Bientôt 40 ans que le logo AB existe, créé en 1985, par des pionniers visionnaires, et courageux. Après s’être dotée d’une réglementation européenne, l’agriculture bio s’est structurée, portée par une demande consciente des enjeux cruciaux pour la santé des écosystèmes et des humains. Biofil et Vitisbio témoignent dans chacun de leurs numéros, des engagements de productrices, producteurs, et de leurs filières végétales et animales.
Si les pouvoirs publics ont accompagné son déploiement – au niveau européen et français –, ce n’est pas suffisant. La preuve, aujourd’hui, face aux multiples crises, la bio est malmenée, délaissée par un marché encore trop peu sensibilisé. Pourtant, plus de 61 000 fermes sont en bio, soit 14 % des exploitations françaises, sur 2,8 millions d’hectares – 10,4 % de la SAU –, selon les derniers chiffres 2023 stables de l’Agence Bio, parus début juin (lire p. 6 à 8). Mais les producteurs s’interrogent, et les conversions sont en pause. Elles se calent sur les achats moins dynamiques ces derniers mois. Et ce, même si la campagne de communication Bio Réflexe s’est bien remusclée. Et que les ventes reprennent.
Plus que jamais, il est urgent de mettre les projecteurs sur les externalités positives de la bio. On l’attendait avec impatience, la réactualisation de l’étude sur ce sujet parue d’abord en 2016, est enfin sortie (lire p. 12 à 16). Piloté par l’Itab – Institut de l’agriculture et de l’alimentation bio –, avec l’appui d’Inrae, Inserm et Isara, ce travail colossal et passionnant apporte de nouvelles preuves scientifiques et une multitude d’arguments pour appliquer des politiques publiques adaptées. À s’approprier et diff user sans modération. Il y a urgence. La qualité de l’eau, du sol, de l’air, la biodiversité, le climat et forcément la santé humaine sont au coeur de tous les enjeux.
Souvent attaquée, notamment par de pseudo-labels rivaux, la bio résiste quoi qu’on en dise. Modèle le plus abouti de la transition agroécologique, elle doit se renforcer davantage et retrouver confiance pour continuer sa croissance. Parmi tous les services qu’elle rend à la société, contribuer à la restauration et au maintien de la qualité de l’eau est existentiel. On le sait, on le voit, la guerre de l’eau a commencé, et n’est pas prête à s’arrêter. Les agences de l’eau en sont conscientes, mais peinent à implanter des bio sur les bassins-versants et zones de captage. Les prix du marché bio, pas assez attractifs, freinent les conversions.
Difficile pour les consommateurs bio de supporter seuls ces externalités positives qui bénéfi cient à l’ensemble de la société. Pour soutenir la bio, en plus de prix justes et équitables pour tous ceux qui la produisent dans leurs fermes, les paiements pour services environnementaux – PSE – sont indispensables, via un éco-régime bio de la PAC renforcé, et la création de paiements dédiés. C’est aussi une question de santé publique. Sauver l’eau – et sa potabilité –, nécessite des alternatives aux pesticides chimiques de synthèse. S’attaquer aux polluants éternels est impérieux. La recherche, l’expérimentation, l’enseignement doivent mettre les bouchées doubles, pour innover et rendre les solutions bio encore plus efficaces. C’est plus que jamais vital.
Christine Rivry-Fournier