Apaisement autour du rapport controversé de l’Inra
Le 1er anniversaire de l’accord cadre signé entre l’Inra et l’Itab a été l’occasion d’une mise au point non prévue initialement au programme. Fixée de longue date, cette rencontre “recherche-partenaire” s’est déroulée au Salon de l’agriculture, le 26 février sur le stand de l’Inra, en présence d’une cinquante de personnes (la petite salle était comble), chercheurs et professionnels de la bio.
François Houllier, président-directeur-général de l’Inra, est intervenu, dès l’ouverture des travaux, sous le signe de l’apaisement et de l’ouverture, en accord avec le président de l’Itab, Thierry Mercier. “Oui il y a controverse, mais le débat n’est pas un signe de mauvaise santé, au contraire, explique François Houllier. Cela fait partie de la vie de la communauté scientifique que de débattre, c’est naturel car nous traitons aussi d’enjeux sociétaux, pas seulement de mécanismes biologiques…”.
Les propositions de François Houllier, PDG de l’Inra
Éludant la possibilité de retirer le rapport comme réclamé par les 130 chercheurs signataires de la lettre (dont plus d’un tiers est issu de l’Inra), François Houllier propose de le compléter ou/et de l’amender. Deux rencontres vont être organisées rapidement pour travailler sur ces options : l’une, le 20 mars, avec la communauté scientifique – notamment les chercheurs signataires – “pour débattre de l’étude de nature scientifique, sur les arguments des uns et des autres”, souligne le PDG de l’Inra ; elle sera suivie d’une deuxième réunion en avril, avec les organismes bio. Celle-ci traitera de la question initiale posée – “dont je comprends qu’elle fasse débat, car ne prenant en compte qu’une facette de l’agriculture bio”, note François Houllier –, des interrogations, des recommandations, des pistes proposées par l’étude. L’idée est d’en discuter avec l’Itab et les professionnels de l’agriculture bio, notamment la Fnab et l’Apca, qui dès la sortie du rapport, en ont également soulevé des points critiquables.
Ces deux réunions vont être organisées en lien avec le ministère de l’Agriculture, sous l’égide du Commissaire général à la stratégie et à la prospective (CGSP), modérées par Bertrand Hervieu, vice-président du Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER).
Et après ?
François Houllier évoque plusieurs possibilités : l’étude pourrait être complétée, avec des éléments issus de consensus dégagés suite aux deux rencontres, rajouts ou modifications ; un colloque international pourrait être organisé sur l’état des connaissances transversales en agriculture biologique ; enfin, une expertise scientifique commune pourrait être lancée, sachant que c’est un travail lourd pouvant durer de 18 à 36 mois. “En tout cas, nous aborderons la suite de manière ouverte, en restant attachés à respecter les codes et règles scientifiques. C’est essentiel.”, conclut le patron de l’Inra qui réaffirme son engagement à poursuivre les recherches en bio, en lien avec l’Itab dans les années à venir. “La réunion d’aujourd’hui en est la preuve”, insiste-t-il.
La fronde des 130 chercheurs est-elle pour autant retombée ? En tout cas, du côté de la famille bio, l’Itab, la Fnab et l’APCA notamment, la volonté n’est pas à la surenchère. Au contraire, les professionnels saluent unanimement cette volonté d’écoute, de dialogue et de co-construction, tout en restant très attentifs à la suite des événements. En fait, cette levée de boucliers des 130 chercheurs montre la dimension interdisciplinaire de la bio, qui ne peut plus être évaluée sur une de ses facettes ; de plus, l’implication de la société civile ne peut plus être ignorée. “Le sujet reste sensible, l’attente est forte, et la recherche est parfois dépassée par l’actualité, commente Thierry Mercier, président de l’Itab. Il faut anticiper sur les besoins, accélérer les travaux, multiplier les forces car les agriculteurs phytovictimes peuvent hésiter à passer en bio à cause des freins techniques.” Des dossiers sont actuellement brûlants, comme les alternatives au cuivre, – une urgence pour la viticulture notamment –, les substituts au soja, les rations 100 % bio en alimentation des monogastriques, l’inscription des substances de bases… Autant de chantiers sur le feu.
Christine Rivry-Fournier
- Lire le rapport de l’Inra, la lettre des chercheurs et les réponses :
-Rapport Inra
-Demande de retrait
-Réponse de l’Inra
-Lettre de F.Houiller, président de l'Inra
-128 signataires à la demande de retrait du rapport (lettre du 17 février 2014)
- Voir les vidéos du 26 février au Sia
- Lire aussi Biofil 93 à paraître fin avril 2014
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