombreux : « Cela renforce son attractivité, crée de l’emploi durable, apporte des bénéfices environnementaux induits par l’agriculture bio, notamment au niveau de la qualité de l’eau et des sols, et tisse des liens sociaux entre les urbains et les agriculteurs ».

 

C. R.-F.