[Édito du Biofil 158 - mars-avril 2025]
Alerte aux risques de printemps silencieux ! Déjà plus de 60 ans que les dangers d’effondrement de la biodiversité et de pollution des eaux, de l’air et des sols, mettant en péril l’environnement, et donc l’humanité, sont pointés, dénoncés, documentés. Une bombe à retardement. Mais le début 2025 confronté à d’autres préoccupations, certes non des moindres, souffle sur les efforts réalisés ces dernières années. La bio aussi est visée, plus que jamais.
Grâce à une mobilisation générale spontanée, l’agriculture bio a pu sauver son Agence et ses objectifs… mais doit rester en forte vigilance. La loi d’orientation agricole (LOA), votée le 19 février, rétropédale, entraînant des régressions environnementales, et clivant encore davantage l’économie et l’écologie. Sur les salons de l’hiver, dont le Sival – Salon des cultures spécialisées – et le Sia – Salon international de l’agriculture –, les opérateurs de la bio, de l’amont à l’aval, en passant par la recherche et l’expérimentation, affichent leur détermination, malgré les difficultés.
Si cette nouvelle LOA relève l’agriculture au rang d’« intérêt majeur » relayant au second plan la préservation de la nature, le mode de production bio n’a pas dit son dernier mot : il possède un atout maître sur le plan de la souveraineté alimentaire notamment. Plus autonome, il n’utilise pas ces engrais de synthèse importés rendant la France dépendante et gros émetteur de gaz à effets de serre, ni de chauffage dans les serres – donc d’achat de gaz – pour les productions de légumes. D’où l’urgence en outre de mesurer précisément les vrais coûts cachés de l’agriculture, et de les faire savoir, tâche à laquelle s’attèle l’Itab.
Selon les chiffres de l’Agence Bio, bonne nouvelle, les déconversions restent très modérées : 4 337 nouveaux producteurs bio sont recensés fin 2024, contre 3 054 arrêts. Dans l’attente de données plus précises en juin prochain, le solde reste positif avec 712 producteurs en plus, signe du maintien de l’attractivité de la bio. L’enquête de l’Inrae et de ses partenaires, dans le cadre du projet Dis- Bio dans le Sud-Est, le confirme : restituée fin 2024, elle traduit cet attachement des agriculteurs à leur mode de production. Leurs motivations sont d’abord environnementales et éthiques, suivies de la santé. L’aspect économique est moins influent…
C’est sans doute la force des agriculteurs et agricultrices bio, capables de faire le dos rond en ces temps perturbés. Mais la résilience a ses limites. Si des signes de reprise de la consommation sont encourageants, si la campagne de communication Allez la France, lancée par l’Agence Bio et tous les membres de l’équipe de France du bio est très attendue, le soutien public direct aux producteurs bio reste indispensable : rémunérer les services environnementaux et sociaux rendus par la bio devient une urgence. Cela passe, entre autres, par une hausse du crédit d’impôt, de l’écorégime et la redistribution des reliquats de l’aide à la conversion non consommée, demandes de la profession. Ce nouveau Biofil en témoigne : innovante, la bio reste la locomotive, via sa filière semences aussi, pour faire germer et pousser un avenir moins pollué et plus équitable.
Christine Rivry