Claude Aubert, ingénieur agronome, fondateur de Terre Vivante et auteur, réagit aux attaques portées à l’alimentation bio, suite à la publication début septembre d’une étude américaine. Après l’avoir décortiquée, il en livre les informations, qui contredisent largement l’interprétation parue dans les médias.
Une nouvelle étude sur les produits bio (1), publiée le 4 septembre par la prestigieuse revue américaine “Annales of Internal Medicine” a été largement reprise parles médias. Elle conclurait que les produits bio ne sont pas meilleurs pour la santé que les conventionnels. C’est du moins ce qu’ont compris les médias, à commencer par l’agence Reuters qui a diffusé l’information qui a servi de base aux commentaires de la plupart des journalistes.
Mais qui a pris soin de lire l’étude elle-même ? Ses auteurs sont en effet plus nuancés, même si leur conclusion – d’une extrême prudence – ne reflète que très partiellement son contenu : “La littérature publiée ne fournit pas une forte évidence de la supériorité nutritionnelle des produits bio sur les conventionnels. Il est possible que la consommation de produits bio réduise (the consumption of organic foods may reduce…) l’exposition aux pesticides et aux bactéries résistantes aux antibiotiques”. Le “may reduce” est pour le moins surprenant, comme si cette réduction, largement confirmée par l’étude, n’était pas démontrée depuis longtemps, en tout cas pour les pesticides !
Si on se donne la peine de lire l’étude dans son intégralité, les surprises ne manquent pas, qui contredisent largement l’interprétation qu’en ont faite la plupart des médias.
1 En matière nutritionnelle, les auteurs :
- confirment queles produits laitiers et la viande de poulet bio sont plus riches en oméga 3 que les conventionnels, une différence désormais admise, au moins pour les produits laitiers, même par les biosceptiques,
- confirment que, selon la majorité des études, les aliments bio contiennent davantage de polyphénols, de puissants antioxydants, que les conventionnels, une différence mise en évidence par toutes les autres études comparatives,
- concluent que pour les autres nutriments, sauf pour le phosphore, il n’y a pas de différence statistiquement significative entre bio et conventionnel, tout en signalant que, en matière de vitamine C, 23 études ont mis en évidence des teneurs supérieures dans les aliments bio contre seulement 12 dans les conventionnels. En ce qui concerne le magnésium, 23 études concluent à des teneurs supérieures en bio contre 6 à des teneurs supérieures en conventionnel.
2 En matière de pesticides,
les auteurs arrivent à la conclusion que seulement 7 % des aliments bio contiennent des résidus contre 38 % des conventionnels… tout en laissant aussi entendre que les résidus dansles aliments conventionnels ne posent pas de problèmes pour la santé puisque les limites légales sont rarement dépassées (des limites légales qui, compte tenu de l’effet cocktail et du fait que certains pesticides sont des perturbateurs endocriniens, pouvant agir à des doses infimes, n’ont plus aucune crédibilité). Signalons aussi qu’en Europe la différence de contamination entre produits bio et conventionnels est encore beaucoup plus grande que celle donnée dans cette étude : 10 à 20 fois moins d’aliments avec résidus en bio qu’en conventionnel, et 50 à 100 fois moins si l’on compare les quantités présentes.
3 En matière de contaminations microbiennes,
la conclusion est la même que celles d’études précédentes et de notre propre recherche bibliographique** : pas de risque de contamination plus élevé en bio qu’en conventionnel, mais un risque plus faible d’être exposé à des bactéries résistantes aux antibiotiques,
4 Pour les autres contaminants, les auteurs constatent notamment que :
- les produits bio sont moins contaminés par les mycotoxines que les conventionnels, ce qui est la conclusion de 12 études contre 2 qui disent le contraire, des résultats qui, là encore, confirment ceux de notre recherche bibliographique (2). Des résultats particulièrement intéressants car les produits bio sont souvent suspectés d’être davantage contaminés par les mycotoxines que les autres,
- les aliments bio contiennent moins de cadmium que les conventionnels dans 21 études, une seule disant le contraire, en accord également avec nos propres résultats**. Des données intéressantes, elles aussi, car certains ont pu prétendre que les produits bio contiennent davantage de cadmium que les conventionnels, en raison de l’utilisation de phosphates naturels, qui renferment de petites quantités de ce métal lourd.
Quant au fait que les quelques études réalisées sur l’homme n’aient pas montré de différence entre consommateurs bio et conventionnels en matière d’impact physiologique, il ne prouve rien, car elles portaient sur trop peu de personnes et étaient de trop courte durée.
En conclusion, on voit que l’étude des chercheurs américains est, sur de nombreux points – comme l’a fait également remarquer la Soil Association — favorable au bio. Curieux, donc, que les commentateurs aient compris le contraire…
Ajoutons que l’agriculture biologique présente de nombreux autres avantages, pour l’environnement et pour la santé.
Ceux-ci sont exposés en détail dans le livre “Manger bio c’est mieux, nouvelles preuves scientifiques à l’appui”, par Claude Aubert, Denis Lairon (directeur de recherche à l’Inserm – Institut national de la santé et de la recherche médicale) et André Lefebvre (ingénieur agricole, promoteur de la bio et élu au Conseil général de Bourgogne), Ed. Terre Vivante”. À paraître début octobre, il est présenté sur le site www.mangerbiocestmieux.fr
(1) Smith-Spangler C et al. Are Organic Foods Safer or Healthier Than Conventional Alternatives ? Annals of Internal Medicine, 2012 Sep 4, 157 (5) : 348-66. Disponible surle site Google Scholar.
(2) Ces bibliographies seront mises en ligne début octobre surlesite www.mangerbiocestmieux.fr