[Édito du Biofil n°149 – septembre-octobre 2023].
L'été touche déjà à sa fin, et côté récoltes bio, le millésime 2023 offre de belles surprises, avec forcément son lot de déceptions aussi. À travers la compagne, hormis dans des secteurs localisés aux prises à des aléas climatiques destructeurs, le bilan s'avère, globalement, plutôt satisfaisant. Les prairies sont foisonnantes, et les stocks herbagers rassurent les éleveurs. Les silos débordent de grains bio, en moyenne de qualité correcte, et si certaines espèces sont moins bien loties, rien n'est vraiment catastrophique. Les vergers regorgent de fruits, les champs de légumes. En revanche, les vignes, dans l'Ouest et le Sud-Ouest notamment, ont souffert de fortes attaques de mildiou, botrytis, etc., impactant les bio comme les conventionnels.
Au fil des saisons et des rotations, une certitude : l'agriculture bio certifiée réaffirme sa capacité à produire. Exigeant, ce mode de production teste et développe des stratégies performantes et innovantes - itinéraires techniques, semences adaptées, matériels spécifiques - qui font leur preuve. Et ça, on en cesse de le rappeler : notre magazine Biofil en témoigne depuis plus de vingt ans, le dossier Luzerne de ce numéro, le confirme encore. En production, transformation, distribution, d'importants investissements humains et matériels ont été réalisés pour structurer les filières. En lait de vache et produits laitiers par exemple, les volumes et la qualité sont là, répondant aux attentes environnementales et sociétales des citoyens. En blé, en pommes, courgettes, tomates, en ppam, viande, œufs, etc., idem...
Or les consommateurs désertent, s'éparpillent, regardent ailleurs... Don't look up ! Le courant ne passe plus. Si la filière bio compte aussi sur la résilience pour surmonter cette crise, ce n'est pas tenable très longtemps, surtout pour les opérateurs les plus récents. Côté GMS, malgré les discours, on observe des marges très - trop - abusives, misant sur des clients convaincus et captifs, et des références en peau de chagrin. Alors, n'est-ce pas l'opportunité, pour les magasins spécialisés historiques, qui maillent tout le territoire, de reprendre la main et de retrouver leur rôle de leader dans le développement de la bio ? Ce, à condition d'être le plus attractif possible, d'apporter des réponses pertinentes aux questionnements actuels des citoyens, en travaillant en partenariat avec les filières locales et les producteurs.
C'est la rentrée, et les campagnes de communication sont très attendues. Chacun doit s'y mettre. En direction du grand public, Bioréflexe, portée via l'Agence Bio, va continuer à se déployer, mais hélas, doit massifier son impact pour faire mouche. Même relayée par certaines régions, elle peut paraître trop timide. L'autre cible stratégique reste la restauration hors domicile et la commande publique, afin d'atteindre l'objectif de 20 % de bio en moyenne. Un levier essentiel et salvateur. Financée par l'Union européenne et à destination des prescripteurs, la campagne « Prenez en main la bio », va monter en puissance sur les salons de l'automne. D'un budget de 700 000 euros par an sur trois ans, réparti entre le Cniel et Interfel, pour les produits laitiers et les fruits et légumes, elle doit mettre les bouchées double. Il y a urgence.
Christine Rivry-Fournier