Pour fêter le 10e anniversaire de leur marque Bio Breizh, les 65 producteurs de fruits et légumes bio de Bretagne (APFLBB) se sont réunis en mai dernier autour de leurs partenaires économiques : l’expéditeur Pro Natura, le grossiste allemand Schramm, ainsi que le réseau Biocoop.
Cyriaque Crosnier Mangeat (Agrosemens) et René Léa (maraîcher et représentant de l’association Kaol Kozh) ont également contribué au débat. Ce dernier, cheville ouvrière de l’Organisation de producteurs, a rappelé dans quelles circonstances la marque Bio Breizh a vu le jour : “Au moment où le chou subissait des manipulations génétiques qui nous semblaient contre nature, nous nous sommes décidés à établir un cahier des charges qui l’interdirait. Et à le faire savoir”. Rappelons que les variétés CMS (Stérilité mâle cytoplasmique) ne sont pas considérées comme des OGM dans le règlement européen, et par conséquent autorisées.
Un cahier des charges ambitieux
Si Bio Breizh véhicule une identité bretonne, la marque cherche surtout à promouvoir des pratiques plus exigeantes que le règlement bio européen, avec notamment l’obligation de semences fermières, un lien au sol renforcé au sein de fermes 100 % bio. “Au moins 10 % des légumes sont cultivés à partir de semences ou plants fermiers, c’est-à-dire multipliés sur la ferme ou provenant d’autres exploitations” (1), indique René Léa. Cette réappropriation de la semence s’accompagne de l’obligation de planter en pleine terre. Une évidence ? Pas vraiment car des “arrangements” existent pour certaines productions dans le règlement européen, comme la culture de tomates dans des bacs à terreau ou le forçage hors sol des endives. A contrario, les endives bretonnes – dont les racines sont obligatoirement cultivées sur la ferme – sont forcées sur substrat organique. Dans le même ordre d’idée, la ferti-irrigation est interdite. D’autres contraintes sont imposées, et contrôlées par un organisme de certification à raison d’une visite annuelle : chauffage limité aux périodes hivernales (anti-gel) ; pas d’engrais issus d’élevages industriels, ni de fertilisant composé de farine de viande, de sang ou de poudre d’os (sauf poisson) ; implantation de haies ou talus sur les parcelles à risque ; désherbage à la vapeur interdit sur les mêmes surfaces deux années de suite (avec un temps de pause limité pour ne pas détruire la vie du sol) ; restriction du cuivre à 5 kg/ha/an (et 2 kg/ha/an en moyenne sur la ferme) (2). Enfin, les fermes doivent s’engager vers le 100 % bio dans un délai de quatre ans. De toute évidence, ces exigences sont une garantie pour le consommateur, comme le confirme Serge Le Heurte, responsable des filières végétales au sein du réseau Biocoop : “Bio Breizh est, parmi les sept OP avec qui nous travaillons, l’une des mieux organisées et des plus sécurisées”.
Une marque qui se remarque
Quant aux distributeurs, comment reçoivent-ils cette marque ? Réponse outre-Rhin avec l’entreprise Schramm qui rassemble huit grossistes allemands exclusivement bio. Ces derniers s’approvisionnent auprès des producteurs bretons en choux-fleurs, poireaux, choux frisés, artichauts et mâche. “Nos clients réclament et soutiennent les mentions qui s’ajoutent à la bio, rapporte son représentant, Christian Kaufmann, citant Bioland, Naturland ou encore Demeter. Cette année, certains d’entre eux, pour se démarquer de la grande distribution, n’ont par exemple vendu que du chou-fleur Bio Breizh”.
Les prochains enjeux
À la demande de Biocoop, la cohabitation avec la marque Bio Cohérence a été mise à l’ordre du jour. Présidée par le maraîcher breton Henri Thépaut, l’association Bio Cohérence a en effet plus d’un atome crochu avec Bio Breizh, notamment le refus des variétés CMS et de la mixité. “On peut imaginer une étiquette commune pour le réseau Biocoop, a avancé René Léa, tout en insistant sur la nécessité de conserver l’indépendance de Bio Breizh pour “pouvoir s’opposer vite et librement à des pratiques douteuses”.
Autre piste soulevée par le président de l’APFLBB, Philippe Creignou, l’élargissement de la contractualisation à tous les opérateurs. “Pratiquement 50 % de notre marchandise est vendue avant d’être plantée, soit quelque 4000 tonnes, explique-t-il, saluant au passage les six expéditeurs dont Poder SARL et Pro Natura. Pour lisser les prix sur un volume encore supérieur, le président a donc lancé un appel du pied à Schramm qui, quoique dubitatif, n’est pas contre l’idée d’une fourchette de prix par campagne. Et ce dernier de conclure : “Dans quelques années, le nerf de la guerre, ce sera les conditions de travail, il faut anticiper sur une certification sociale”. C’est l’un des prochains chantiers de l’APFLBB, comme le confirme Marc Paugam, son vice-président : “A l’avenir, nous allons porter une attention accrue sur les droits des travailleurs, qu’ils soient originaires de la communauté européenne ou pas.”
Gaëlle Poyade
(1) La réglementation interdit aux agriculteurs de vendre ou d’échanger leurs semences. Aussi, pour être en conformité avec la loi, sans renoncer aux semences fermières, l’association Kaol Kozh propose à ses adhérents d’être ensemble co-propriétaires de graines multipliées par chacun d’entre eux.
(2) La réglementation bio européenne autorise jusqu’à 6 kg/ha/an.