Évolution des surfaces, des fermes et des entreprises engagées en bio.
« Nous sommes ravis de pouvoir enfin présenter les chiffres de la bio de l’année 2022, croisant une cinquantaine de sources, introduit Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio. Et ce, afin d’apporter des éléments objectifs sur la situation du marché. Il est clair que maintenant le marché de la bio va devoir se piloter par l’offre, mais aussi par la demande. » Les produits bio consommés à domicile sont le pilier du marché bio, avec 92 % des ventes contre 8 % pour la restauration hors domicile (restaurants et cantines).
« Que le bio fasse partie du quotidien ! »
En 2022, la consommation alimentaire des ménages français baisse de 5,1 % (hors inflation). Dans ce contexte, le marché bio hors restauration s’élève à 12 milliards d’euros en 2022, soit 4,6 % de moins qu’en 2021. « Nous avons perdu 600 millions d’euros. Et ce, malgré une inflation en bio de 4 %, contre 6,7 % pour les produits alimentaires, décrit la directrice de l’Agence Bio. Le plus alarmant est la diminution de la part du bio dans les paniers des consommateurs. Nous passons de 6,4 % à 6 %. Nous sommes loin de nos voisins danois affichant 13 % de leurs achats en bio. Si on atteignait ces chiffres, notre marché du bio serait à plus de 30 milliards d’euros ! »
Croissance annuelle du marché bio par circuit.
Repli et croissance selon les débouchés
Les magasins spécialisés bio (27 % de la distribution) sont les plus touchés avec une baisse des ventes de -8,6 %. « Ce qui s’explique en partie par la fermeture d’environ 200 magasins en 2022. » Puis vient la grande distribution (52,6 % des ventes) avec une diminution des achats de 4,6 %. « Seul le hard discount observe une hausse de 11 % liée à l’augmentation de leur fréquentation et de leur gamme bio. » La part de marché des artisans (7,7 % des ventes) recule de 2,6 %. En revanche, la vente directe (12,6 % des parts de marché) progresse de 3,9 %, portée notamment par le vin bio. « Ce qui prouve qu’entre bio et local, les Français choisissent les deux, insiste Laure Verdeau. C’est aussi dans ce circuit que l’on trouve des prix hyper compétitifs. » En outre, le secteur de la restauration collective observe une hausse de 17 %.
Détail des parts de marché des circuits.
Les débouchés de la consommation à domicile.
Tout reste à faire en restauration collective
Or les 170 000 restaurants français n’achètent encore que 1 % de bio. « C’est déroutant et non cohérent quand on sait que les Français mangent 6 % de bio à leur domicile. » Même si les 80 000 cantines du pays passent de 6 à 7 % de produits bio dans leurs appros, on reste loin des 20 % de la loi Egalim. « C’est une perte de potentiel de débouchés d’1,4 Md€ pour nos agriculteurs. » L’Union européenne vient d’ailleurs d’allouer 2 millions d’euros pour 3 ans à l’Agence Bio pour favoriser la culture du bio aux chefs, en restauration. Plusieurs témoignages lors de la conférence montrent d’ailleurs que de nombreuses collectivités réussissent à atteindre les 20 % de produits bio dans leurs cantines. Philippe Lassalle Saint Jean, président du jury Territoire Bio engagé, donne notamment l’exemple de Bordeaux, première métropole en France labellisée justement ce 1er juin. « Début 2023, le Sivu, la cuisine centrale de Bordeaux-Mérignac affiche 51 % de produits bio. » Laurent Teyssendier, représentant Fnab à l’Agence Bio, affirme en outre qu’une étude réalisée montre que la production bio en Nouvelle-Aquitaine est suffisante pour approvisionner toutes les cantines de cette région à 20 %.
Modeler le marché
L’Agence Bio estime le nombre de relais potentiels de distribution de produits bio à 378 000 (domicile et hors domicile). « Il faut muscler tous ces débouchés. Et que le bio soit un peu de la consommation de tout le monde, et non la consommation régulière de quelques-uns. C’est à nous de modeler le marché. » Comment ? Via des campagnes d’information massives, par des programmes faisant rentrer le bio dans les CAP cuisine et dans le quotidien de tous les gestionnaires de cuisine, propose Laure Verdeau.
