Dans son rapport sorti fin juin 2022, la Cour des comptes conclut que l’engagement des interprofessions par filières pour promouvoir la bio reste trop faible : pour Interbev, le budget consacré aux viandes bio ne serait que de 0,3 M€ chaque année sur un montant destiné à la communication de l’ordre de 15 M€ par an. Dans son droit de réponse, l’Interprofession rectifie les chiffres annoncés : « Le budget pour la bio d’Interbev évolue annuellement en fonction des volumes et des axes de travail de sa commission bio. En 2022, il s’élève à 632 500 €, en augmentation de 22 % par rapport à 2021 (518 822 €) et de 28 % par rapport à 2020 (494 800 €). Ce, alors que les ventes de viandes bio ne représentent que 4 % du chiffre d’affaires du marché alimentaire bio, selon l’ Agence Bio » . Interbev rappelle qu’elle est pourvue depuis 2004 d’une commission bio, dotée d’un budget servant au travail de son observatoire économique des viandes bio, à mener des actions de communication et à soutenir l’Agence bio.
Participer à #BioRéflexe
« La production a doublé entre 2015 et 2020, rappelle Interbev . Mais il est primordial de prendre en compte les problématiques de l’adéquation entre l’offre et la demande pour ne pas déstabiliser la structuration mise en place. » Et ce, dans un contexte de contraction de la demande. Pour stimuler le marché, Interbev participe à #BioRéflexe, la première campagne collective d’information et de promotion pilotée par l’Agence Bio et soutenue par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, déployée du 30 mai à l’automne 2022 sur l’ensemble du territoire national.
Des abattages en progression en 2021
Au regard des deux dernières années, le marché de la viande bio évolue, analyse Interbev via son Observatoire bio : « La crise sanitaire de 2020 a enclenché un changement des habitudes sur le marché bio, avec notamment un recul des achats en GMS ». Plébiscitant les productions locales et des achats de proximité, la filière des viandes bio continue de connaître une croissance globale en 2021 avec une hausse des volumes d’abattage de 10 % : + 3 % en bovins allaitants, + 4 % en bovins laitiers, + 7 % en veaux, + 6,4 % en ovins, + 18 % en porcs. « Cependant la progression ralentit en raison d’un contexte plus difficile au second semestre », note Interbev. Les ventes en magasins spécialisés se maintiennent (+4 %), celles des boucheries artisanales (+7 %) et en vente directe (+10 %) progressent. En GMS, elles chutent de 9 %. Seule la RHD est en forte croissance (+21 %), mais en raison d’une année 2020 particulière où la RHD était en panne.
Viande bovine : la RHD repart
Globalement, les abattages bovins bio allaitants, incluant vaches, génisses, bœufs, jeunes bovins et taureaux, se sont développés de façon plus modérée, en hausse de 3 % entre 2020 et 2021 en volume (20 260 TEC - Tonnes équivalent carcasse). Cette croissance plus faible qu’à l’accoutumée est en lien avec une stagnation du cheptel de vaches allaitantes bio et en conversion (+ 0,6 %), une baisse de la consommation fin 2021 ainsi qu’une concurrence plus importante des filières conventionnelles (avec la diminution significative de l’écart de prix payé producteur). Une proportion importante des troupeaux de bovins allaitants, en complément des animaux laitiers et mixtes, a alimenté le marché du steak haché et des viandes prêtes à découper. Au rayon libre-service des grandes surfaces (hard-discount, proxi et e-commerce inclus), les ventes de viande hachée de bœuf bio ont diminué en valeur et en volume passant de 4 834 tonnes en 2020 à 4 387 tonnes en 2021, baissant la part de la bio sur ce segment (4,7 % en volume vs 5,2 % en valeur du total de haché vendu en GMS). « On note aussi des difficultés à valoriser une partie des pièces dites nobles, comme l’entrecôte ou le faux-filet, notamment en boucheries artisanales », souligne Intebev. Cela s’explique, entre autres, par le déséquilibre lié à l’augmentation des débouchés en RHD non commerciale (valorisant surtout des avants) et de la part prépondérante de la demande en steak haché sur les autres circuits de commercialisation. « Ce déséquilibre et la baisse des ventes ont pu être gérés via du déclassement pris en charge par les filières », informe l’interprofession. En 2021, les abattages de veaux ont quant à eux repris avec une croissance des volumes de 7 %. Les baisses constatées en GMS ont pu être en partie compensées par la reprise des ventes en RHD et, dans une moindre mesure, par le développement de la vente directe et des boucheries artisanales.
