Bas intrants, très bas intrants, zéro résidu de pesticides... Qui dit mieux ? Haute valeur environnementale niveau 1, 2 ou 3, et aujourd’hui un petit nouveau, le bas-carbone… Sans oublier, côté social, des logos de démarches équitables. Labels, mentions, certifications publiques ou privées, comment s’y retrouver ? Les consommateurs, qui sont loin de ces réalités et subtilités déroutantes, sont noyés. Et les producteurs eux-mêmes peinent à se situer…
Et la bio dans tout ça ? Signe officiel de qualité, elle décline aussi ses démarches privées dans tous les sens, comme Biopartenaire, Biocohérence, Demeter, Nature et Progrès… Pour en remettre une nouvelle couche, le logo AB réhabilité pour les produits bio français certifiés par la réglementation européenne, et recommandé par le Cese – Conseil économique et social -, c’est pour quand ? Plus bio que bio, et encore plus... Sans oublier le local. Faut-il demander la protection de ce terme par la loi, comme l’est dorénavant celui d’équitable, afin de ne pas le retrouver à toutes les sauces. Pour le mouvement Locavor, local signifie être produit dans un rayon restreint. Pour Biocoop, c’est 150 kilomètres, pour d’autres, c’est plus ou moins. En fabrication d’aliments bio, la notion de régional, c’est le territoire français, voire frontalier… La bio semble à géométrie variable.
En plein boom, le nouveau Zéro résidu de pesticides (ZRP) est soudain très en vogue…, marchant sur les plates-bandes de la bio. Même si chacun sait l’objectif difficile à atteindre en plein champ en conventionnel, le ZRP se permet de s’afficher comme la démarche de progrès la plus crédible… Et la communication va bon train. On s’en réjouirait si ce n’est cette tendance à présenter la bio comme moins fiable car nécessitant de fastidieux passages de cuivre, soufre, ou autres, pour certaines cultures spécialisées… Alors qu’a contrario, via l’objectif ZRP, l’agriculture conventionnelle vise à réduire au maximum ses IFT (Indicateur de fréquence de traitements) pour protéger la biodiversité, tout en sécurisant les rendements avec les engrais de synthèse afin d’éviter toute pénurie ! Avec bien sûr, à la rescousse, la chimie classique en protection phytosanitaire en dernier recours.
Ce discours est en plein déploiement, tiré par ce ZRP, label privé né il y a un an, et contrôlé dans la limite de quantification au 0,00001 g/kg. On l’imagine forcément cantonné en majorité aux productions sous serres fermées avec lutte biologique, souvent en hors- sol. Pourtant, le plus étonnant est que des bio pourraient l’adopter aussi. L’objectif : garantir un résultat aux consommateurs très demandeurs. Et les bio n’auraient pas de mal à obtenir ce label, car seules quatre substances actives bio avec LMR (limites maximales de résidus) sont recherchées par le cahier des charges ZRP, sur les 277 autres matières actives ciblées. Certes en bio, sans avoir d’obligation de résultats, nombreux sont ceux à effectuer des analyses à leurs frais pour éviter tout risque de mise en marché de produits contaminés de façon fortuite. Mais la bio ne loupe-t-elle pas le coche, car estampiller ZRP à côté du logo bio est un comble !
Christine Rivry-Fournier