Diversifier, le mantra de la bio

Le 10/08/2023 à 7:26 par La rédaction


[Édito du Biofil n°148 – juillet-aout 2023].

Diversifier doit être le mot-clé de l’agriculture et de l’alimentation. C’est la base de la bio, qui le décline dans tous les sens. Biofil, uni exceptionnellement dans ce numéro d’été à Vitisbio, son double dédié à la viticulture, le démontre à travers ses pages (lire page 61) : au champ, dans le choix des espèces, des variétés, des associations, des couverts, des itinéraires techniques, de la mixité végétal-animal, des choix de transformation et de commercialisation, d’organisations, etc., et dans l’assiette aussi, la diversification devient un mantra.

« Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » : ce vieil adage, bien rabâché, n’a rien perdu de sa pertinence. Au contraire, c’est la voie d’avenir. Pendant ces dernières décennies, la monoculture et l’élevage intensifs, hyperspécialisés, l’ont pourtant pointé avec dédain, mis au rebus, sous prétexte de performance, de rentabilité, voire de souveraineté alimentaire. On en mesure aujourd’hui les dégâts. Sur tous les plans : environnementaux, à cause du nécessaire recours aux engrais et pesticides de synthèse, aux antibiotiques, économiques, sociaux, aux dommages sur la santé humaine…

Combien d’argent public sert à dépolluer l’eau, à nettoyer les algues vertes, à financer encore et encore des arrachages de vignes plantées à perte de vue, voire de vergers, à soutenir les exploitations laitières ou porcines en difficulté en raison de surproduction, à financer le stockage de viande, et même des destructions ? L’hyperspécialisation à outrance a segmenté les cerveaux, la recherche, l’expérimentation, les territoires, les pays... Le soja OGM brésilien et argentin détruit le poumon de la planète, pour nourrir nos enfants de nuggets !

Depuis plus d’une trentaine d’années, l’agriculture bio propose une autre vision, une approche basée sur la diversification, propice à favoriser la diversité, la complémentarité, les interactions positives. Parmi le peu d’études réalisées sur ces sujets, celle de l’Inrae parue fin 2022 montre les avantages de la diversification végétale en termes de lutte contre les bioagresseurs, et même sur le plan du rendement. Co-auteur d’un travail sur ce sujet, en 2013 déjà, le chercheur de l’Inrae Jean-Marc Meynard, très sensibilisé aux effets positifs de l’agriculture bio, y revient dans l’interview qu’il a accordée à Biofil (lire p. 25).

Diversification doit aussi rimer avec de saison. Une condition sine qua non. Un impératif, pour une bio cohérente, que la campagne Bioréflexe de l’Agence Bio doit soutenir. Les consommateurs le comprennent, il suffit de leur expliquer, de les éduquer, de les faire évoluer, car l’avenir de la vie sur la planète est en jeu. Mais l’agriculture intensive et ultraspécialisée, attirée par le marché bio, ne l’entend pas de cette oreille. Quatre ans après avoir interdit toute vente, avant le 1er mai, de légumes d’été bio produits sous serres chauffées en hiver, le Cnab vient d’entériner la décision du Conseil d’État, d’annuler cette disposition (lire p. 20). Décidément, rien n’est jamais acquis.

Christine Rivry-Fournier

 

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