Accueil du secteur amont dans la gouvernance de l’association, travail autour du commerce équitable nord/nord, focus sur des filières équitables de la parcelle au magasin… Échos de l’assemblée générale de Bio Partenaire, tenue le 19 juin 2014 à Bordeaux.
Environ 60 acteurs de la bio étaient réunis pour l’assemblée générale de l’association Bio Partenaire, qui regroupe cette année 27 filières, dont 13 Bio Equitable à travers le monde, et 14 Bio Solidaire, en France. Au menu des nouveautés discutées, l’accueil au sein de la gouvernance de l’association des coopératives et groupements de producteurs impliqués dans la filière. “Nous avons la volonté d’intégrer le secteur amont, et c’est vraiment nouveau pour nous, explique Pierre Gaubert, coordinateur. Pour le moment, les coopératives nous voient à travers nos membres, fabricants et transformateurs bio. Or nous voulons qu’elles participent complètement à nos instances, qu’elles puissent nous faire part directement de leurs préoccupations et pas seulement par l’intermédiaire d’entreprises qui commercialisent leurs produits.” Le référentiel Échanges Solidaires Responsables (ESR) pourrait ainsi être amené à évoluer (lire aussi Biofil n° 89, p. 26). Et le comité technique qui gérait le label avant le transfert de la garantie ESR à Ecocert pourrait être ré-activé, “dans le but qu’il devienne une chambre de décision et de retour terrains, avec sans doute des commissions spécifiques, comme par exemple pour les PPAM.”
Sur la quinzaine de coopératives, Sica ou groupements de producteurs concernés par les 14 filières Bio Solidaire en France, 6 étaient présentes à l’assemblée générale et ont montré un intérêt pour cette démarche. “Ce qu’elles recherchent, elles, relate Pierre Gaubert, c’est de pouvoir communiquer sur Bio Solidaire en interne, d’axer leur travail sur la Responsabilité sociale des entreprises (RSE), ou bien encore, dans la relation commerciale, de faire de Bio Partenaire un lieu de rencontres avec des acheteurs potentiels.”
À l’échelle européenne
Ce 19 juin, Steffen Reese, directeur manager de Naturland, label allemand, a présenté la garantie Naturland Fair. “Naturland est né à l’initiative de groupements de producteurs, poursuit le coordinateur de Bio Partenaire, et c’est intéressant pour nous de voir comment ils fonctionnent, avec quelle gouvernance, quelle animation…” Par ailleurs, le label concerne à lui seul aussi bien le commerce équitable nord/sud que nord/nord, avec par exemple un produit phare qui est une tablette de chocolat incluant du cacao équitable et du lait bio allemand. “De notre côté, reconnaît Pierre Gaubert, nous avons du mal à sortir du clivage nord/sud, alors qu’il est intéressant d’appliquer aux deux démarches exactement les mêmes valeurs. Ainsi, nous échangeons beaucoup sur leur travail pour que la bio intègre ces questions de solidarité et d’équitabilité.” L’idée est aussi de travailler à l’échelle européenne, avec pourquoi pas dans l’avenir des interactions en terme de garantie, des équivalences sur les référentiels.
Une charte “Commerce équitable local”
Le commerce équitable nord/nord est justement dans l’air du temps : la signature, le 27 juin dernier, de la charte nationale du “commerce équitable local” le prouve. Celle-ci est à l’initiative de la Plate-forme du commerce équitable (PFCE) dont Bio Partenaire est membre, du réseau d’Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale (Inpact National), en partenariat avec la Fnab. Une charte qui a entrepris d’adapter les outils du commerce équitable nord/sud, dont l’objectif premier est de renforcer les agricultures familiales de ces pays, aux échanges nord/nord. Quatorze principes fondamentaux ont ainsi émergé pour construire des relations commerciales équitables, là aussi au service d’une agriculture paysanne et agro-écologique – c’est le terme qui a été retenu. La certification agriculture biologique n’est pas exigée, pour ne pas écarter des producteurs qui auraient choisi une bio non certifiée par exemple. Prix transparent et rémunérateur, partenariat commercial à long terme, relation non exclusive qui préserve l’autonomie des producteurs, projets de développement partagés, etc., en font partie. “Le but, assure Pierre Gaubert, c’est de bien poser ensemble ce qu’est pour nous le commerce équitable local. De manière, aussi, à se protéger du fair washing.”
Myriam Goulette
Les filières Bio Partenaire en chiffres
- 27 filières Bio Partenaire
En France :
- 14 filières Bio Solidaire (PPAM, légumes plein champs, blé, petit épeautre, soja, seigle, vin…)
- 300 producteurs cueilleurs engagés
- 17 PME + 16 structures de l’amont (Coop/Sica/Organisation de producteurs)
- 11 marques visibles en magasins bio et assimilés (vente en ligne, parapharmacie)
- 200 produits labellisés disponibles en magasins bio : alimentaires majoritairement puis soins et phytothérapie (vin, pain, galette de riz, lait de soja, tisanes, salades wok, ratatouille, eaux florales).
Zoom sur la filière cacao en Équateur
Lors de l’assemblée générale, des interventions ont permis de cerner la filière cacao équitable équatorienne, avec Rosa Perez, responsable qualité de la fondation Kaoka, et Victor Leon, gérant de Cecao. Pour eux, l’enjeu du cacao en Équateur se situe au niveau des variétés. La filière équitable, qui regroupe sept coopératives dans le pays, veut promouvoir les variétés dites “nationales”. Or, les préserver et les faire adopter par les producteurs représentent un gros challenge, face à la variété de cacao hybride “CCN”, beaucoup plus productive mais aussi beaucoup plus gourmande en eau et moins qualitative.
Parmi la cinquantaine de variétés nationales existantes, trois ont été retenues, notamment pour leur arôme, mais aussi pour leur rusticité. Les intervenants ont expliqué comment développer ces variétés, dans ses aspects techniques et notamment le développement de plants sélectionnés vendus à prix coûtant aux agriculteurs. Si la filière équitable Kaoka est à terme plus rémunératrice, un travail de sensibilisation et d’information est nécessaire, pour en expliquer les enjeux, par exemple la préservation des sols. Enfin, les variétés nationales préférant l’ombre, elles permettent sur une même parcelle la culture de plantes alimentaires, comme le bananier ou le manguier.