La Lorraine a compté jusqu’à 34 000 hectares de vigne en 1870 contre 24 000 ha seulement au même moment en Alsace !
Cela paraît incroyable : si la vigne est toujours présente ici et là en tant que loisir, l’histoire l’a presque rayée de la carte, surtout au nord de la région. Mais depuis quelques années, elle reprend un peu ses droits avec de vrais viticulteurs, soutenus par la Chambre Régionale d’Agriculture et la Région. En novembre dernier, l’AOC Moselle a été attribuée par l’Inao à une zone de 900 hectares alors que le vignoble actuel en compte à peine 80… dont un tiers en bio ! L’estampille sera effective dès la récolte 2011.
De longue haleine
Pascal Oury Schreiber, déjà viticulteur en Champagne, a été l’un des premiers à se lancer. Il a achevé sa conversion avec succès : “Techniquement, c’est plus facile ici qu’en Champagne : les vignes sont sur un coteau venté, à 300 mètres d’altitude et il n’y a pas de pression parasitaire. Le plus gros problème, c’est l’herbe qui pousse vite”, confie-t-il. Son vin, de cépages auxerrois, pinot gris, riesling et gewurztraminer fait un tabac à Metz et la seule clientèle de particuliers suffit à épuiser la production ! Pour l’avenir, il rêve d’une appellation “crémant de Lorraine” pour les mousseux, ce qui serait logique car, par le passé, les raisins lorrains sont beaucoup partis vers l’Allemagne ou la Champagne pour être transformés en mousseux.
Émilie Bourriel, de la Chambre d’Agriculture, est certaine que la viticulture bio mosellane est promise à un bel avenir. Elle compte déjà quatre producteurs dont un en biodynamie et les jeunes qui s’installent réfléchissent forcément à la bio. Si le projet est passionnant, relancer cette production sera long car il faut bien 15 ans pour créer un vignoble. Pour l’heure, la région octroie des droits de plantation et a mis en place un suivi technique : l’Opaba d’Alsace est la référence pour les bio. “La difficulté provient du parcellaire, datant de Napoléon, et qui est très morcelé. Il faudrait un remembrement mais on a perdu la trace de nombreux propriétaires ; il faut aussi d’abord défricher ou déboiser les parcelles”, explique Pascal Oury Schreiber que cela n’effraie pas. Aujourd’hui, un travail est mené avec les collectivités pour créer des réserves foncières afin de pouvoir installer des jeunes.
Martine Cosserat
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Un bond de 34 % de producteurs bio en 2010
Le taux est supérieur au chiffre national ! 42 % des fermes bio de Lorraine se situent dans le seul département des Vosges, plus tourné vers les productions herbagères. La production phare est le lait avec, en 2010, plus de 30 millions de litres produits en bio, dont un tiers en conversion : un volume que se partagent Unicoolait (23 %), Biogam (22 %), Lactalis (19 %), Entremont (17 %)… La tendance est forte aussi pour la filière bovin viande. Dans les 2 ans à venir, 33 élevages en conversion vont s’ajouter aux 63 aujourd’hui en bio, soit 50 % en plus.
Signalons aussi que près d’un tiers des fermes bio a une activité d’accueil sous différentes formes. Quant au maraîchage, il n’est pas en reste, souvent l’apanage de jeunes qui s’installent ou de personnes en reconversion professionnelle. Alors que la filière maraîchère classique souffre, la Lorraine compte aujourd’hui 57 maraîchers en bio dont la plupart en vente directe.
Favoriser la RHD
La filière bio, notamment Paysans Bio Lorrain (PBL), mise sur les productions légumières. Celles-ci sont la clé d’entrée pour la restauration collective qui est le circuit de distribution majeur de PBL, pour un chiffre d’affaires de 290 000 €. Depuis septembre 2010, cette structure, devenue Scic en 2008, a un partenariat avec une entreprise vosgienne de Saint-Nabord qui fournit de la viande à la RHD et livre simultanément les commandes bio. Pour Fernanda Ferro de PBL, c’est une bonne solution : “Plus proche de notre interlocuteur, on règle beaucoup plus facilement les problèmes de livraison qu’avec un transporteur quelconque et la prestation au client n’en est que meilleure”. PBL travaille à 95 % sur des produits locaux dont un tiers sont laitiers et un tiers de la viande. Elle dispose d’une vingtaine de fournisseurs directs et une centaine de producteurs lorrains à la base de la filière. “C’est la seule chose qui peut nous différencier des fournisseurs nationaux qui tous ont aujourd’hui une gamme bio à leur catalogue”, explique Fernanda Ferro.
Jusqu’alors, PBL travaille presque exclusivement hors appel d’offres. Même si, aujourd’hui, il y a souvent séparation des lots bio, la demande n’est jamais bien en phase avec ce que peut fournir PBL, et ce, alors que les gestionnaires ont vraiment envie d’acheter du local ! De plus, le minimum de commande qu’il faut accepter est de 50 €, ce qui est trop peu en regard des coûts de la logistique. Les perspectives sont importantes pour cette entreprise qui grandit lentement mais sûrement, et fonctionne avec deux salariées et une gérante bénévole.