Qui achète bio, où, quoi et comment ? La table ronde organisée par Interbio Pays-de-la-Loire le 5 mai a dressé le profil du consom’acteur bio.
La trentaine, possédant un bagage culturel, de catégorie sociale moyenne ou supérieure, “c’est un alterconsommateur”, décrit Sauveur Fernandez, consultant en marketing vert et consommation responsable. À l’image du bobo, lohas (Lifestyles of Health and Sustainability) ou autre créatif culturel, il cherche du “pratique, pas trop cher, préservant la planète”. Cet archétype urbain regroupe déjà les 40 % d’acheteurs “intermédiaires”, “poussant les portes d’enseignes bio”. Quant au “convaincu”, “le décroissant, alternatif, militant, celui qui a fait connaître le bio, invitant à consommer autrement”, il devient minoritaire, toujours prêt à payer un prix élevé, s’il est convaincu. Il fréquente des réseaux pionniers tel que Biocoop ou les Amap. Autre tendance, celui de “l’opportuniste”, découvrant la bio en grandes surfaces. Il constitue la moitié des acheteurs et est susceptible d’évoluer vers d’autres moyens de distribution. “Nous voulons une bio pour tous, pas seulement pour les gens favorisés et créatifs”, réagissent certains auditeurs, à la présentation de ce panorama.
Favoriser des liens étroits
“Le marché équitable est tombé dans le panneau de la GMS, déplore Patrice Hurel, coordinateur des Amap 44. Nous préférons privilégier la solidarité et la transparence au niveau local, entre mangeurs et producteurs.” En Loire-Atlantique, 5 000 familles ont déjà tissé des systèmes de relations plus étroits avec une centaine de producteurs, en majorité bio. “L’Amap est tendance, mais d’une façon générale, les mangeurs doivent être responsables et non de simples acheteurs”, affi rme le coordinateur. De son côté, Alain Delangle, producteur normand, plaide aussi pour l’ouverture aux autres systèmes. Invité à présenter la SARL Normandie Fermes Bio dont il est le gérant, il soutient aussi que “les autres types de distribution ont leur place car, selon les circonstances, on va aussi en magasin spécialisé ou en grande surface, et dans ce cadre, le boucher et son client doivent aussi dialoguer”. En faisant adhérer des magasins U normands à Normandie Ferme Bio (230 producteurs en viande, fruits, légumes, produits laitiers…), sous la forme d’une Scic (1), Alain Delangle cherche à créer des liens étroits entre producteurs et distributeurs. Son souhait : étendre cette approche à l’épicerie et la boucherie “pour voir enfin de la viande bio sur un crochet et plus seulement sous plastique”.
Période de turbulences
Plusieurs témoins, Élie Paillard, du syndicat des distributeurs spécialisés en produits bio et diététiques (Synadis) et Claude Colin, directrice de la coopérative angevine Caba-Biocoop, constatent le recul des ventes en magasins spécialisés. “La croissance est ralentie depuis fin 2009, précise cette dernière. Après des progressions allant jusqu’à plus de 20 %, les ventes reculent de 5 %, alors que l’ensemble des produits bio commercialisés augmente. Où vont les acheteurs, en GMS ? Certains clients “opportunistes” ont dû nous quitter, notamment pour des achats comme les produits laitiers.” Ce que confirme Philippe Delran, directeur de publication du magazine Bio Linéaire : “en février, la GMS enregistrait une progression de +4 % de ses ventes, mais l’équilibre se fait entre systèmes de distribution”. Pour lui, cette période de turbulences est diffi cile à analyser. L’observateur prévoit la fermeture de 150 magasins spécialisés cette année, mais aussi l’ouverture de 80 autres. Certains consommateurs se tourneraient encore vers “une 3e voie”, celle d’enseignes telle que Botanic ou Natureo par exemple.
(1) Société Coopérative d’Intérêt Collectif.
Par Frédéric Ripoche,
Paru dans Biofil N° 70 - Mai-Juin 2010