Agneaux : meilleure adéquation entre l’offre et la demande
En 2021, les abattages d’ovins bio ont continué de progresser, gagnant 6,4 % (2 199 TEC - Tonnes équivalent carcasse) par rapport à 2020, soit un ralentissement par rapport aux croissances habituelles. Cette tendance s’explique, d’une part, par une croissance modérée du cheptel de brebis allaitantes bio et en conversion (+ 5,5 % en 2021 par rapport à 2020), et d’autre part, par une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. Celle-ci se consolide au fil du temps mais aussi par la concurrence avec le conventionnel qui a contribué à la « fuite » de volumes d’agneaux bio pour combler les déficits existants. Les professionnels ont par ailleurs multiplié les initiatives visant à mettre cette viande en lumière tout au long de l’année afin de gérer la saisonnalité de la production. La campagne « Agneau Bio d’automne » vise à dynamiser la consommation à une saison où beaucoup d’agneaux sont disponibles mais qui ne constitue pas une période traditionnelle de consommation de viande d’agneau
Porcs : faire face au déficit matière
En porcs, les abattages ont connu une croissance soutenue en 2021, passant de 22 667 tonnes en 2020 à 26 652 tonnes en 2021, malgré une augmentation faible du nombre de truies sur 2021 (+ 2,2 %), en lien avec le décalage existant entre la conversion, la mise en place de truies bio et l’abattage de porcs. Tout comme pour les autres viandes, les débouchés ont été moins importants en GMS. Cependant, les Français ont jeté leur dévolu sur certains produits comme les lardons, dont les ventes ont enregistré une forte hausse, notamment au premier semestre 2021, pendant lequel les consommateurs ont davantage cuisiné à domicile. Pour faire face au déséquilibre matière, les professionnels ont néanmoins essayé de valoriser l’ensemble des morceaux du porc, tels que les épaules ou encore la longe, lors d’animations en magasins. Les volumes de ventes en RHD ont progressé en 2021, et dans une moindre mesure en magasins spécialisés et vente directe. Cependant, dans ce contexte de forte augmentation des abattages de porcs bio et de difficultés à équilibrer les carcasses (beaucoup de ventes de pièces type poitrine), une quantité significative des volumes a été exportée, déclassée ou congelée pour le stockage. En effet, l’offre a été globalement supérieure à la demande sur l’ensemble de l’année 2021, avec une accélération de l’écart suite à la baisse de consommation observée à partir du second semestre.
La filière viande bio doit s’adapter
« La filière viandes bio doit s'adapter dans un contexte incertain », conclut la commission bio d’Interbev. Durant 2021, elle a dû s’adapter pour trouver le juste équilibre entre l’offre et la demande, entre une reprise dans certains segments (RHD) et une baisse de la consommation de produits bio observée en GMS. Les opérateurs continuent leurs efforts dans un contexte comportant énormément d’incertitudes : flambée du prix de l’aliment et autres charges (énergie, transports et emballages), hausse exceptionnelle des prix d’achat des animaux conventionnels (gros bovins et agneaux), évolution du comportement des consommateurs. Des leviers de régulation ont été mis en place ou amplifiés pour gérer l’équilibre entre production et débouchés : export, déclassement, etc.
De nombreuses actions pour stimuler le marché
« L’ensemble des filières bio sont à un tournant historique concernant la consommation de produits bio, qui représentent en 2021 une part de marché globale de 6,6 % dans les courses alimentaires des Français », rappelle Interbev. L’enjeu est de limiter le déclassement et le stockage tout en ne pénalisant pas le potentiel de production dans l’hypothèse d’une reprise de la consommation. « La courbe de production toutes espèces confondues a néanmoins continué de progresser et l’objectif de doubler les volumes en cinq ans est désormais atteint , souligne l’interprofession. Cependant, les opérateurs restent très prudents et précisent que l’année 2022 s’annonce a priori moins favorable du fait du contexte compliqué . » Les nombreuses actions initiées par la commission Bio d’Interbev pour valoriser les viandes bio auprès des distributeurs et du grand public vont se poursuivre en 2022 avec en point d’orgue la mise en place de la campagne de promotion #BioRéflexe.