La sobriété, moteur d’innovations

Le 27/09/2022 à 9:38 par La rédaction


[Édito du Biofil 143 - sept-oct 2022]

 

L’été très chaud, avec une sécheresse record , en France et en Europe, renvoie à tous en pleine face les conséquences concrètes et inquiétantes du dérèglement climatique. Mais la rentrée va-t-elle être une douche froide ? Jamais un scénario aussi complexe n’a été envisagé par les nombreux experts de tous bords : crises sanitaire, climatique, géopolitique, énergétique, alimentaire, économique simultanées, imbriquées et interdépendantes. Un casse-tête.

Chacun accuse l’autre de la responsabilité d’en être arrivé là ! Pierre Rabhi, tout comme Jean-Marie Pelt doivent se retourner dans leur tombe ! La sobriété prônée par l’Ardéchois pionnier de l’agriculture bio et souvent moquée – reconnaissons-le –, devient l’hymne de la rentrée. « Rien n’arrête une idée dont le temps est venu » , aurait dit Victor Hugo. Le défi est que cette sobriété soit heureuse. Cela ne s’improvise pas. Modestement, certains visionnaires ont su anticiper.

Pendant des années, la filière bio a tiré les sonnettes d’alarme sur l’urgence climatique et les pollutions agricoles. Ce, en se faisant traiter de niche à bobos. Interdisant les engrais et les pesticides de synthèse, issus d’énergies fossiles, générateurs, par leur fabrication, d’émissions de gaz à effet de serre réchauffant la planète, et de dégradations de la qualité de l’air, du sol, de l’eau, et de la biodiversité, la bio a depuis longtemps posé les bases de la souveraineté alimentaire et du respect de l’environnement.

Socle de son cahier des charges , ce refus des pesticides et fertilisants destructeurs aussi à terme de la fertilité des sols a généré une autre logique agricole, plus sobre. L’agronomie a repris ses lettres de noblesse. Peu à peu, en une trentaine d’années de développement de la bio, de nombreuses innovations ont vu le jour. Une révolution silencieuse, peu spectaculaire mais efficace que Biofil relate au fil de ses numéros : itinéraires techniques avec rotations et associations d’espèces, couverts végétaux, engrais verts, usages de composts et fertilisations organiques, agroforesterie, agropastoralisme, et aussi matériels de travail du sol et de gestion de l’herbe adaptés, etc. Avec un usage optimisé visant à réduire les coûts et les émissions de gaz à effet de serre.

Autant de recherches et d’expérimentations de terrain , soutenues pendant des années, non sans difficultés, par quelques chercheurs motivés de l’Inrae et les instituts techniques, et portées à bout de bras par l’Itab. Aujourd’hui, tous ces leviers sont repris plus ou moins par le monde agricole – contraint et forcé par la hausse des coûts des intrants, et la nécessité écologique, mais sans la cohérence globale que nécessite la démarche bio contrôlée et certifiée. Or seules les contraintes d’un cahier des charges bio strict stimulent des innovations efficaces.

Le message bio s’est brouillé, alors qu’il faut soutenir ce mode de production plus que jamais. D’accord pour la sobriété, en consommant par exemple moins de viande, certes, mais de la bio, qui favorise le stockage de carbone grâce à ses prairies multi-espèces et ses parcours. Achetons plus local, oui, mais bio, aussi pour consolider le tissu agricole des territoires. La sobriété peut booster la créativité et la résilience. Rendez-vous sur tous les salons professionnels de la rentrée pour échanger et promouvoir la bio, partout en France !

 

Christine Rivry-Fournier