Alors que les objectifs de développement de l’agriculture bio sont réaffirmés ainsi que l’existence et le rôle de l’Agence Bio, l’heure est à la remobilisation au Sia.
Face aux attaques, les acteurs bio regroupent leurs forces, pour aller à la rencontre des élus et des consommateurs. « Le programme Ambition Bio 2027 et le PSN – Plan stratégique national de la Pac –, continuent à tracer la trajectoire, ainsi que le cap des 21 % de bio en 2030 maintenus dans la LOA – loi d’orientation agricole – pour une cohérence des politiques publiques » , rappelle Jean Verdier, président de l’Agence Bio. Ce sont des signaux clairs pour 60 000 fermes bio françaises, toujours en attente de mesures concrètes de soutien, notamment pour les plus fragilisées.
Croissance en vente directe et magasins spécialisés
Côté consommation, la baisse est stoppée, selon l’Agence Bio : en 2024, le réseau spécialisé, après avoir rationalisé son parc de magasins, progresse de 6,5 % en valeur, la vente directe de 3 % dans 26 000 fermes bio qui la pratiquent. Mais la GMS continue de reculer, sachant qu’elle pèse pour plus de moitié dans les 12 millions de chiffre d’affaires bio de la consommation française. « Nous espérons la fin des déréférencements, et observons des signes encourageants de réengagements notamment en MDD de certaines enseignes » , souligne Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio. D’où un marché bio stabilisé début 2025, avec une croissance des chiffres d’affaires en magasins spécialisés et pour les pures players de la grande distribution. « La bio est en phase d’atterrissage et de redémarrage » , soutient Jean Verdier, le président de l’Agence Bio.

Solde positif en nombre de fermes
« Le problème est que 90 % des volumes bio sont consommés à la maison, pointe Laure Verdeau. Il faudrait que la restauration hors domicile prenne davantage le relais, notamment les restaurants, qui se limitent souvent qu’au vin bio. » La campagne Cuisinons Plus est déployée dans ce but. Financée par l’Union européenne, elle est mise en avant sur le stand de l’Agence Bio au Sia, avec une succession de chefs aux manettes. Côté production en 2024, il est encore trop tôt pour avancer des chiffres précis, attendus pour le 12 juin prochain : « Malgré les messages alarmistes, le nombre d’arrêts de fermes resterait à un niveau moyen de 5 %, avec un solde positif de 712 nouveaux producteurs engagés, dû à des installations, notamment en maraîchage » , précise Laure Verdeau. Côté surfaces, les déconversions sont encore difficiles à évaluer. L’an dernier, la perte était de 54 000 ha sur les 2,8 ha bio français. Les grandes cultures, « qui sont le cœur du réacteur » , sont les plus touchées, surtout dans le Sud-Ouest. « Malgré tout, ce métier en agriculture bio reste encore très attractif chez les porteurs de projets. »

Soutenir les transformateurs
Côté aval, la perte de 941 opérateurs inquiète. « Il faut une masse critique de transformateurs pour maintenir les filières, la distribution doit avoir des volumes à vendre » , souligne Jean Verdier. Alors que l’objectif des 21 % de surface bio en 2030 est maintenu, « et il serait ahurissant de devoir importer ». Le Sia est l’occasion de communiquer sur les atouts de la bio, sensibiliser les consommateurs et aussi les élus. « Chacun d’entre nous – agriculteurs, transformateurs, distributeurs – doit défendre les valeurs de la bio, la qualité des produits alimentaires, aller à la rencontre de ses députés et sénateurs pour les informer » , répète Maria Pelletier, administratrice de l’Agence Bio et dirigeante de Moulin Marion, très impliquée dans cette mobilisation. Même demande de la part de Philippe Camburet, président de la Fnab, présent tous les jours du Salon, avec des producteurs et productrices, pour échanger et convaincre sur la nécessité de soutenir la bio.

Une solution gratuite pour aider les bio
« Depuis six mois, on alerte le ministère sur le reliquat de l’enveloppe des fonds européens non consommés dédiés à la conversion, rappelle Philippe Camburet . Son montant est estimé à plus d’un milliard d’euros s’il n’est pas dépensé d’ici 2028, date de la fin de la Pac actuelle. C’est une solution gratuite pour aider les producteurs bio français. » Cette somme est une estimation, basée sur les 340 M€ par an affectés à la mesure conversion, peu utilisée aujourd’hui. Pour relancer l’agriculture bio de façon économiquement viable pour les producteurs et les filières, la Fnab a construit des propositions allant du soutien à la demande à la sécurisation de l’offre. « Nous sommes aujourd’hui forcés de constater qu’en dehors des plans d’urgence et de l’aide conversion, la politique de l’offre est encore un impensé du côté du ministère » , poursuit Philippe Camburet. Parmi les propositions adressées au ministère de l’Agriculture, les priorités sont d’augmenter le crédit d’impôt bio à 6 000 euros jusqu’à 2028 et de passer l’écorégime bio à 145 €/ha/an ainsi qu’ouvrir l’outil de structuration de filières Programmes opérationnels aux filières animales bio et aux céréales bio. Si la ministre Annie Genevard, de passage sur le stand bio, a bien écouté ces propositions, aucune mesure n’a encore été prise.

Christine Rivry