[Édito du Biofil n°146 – mars-avril].
À force d’entendre parler de défiance , de déconversions, d’inflation, l’agriculture et l’alimentation bio se sentent vaciller. Pourtant, ce mode de production vertueux et innovant en a vu d’autres. Mais pas facile de s’imposer dans un système agricole intensif, basé sur la pétrochimie, très aidé financièrement, où les lobbies sont puissants. Et les cerveaux peu enclins à remettre en cause le modèle dominant… malgré la dégradation de l’environnement et l’urgence climatique qui s’accentue encore selon le dernier rapport du Giec.
Sauve qui peut la bio ! Au Salon de l’agriculture, on n’a jamais autant évoqué la nécessité d’un secteur agri-agroalimentaire soucieux de protéger les sols, l’eau, la biodiversité, la santé, le bien-être animal et de prôner des engagements sociétaux et une décarbonation indispensable à l’avenir de la planète. Ce que défend la bio dans son cahier des charges avant-gardiste. Et surtout, qu’elle applique, expérimente, améliore, dans une démarche de progrès perpétuel. Biofil en témoigne, au fil de ses numéros.
La bio semble mise hors-jeu ? Trop exigeante ? En tout cas, ses détracteurs se déchaînent. Les plus de 80 000 opérateurs engagés dans les filières bio se seraient-ils trompés en prouvant qu’une agriculture et une alimentation respectueuses de la planète et des humains étaient possibles ? Ils se sentent désavoués, abandonnés, voire méprisés par l’État, le ministère de l’Agriculture, et celui de la Transition écologique, ainsi que par des consommateurs versatiles et à la mémoire courte…
Partout, les filières bio se mobilisent pour défendre leur avenir, leurs fermes, leurs entreprises, leurs circuits de distribution. Au salon de l’Agriculture, elles sont montées sur tous les fronts pour essayer de faire comprendre l’urgence de reconnaître leur rôle majeur et moteur dans la transition écologique et la souveraineté alimentaire. Un soutien assumé à la bio est nécessaire, pour tirer vers l’avant toute l’agriculture et donner envie aux jeunes de prendre le relais.
Est-ce suffisant ? Les crises énergétiques, économiques et sociales semblent étouffer ces voix. Le 20 e baromètre de l’Agence Bio révèle une hausse inédite de la défiance des Français envers les labels ou démarches de qualité et de respect de l'environnement, dont l’Eurofeuille et AB. Si le doute s’est installé, n’est-ce pas aussi en raison d’une communication insuffisante, trop floue, pas assez ciblée ? Ses moyens sont trop faibles pour déjouer les idées reçues, les informations erronées, voire fantaisistes qui se déchaînent sur les réseaux sociaux ! Même le nouveau label bas-carbone ne lui est pas favorable, car il encourage l’intensification des pratiques, obligeant à partir de bas !
Il est urgent de réagir. L’aide de 10 millions d’euros aux filières bio en difficultés – surtout celles de l’élevage notamment de porcs – annoncée lors du Salon est estimée beaucoup trop faible. « Les réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux » , dénoncent les organisations bio, unanimes. La filière attend de vrais signaux de soutien, surtout pour déployer 20 % de bio en restauration collective et la booster en restauration commerciale. Ce désamour n’est pas une fatalité. Encore une fois, Biofil témoigne de la capacité d’innovation et de résilience d’un mode de production qui n’a pas dit son dernier mot.
Christine Rivry-Fournier