Ambition bio : quels moyens ?

Le 10/08/2018 à 14:23 par La rédaction


Édito Biofil 118 - Juillet-Août. 2018

L’ambition est de plus que doubler la surface bio actuelle en cinq ans. C’est simple : atteindre 15 % de la SAU nationale en 2022 signifie engager en bio plus de 2 millions d’hectares supplémentaires, soit presque autant qu’en quarante ans ! Un sacré défi . Une vraie transition agricole et sociétale. Un challenge plein de promesses... et d’inconnues à résoudre de l’amont à l’aval.
Le programme Ambition Bio 2022,  présenté le 25 juin par Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, lors du Grand conseil d’orientation de l’Agence Bio et en présence des 120 organismes le composant, porte bien son nom. Élaboré après deux mois de concertation et les premières annonces de février dernier, il est dans la continuité de celui qui l’a précédé – lancé en 2013 –, et qui visait aussi à doubler les surfaces à l’horizon 2017. Force est de constater qu’avec 6,6 % de la SAU française conduite en bio à la fin de l’an dernier, le challenge du ministre Le Foll a été presque atteint… Avec un effet stimulant qui fait boule de neige.
Donc rebelote pour 2022. Il faut 400 000 ha supplémentaires en bio par an. Sachant que 2017 a enregistré l’arrivée de plus de 300 000 ha, l’optimisme est de mise dans la filière. Ce, d’autant plus que, côté consommation, la croissance fulgurante est rassurante. Elle entraîne une vague de conversions, encore très forte cette année, notamment en grandes cultures. Des exploitations de grandes dimensions prennent le virage de la bio, surtout dans les régions où les aides ne sont pas plafonnées, comme en Île-de-France, ou dans le Grand Est sur les zones prioritaires de captage…
Mais la question du financement se pose et interpelle. Les moyens déployés sont-ils à la hauteur ? Stéphane Travert se veut rassurant : l’enveloppe de 1,1 milliard d’euros déjà annoncée est confirmée. Les aides à la conversion (et au maintien pour les régions qui le décident puisqu’elles la financent désormais en totalité) seront abondées par 630 millions d’euros issus du Feader (Fonds européen agricole de développement rural), et 200 millions de crédits de l’État. Les Agences de l’eau pour 150 millions d’euros environ et à partir de 2020, un apport de 50 millions d’euros par an issu de la redevance pour pollutions diffuses y contribueront aussi. Le crédit d’impôt à 3 500 euros est prolongé jusqu’en 2020, inscrit dans la loi de finances 2018.
Les intentions sont là, portées par le souhait de rendre ces dispositifs plus lisibles et visibles pour les producteurs déjà en bio, et ceux qui veulent se convertir, s’installer ou transmettre. C’est tout l’enjeu de la déclinaison de ce programme, qui va s’affiner pendant l’été pour une version plus complète à l’automne. Ses points positifs sont salués par les grandes familles de la bio : parmi eux, le fonds Avenir Bio de structuration des filières est doublé pour atteindre 8 millions d’euros ; la recherche, l’expérimentation, la formation, l’observatoire vont être renforcés… Les rôles de coordination de l’Inra et de Itab sont confortés ; les 20 % de bio en restauration collective vont être enfin validés...… Il reste à éclaircir l’épineuse question : comment les fonds Feader des régions – ils vont pouvoir financer l’assaut des conversions, les velléités du maintien et les autres appuis financiers ? Quelle alchimie attendre entre fi n de la programmation et nouvelle Pac en préparation ? La vigilance s’impose.
Christine Rivry-Fournier