Le rapport de l'Inra sur la bio continue à faire des vagues : présenté lors de la 3e édition de Dinabio, séminaire sur la recherche en bio co-organisé pour la première fois par l’Inra et l’Itab à Tours les 13 et 14 novembre 2013, il a été accueilli très froidement par une grande partie du monde de la bio qui réclame son retrait.
Intitulé "Analyse des performances de l'agriculture biologique", ce rapport (372 pages) et sa synthèse (16 pages) ont été vivement critiqués, notamment en raison de sa partialité.
Très controversé, ce travail a été réalisé dans le cadre d’un appel d’offre du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP). Elle visait à répondre à une double question du CGSP : “Comment rendre l’agriculture biologique [française] plus productive et plus compétitive ?”.
Une approche biaisée
Lors de sa présentation par Hervé Guyomard, directeur scientifique de l’Inra, la directrice de l’Itab, Krotoum Konaté a dénoncé publiquement une approche biaisée et a demandé expressément à Hervé Guyomard, son signataire, de revoir certains points trop orientés négativement.
Au sein même du monde de la recherche, les critiques ont fusé : elles ont été rassemblées dans un document daté du 20 décembre 2013 et signé par 63 chercheurs et enseignants-chercheurs issus de diverses disciplines et de différents instituts, universités, centres de recherches. Elles pointent les failles de ce rapport, notamment un manque d’analyses rigoureuses des forces et des faiblesses de la bio. Désormais, 116 signataires approuvent ce document.
L’Inra a répondu en défendant point par point ses positions. De son côté, son président François Houllier propose d’organiser un atelier d’échanges qui pourrait se tenir en mars prochain, sous l’égide du CGSP dans le but “de réfléchir plus largement à l’agriculture biologique, à ses performances, à ses relations avec l’agroécologie et aux recherches qui lui sont consacrées”.
Voici le point de vue de Krotoum Konaté, directrice de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) chargé d’impulser et de coordonner la recherche et l’expérimentation bio.
Krotoum Konaté, quelle est la position de l'Itab ?
Ce document devant servir de référence, il était évident qu’il ne fallait pas le laisser en l’état. Les critiques émises par les 116 chercheurs sont étayées, et correspondent à ce que nous reprochons à ce travail. La réécriture de ce rapport est trop complexe, et son retrait n’est pas envisagé pour l’instant par l’Inra. Nous devons trouver une issue honorable et nous concentrer sur la mise en oeuvre du programme Ambition Bio 2017.
Que proposez-vous ?
Nous venons d’écrire au ministre Stéphane Le Foll pour lui demander la mise en place d’une expertise scientifique collective et que le CSAB, le Comité scientifique de l’agriculture biologique de l’Inra, soit associé notamment pour formuler la question. Cela permettrait une approche plus objective et pluridisciplinaire, qui aborderait tous les aspects de l’agriculture biologique sous différents angles. Ce, à partir d’une question plus pertinente que celle de la “performance et de la compétitivité”. Il existe des études plus récentes, à l’instar de celle de l’Inserm sur la nutrition bio, qui ne doivent pas être occultées. Nous espérons que le ministre donnera son feu vert à notre demande.
Qu’en est-il de votre convention de partenariat en cours avec l’Inra ?
Depuis que l’Itab est devenu un institut technique qualifié, nous avons enclenché des actions communes qui, je l’espère, vont s’amplifier. Le colloque Inra-Itab organisé sur le Salon de l’agriculture le 26 février sera l’occasion d’en dresser les perspectives
Propos recueillis par Christine Rivry-Fournier
Documents à consulter :
-Lettre de F.Houiller, président de l'Inra
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