Face aux tensions sur l’approvisionnement en matières fertilisantes utilisables en bio, les filières réfléchissent aux autres sources disponibles et à leur compatibilité avec les règles bio. C’est pourquoi, depuis 2022, la Fnab porte le projet Mona – Matière organique non agricole. Son objectif est de travailler sur le recyclage des biodéchets et les excrétats humains dans le but de les utiliser comme engrais et amendements sur les sols bio. « Même si la base de la fertilisation reste les rotations avec des légumineuses et les engrais verts, la bio s’inquiète de la disponibilité des ressources issues de l’élevage, sachant que celui-ci se réduit sur les territoires » , explique Félix Lepers, chargé du projet Mona pour la Fnab. Ce, d’autant plus que certains engrais autorisés peuvent susciter des doutes. Lors d’un webinaire organisé le 7 novembre sur le sujet, et suivi par une centaine de participants, le point a été fait sur les perspectives en bio de l’urine traitée et des toilettes sèches.
Évaluer l’intérêt et les freins
« En construisant ces nouvelles filières, la Fnab et son réseau favorisent l’accès à des fertilisants locaux et de qualité pour les producteurs bio », soutient Félix Lepers. Financé par l’agence de l’eau Rhin-Meuse et l’Ademe, le projet Mona vise à évaluer l’intérêt et les freins de ces substances, leur compatibilité avec la bio, et aussi leur acceptabilité sociétale – de la part des producteurs et des consommateurs. « On soutient ce type de projet de collecte des excrétats humains à la source avec une valorisation agronomique pour plusieurs raisons, résume Isabelle Deportes de l’Ademe. Cette ressource apporte une circularité des molécules d’azote, de phosphore, voire de potasse, contenues dans notre alimentation. Elle se substitue aux autres engrais, avec une consommation énergétique et des émissions de CO2 moindres, améliore l’autonomie des agriculteurs, avec des approches territoriales et locales. »
Quelles attentes des producteurs ?
Du côté du réseau Fnab, une enquête a été menée auprès des producteurs, dont 139 répondants, surtout en maraîchage, suivis des grandes cultures. Les engrais utilisés par les participants sont en majorité des effluents d’élevage – fumier, lisier, fiente, etc. –, puis des composts de déchets verts, un peu de sous-produits animaux – farine de sang, de plume – et des amendements de fond. 70 % des répondants ont déjà entendu parler des effluents humains, et 40 % en emploient dans leur jardin. 52 % souhaiteraient en utiliser sur leurs terres. « C’est un signe d’intérêt à prendre en compte, analyse Félix Lepers. Les autres points positifs mis en avant sont leur disponibilité sur le territoire, leur traçabilité, et leur cercle vertueux. » Mais les inquiétudes s’expriment sur les risques de contaminants, et l’image. « Les répondants demandent une clarification réglementaire et des garanties sanitaires et environnementales. »
Les traitements contre les indésirables
Selon l’enquête de la Fnab, la forme préférée d’usage serait le compost – par habitude de ce type de produits facile d’utilisation – et les engrais solides déshydratés – besoin de fertilisants efficaces. La question du prix est aussi mise en avant. Le webinaire aborde les aspects indésirables – pathogènes, médicaments, hormones… – des excrétats humains et les moyens connus de s'en débarrasser. « Il faut approfondir les connaissances, sur l’impact notamment des hormones, explique Marine Legrand, du programme Ocapi à l’école nationale des Ponts et chaussées. Leur devenir dans les sols aussi doit être étudié. » Après traitements, à base de fermentation ou de charbons actifs, « la diversité de molécules diminue, ainsi que leur concentration, surtout avec le charbon actif, le plus efficace contre les micro-polluants », précise la chercheuse. Côté réglementation, pour lever le flou, la Fnab va demander au Cnab de l’Inao de mettre le sujet à l’ordre du jour. Le but est de faire accepter cette nouvelle ressource dans l’annexe II de la réglementation bio européenne.
La rédaction
Pour visionner le webinaire sur le projet Mona :