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Affichant une part de marché provocante de plus de 10 % en bio, la banane est le fruit le plus consommé après la pomme. Arborant le label Équitable pour une grande partie de ses volumes (55 % selon le rapport 2017 Ifoam Fibl), ce produit phare de la bio est emblématique. Et ce, à plusieurs titres... Cultivé sur 63 000 hectares dans le monde, son succès va crescendo. Leaders, la République Dominicaine, l’Équateur et le Pérou l’exportent, tout en s’attachant à consolider des filières solidaires avec les petits producteurs. Et s’il est vrai que la banane bio ne concentre encore que 0,6 % des surfaces consacrées à ce fruit, elle provoque un engouement croissant… et visiblement très dérangeant.
Au salon de l’Agriculture, la banane antillaise conventionnelle – très subventionnée – est en effet sortie de ses gonds. Elle s’est affichée comme étant “Mieux que la bio d’importation” sur le stand de l’UGPban, la puissante union des groupements de producteurs de bananes. Larvée, l’attaque devient frontale. La réaction de la filière bio est immédiate. Saisie aussitôt par le Synabio (syndicat des transformateurs et distributeurs), le juge des référés du tribunal de Grande instance de Paris condamne l’UGPban à cesser sa campagne de communication sur le champ. La tension est palpable, preuve que le changement d’échelle de la bio suscite la nervosité des filières conventionnelles.
Dénonçant une “concurrence déloyale”, l’UGPban, soutenue par le FNSEA et Coop de France, attaque le système d’équivalence des importations bio. Un faux prétexte rétorque la filière bio pointant les freins, mis depuis des années en Martinique et en Guadeloupe, à l’essor de la bio. Le monopole de la banane n’a jamais encouragé ce mode de production. Loin s’en faut. Et comme les consommateurs plébiscitent la bio…, il contre-attaque, valorisant les efforts réalisés en conventionnel pour limiter les doses de produits chimiques.
En réclamant la conformité des systèmes d’importation bio, il abonde dans le sens de la démarche de progrès sous-tendant la révision de la réglementation européenne bio, donc demandée par les bio eux-mêmes. Mais pourquoi jeter autant de discrédits sur tous les efforts pratiqués par les filières bio depuis plusieurs décennies afin d’améliorer l’environnement et la santé de chacun ? Le système d’équivalence s’adapte aux conditions locales, avec des règles de bases très strictes et contrôlées une fois l’an. La conformité, obtenue à l’unanimité dans la révision de la réglementation, sécurisera encore la démarche. Il faudra certainement s’ajuster, car certains produits phytosanitaires indispensables pour l’instant à la banane bio n’ont pas encore de feu vert dans l’Union européenne et en France. En cause, le coût des homologations et du peu de moyens des opérateurs pour financer des dossiers.
Mais il est mensonger, comme le fait l’UGPban, de dénoncer des pratiques non bio. Car ce sont surtout les distorsions de concurrence sur les coûts de main-d’œuvre les plus pénalisantes. Or si les prix sont équitables, les citoyens-consommateurs accepteraient évidemment de privilégier les bananes bio des Antilles. À condition qu’elles puissent pousser et mûrir dans les meilleures conditions possibles… Et pour ce faire, favoriser la recherche, l’expérimentation, la formation et le conseil dans ces îles pleines de promesses. Et ce, pour garder la banane bio...
Christine Rivry-Fournier