La bio continue d’intéresser les producteurs
Côté production, en 2022, on trouve, certifiés et en conversion, 2 876 053 ha et 60 483 fermes. « C’est une légère progression par rapport à 2021 : une hausse de 2,7 % pour les surfaces et de 3,5 % pour les fermes, annonce Loïc Guines, éleveur laitier en Bretagne et président de l’Agence Bio. Et pour 2023, on estime une augmentation de surfaces certifiées bio de 10 %. En outre, si on observe 3 290 arrêts de certification bio en 2022, la moitié d’entre elles concernent des départs à la retraite. » Néanmoins en 2022, les surfaces en première année de conversion diminuent de 40 %.
Face à cette dynamique de conversion divisée par trois, la Fnab appelle à une mobilisation générale.
Situations de filières contrastées
Concernant les productions végétales, les surfaces conduites en bio progressent toujours, mais avec une croissance ralentie. La diminution de surfaces en C1 est conséquente en grandes cultures (-59 %) et en vigne (-48 %). Cependant, en 2022, les surfaces certifiées bio continuent de croître de plus de 18 % pour les grandes cultures, les fruits à noyaux et à pépins et la vigne. Le constat est plus contrasté en production animale. Les filières porcines et bovines sont très touchées par la baisse de la demande et les filières volailles par la grippe aviaire. « Les producteurs de porc ont fait le dos rond, mais jusqu’à quand pourront-ils tenir ? En lait, la situation est stable et on espère bientôt remonter la pente. » À l’inverse, les plus fortes progressions se retrouvent dans les productions de petits ruminants (brebis viande +11 % et chèvres +11 %).
Évolution de la part des surfaces bio par type de production.
Assurer le renouvellement des producteurs
« Or la bio est une des solutions clé pour assurer le renouvellement des générations. Un agriculteur sur deux part à la retraite d’ici 10 ans. Selon les secteurs, 1 candidat sur 2 ou sur 4 est désireux de s’installer en bio. Il faut se débrouiller pour les accueillir et atteindre l’objectif des 18 % de surfaces bio en 2027. » Le président de l’Agence Bio prône d’ailleurs la juste rémunération des producteurs bio via le marché, mais aussi grâce à des systèmes de compensation pour services rendus à la société : qualité de l’eau, biodiversité, etc. « Mais cela relève d’un vrai choix politique ! »
Frédérique Rose
Pour approfondir :
Sur le site de l’Agence Bio : tous les chiffres sont à retrouver ici
et le dossier des chiffres 2022 : ici
Les réactions :
Lire le communiqué de la Fnab : ici
Les chiffres de la bio 2022 en un seul coup d’œil
- 2 876 053 ha (certifiés et en conversion), soit +2,7 % vs 2021
- 60 483 fermes (certifiées et en conversion), soit +3,5 % vs 2021
- 10,71 % de la SAU française (10,44 % en 2021)
- 14,2 % des fermes françaises (13,4 % en 2021)
- 12 milliards d’€ de marché bio (hors restauration), soit -4.6 % vs 2021
- 715 millions d’€ en restauration , + 17% vs 2021
- 6,1 % de part de consommation bio des ménages , contre 6,4 % en 2021.
- 30,2 % de produits importés
- 16,3 % de l’emploi agricole
La France, comparée à ses voisins européens
- 1er pays bio en surfaces , devant l’Espagne et l’Italie.
- En 13 e position, pour le pourcentage de bio dans la SAU. 1 er : l’Autriche avec + de 25 %.
- 2e en chiffre d’affaires de son marché. 1 er : l’Allemagne avec plus de 15 milliards d’€.
- 6e dans la part des produits bio des achats alimentaires. 1 er : Danemark avec 13 %, puis Autriche et Luxembourg à plus de 10 %.